La liberté religieuse à la recherche de son argumentation – A l’étranger - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

La liberté religieuse à la recherche de son argumentation – A l’étranger

Copier le lien

Dans mon dernier article, j’ai fait ressortir un besoin urgent de remanier nos arguments sur la « liberté religieuse » car ils sont présentés non seulement dans les tribunaux mais également dans l’arène politique. Je signalais que ce besoin était devenu encore plus évident depuis le litige concernant les magasins Hobby Lobby et la résistance aux prescriptions de l’Obamacare.

Cet article a suscité une note de mon ami Thomas Farr qui dirige à présent le projet sur la liberté religieuse au Centre Berkeley, à Georgetown. Tom a servi comme premier directeur du bureau de la liberté religieuse internationale au Département d’Etat1, poste créé par l’Acte sur la liberté religieuse internationale de 1998.

Il m’a écrit pour me signaler son témoignage en juin, devant une commission de la Chambre2, qui fournit un rapport plutôt sombre sut l’état de la liberté religieuse à l’étranger, et la situation manifestement peu en vue de ce projet au sein de notre propre gouvernement. Mais son témoignage porte également sur l’objet de mon récent article concernant les problèmes de cohérence qui affectent les arguments en faveur de la liberté religieuse.

Plaider la cause de la liberté religieuse dans ce vaste monde extérieur présente une ressemblance essentielle avec la tâche consistant à défendre la liberté religieuse comme un « droit naturel ». Il faut expliquer, en des termes compréhensibles par les autres, pourquoi cette revendication de liberté religieuse les concerne, même lorsqu’ils ne comprennent pas ou n’accordent pas de crédit à la vérité qui inspire la dévotion des religieux.

La tâche d’explication de ce point s’avère assez difficile dans notre propre pays. Nous pouvons donc comprendre la perplexité qui saisirait les gens du Département d’Etat, même s’ils prenaient la religion au sérieux, ce que la plupart ne fait pas. Comme le fait remarquer Farr, « une proportion significative de nos fonctionnaires des affaires étrangères ne croient plus que la liberté religieuse soit « la première liberté » ».

Le Département d’Etat a l’autorité pour initialiser des sanctions contre des pays qui commettent de sérieuses violations de la liberté religieuse mais, ainsi que le remarque Farr : « Il serait difficile de citer un seul pays au monde où, dans les quinze dernières années, la politique américaine en matière de liberté religieuse a aidé à réduire les persécutions religieuses ou à augmenter la liberté religieuse ».

Les premières victimes des persécutions religieuses ont été vous savez qui : les chrétiens. ET leur situation a empiré, même dans les pays où, toujours aux dires de Farr, notre pays a « fourni du sang, des finances et des ressources diplomatiques » : Irak, Afghanistan, Pakistan, Egypte, Chine, Arabie Saoudite et Russie.

Mais Farr touche là un point qui aurait dû être perçu comme une clé du puzzle, car il note que la situation en Syrie est marquée par une histoire de « persécutions religieuses, d’abord des Alaouites par les Sunnites, puis des Sunnites par le régime alaouite des Assad ». Comme le personnel du Département d’Etat a le regard tourné vers le monde, il voit les religions souffrir de persécution de la part d’armées d’autres religions.

Michael Novak a souvent rappelé que la compréhension de James Madison et des autres fondateurs était que Dieu, qui nous a donné la liberté et la raison, ne souhaite pas que les hommes soient contraints d’obéir à une religion. Et c’est tout à fait ce qu’enseigne l’Eglise catholique dans Dignitatis Humanae3.

Mais ce n’est pas la compréhension de Dieu et de « la religion » qui anime les djihadistes radicaux ou beaucoup d’autres groupes qui emplissent le paysage, ici et ailleurs, et qui brandissent la bannière de « la religion ». Le Dieu des fondateurs de l’Amérique était le Dieu de la Déclaration d’Indépendance, l’Auteur des lois de la nature, y compris les lois morales. Il était ce Créateur qui nous a dotés de droits. Et ce n’était pas un dieu local, de la tribu de ces Américains. Il était le Dieu du logos, de la raison, le Créateur de la personne humaine qui est marquée, dans sa nature la plus élevée, par le don de la raison.
Comme je l’ai défendu dans ces colonnes, notre cause de la liberté religieuse devrait commencer ici, non par la simple invocation des croyances, mais avec les choses que notre tradition religieuse nous enseigne sur les canons de la raison comme fondements de nos jugements, et comme fondements de la loi. Et pourtant, ce qui touche à la vérité semble réticent à citer son nom, même parmi ceux qui se dévouent à la défense de la liberté religieuse : c’est que nous risquons la cohérence lorsque nous traitons, comme également plausible et légitime, tout groupe qui s’affiche sous le titre de « religion ».

Si les gens du Département d’Etat semblent embarqués ou volontaires dans leurs convictions, nous devons nous demander : « Est-ce que nos propres amis, qui travaillent sur la liberté religieuse, ont contribué à clarifier ces distinctions et leur ont donné des orientations ? ».

Le propre travail de Thomas Farr a été vaillant, et son témoignage mérite d’être lu en totalité. Il a peut-être raison lorsqu’il émet l’hypothèse que, si le bureau qui traite de la liberté religieuse voyait son niveau et ses pouvoirs augmentés, cela marquerait une volonté de traiter plus sérieusement le sujet. Mais cela pourrait être simplement une grande confusion, tant que les gens qui remplissent cette fonction ne perçoivent pas d’abord clairement ce qu’est leur sujet. Ce qu’ils doivent d’abord comprendre est le caractère de ces « religions » qu’ils cherchent à protéger. Et saisir ce point, c’est également saisir le fondement moral du régime politique qu’ils cherchent à préserver.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/religious-freedom-in-search-of-its-argument-abroad.html

Photo : Thomas Farr témoigne.

— –

Hardley Arkes est professeur de jurisprudence au Collège Amherst. Son ouvrage le plus récent est « Contitutionnal Illusions & Anchoring Truths. The Touchstone is natural Law. » (qui pourrait se traduire en « Illusions constitutionnelles et vérités de fond. La pierre d’angle est la loi naturelle.”) Le volume II de ses conférences audio sur « Le chercheur moderne, premiers principes et loi naturelle » est disponible au téléchargement.

  1. Ministère des Affaires Etrangères des USA
  2. Chambre des Représentants, homologue de l’Assemblée nationale française.
  3. Déclaration du concile Vatican II sur la liberté religieuse (7 décembre 1965).