« Je sollicite humblement que vous perdiez la mentalité victimaire » m’a écrit récemment un critique, argumentant que notre pays est séculier. « Le christianisme n’est pas attaqué mais plutôt remis à sa place comme étant une religion parmi d’autres dans une république démocratique pluraliste et multi-raciale ».
Pour les chrétiens qui ont été traînés devant les tribunaux, condamnés à payer des amendes ou virés de leur travail pour leur adhésion à la morale chrétienne – Jack Phillips, Kim Davis, les Petites Sœurs des Pauvres sont des exemples probants – le sentiment d’être attaqué n’est probablement pas exagéré. La morale biblique, qui jusqu’à ces dernières années était partagée par la majorité des Américains, a soudainement été considérée comme une menace pour le bien-être des autres. De l’autre côté de l’Atlantique, en Finlande, une membre du Parlement est actuellement poursuivie pour discours haineux parce qu’elle soutient la morale biblique. Donc, il doit y avoir quelque chose de plus à l’œuvre que simplement demander aux chrétiens, au nom du pluralisme, de se comporter comme un groupe parmi d’autres.
Que les chrétiens soient les dernières victimes en Amérique est lié à un paradoxe plus profond : Jésus-Christ était une victime culturelle et politique – Caïphe et Pilate l’ont démontré suffisamment. Mais la culture confuse et la politique erratique de Rome ont servi involontairement un projet divin : elles ont fait du Christ la victime sacrificielle offerte à Dieu pour le pardon des péchés. Quand nous nous agenouillons en adoration, nous prions de façon appropriée : « ô Victime Salvatrice, ouvre toutes grandes les portes du Ciel à nous qui sommes ici-bas ».
Que les chrétiens aient aussi à être de telles victimes semble en découler : « s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront » (Jean 15:20). Depuis des millénaires, des forces culturelles et politiques hostiles ont pris les vies de martyrs chrétiens héroïques dont les morts ont témoigné du triomphe du Christ sur le monde. C’est pourquoi la prière à la Victime Salvatrice se poursuit : « nos ennemis nous pressent de toutes parts ; apportez votre aide, accordez votre force ».
La Victime qui s’est révélée être le Vainqueur ordonne à Ses disciples de garder Ses commandements et de faires des disciples de toutes les nations. C’est la mission chrétienne qui a été effectuée dans tous types de cultures et de situations politiques – quelquefois en victimes, quelquefois en vainqueurs.
Bien que le Christ ait prédit la persécution, les chrétiens, bien sûr, préfèreront vivre et évangéliser en vainqueurs. Un cadre culturel et politique propice au message chrétien sert de terreau fertile pour la grâce divine et le code moral chrétien fournit certainement une base solide sur laquelle un régime politique peut inscrire ses lois. C’était la situation durant la majeure partie de l’histoire de l’Amérique.
La montée de la sécularisation associée à une désaffiliation religieuse massive a ébranlé la situation des chrétiens qui s’efforcent d’accomplir l’ordre divin. La pression des pairs et les attentes sociales ont un impact sur la foi d’une personne. Quand ces influences sont indifférentes ou même hostiles à la religion, les effets sur la foi d’une personne peuvent être mortifères. Considérez le nombre de chrétiens qui, après avoir passé quatre années à l’université loin de leur foyer, ne vont plus à la messe après leur diplôme.
La plus grande part du blâme pour la déchristianisation de l’Amérique doit être porté par le christianisme institutionnel, avec l’Eglise Catholique en première ligne, en raison de son échec à catéchiser et à respecter ses propres enseignements moraux. La pourriture intérieure, cependant, n’entraîne pas procès et suppression des membres restants de la chrétienté. Indubitablement, des forces hostiles extérieures à l’Eglise ont pris pour cible la chrétienté en raison de son refus de se plier aux exigences de la Révolution Sexuelle, qui a maintenant atteint l’étape de la Terreur.
Le mouvement pour la liberté religieuse est une réaction de défense qui cherche une protection légale pour les chrétiens et les institutions chrétiennes qui refusent de se soumettre à l’oukase progressiste. Ce n’est pas une magouille prévue pour rendre possible une théocratie. Les entraves à la liberté religieuse pour les chrétiens pourraient être réduite à une règle unique – propriétaires, services d’adoption, hôpitaux, écoles, employeurs – pourraient recevoir un droit étendu à discriminer les gens LGBTQ.
Et ainsi nous en revenons à la question de la victimisation. Les religieux conservateurs sont parmi les plus critiques des politiques identitaires qui cherchent à affirmer le statut des groupes minoritaires comme étant victimes perpétuelles d’institutions fondamentalement racistes et sexistes. Ironiquement, le jugement chrétien conservateur de la politique identitaire reflète le jugement progressiste envers les chrétiens : la réclamation de la victime est exagérée et les groupes devraient trouver des moyens de s’entendre les uns avec les autres – vivre et laisser vivre, selon l’antique formule.
Argumenter pour savoir quel groupe est « une plus grande victime » est stérile. Politiques identitaires mises à part, nous savons au moins que la bataille entre les progressistes et les chrétiens à propos de la Révolution Sexuelle continuera parce que, ainsi que le professeur de droit de Harvard Adrien Vermeule l’a exprimé : « la tolérance célébrée par les partisans du libéralisme apparaît plus comme de la science-fiction que comme un fait réel ». La Révolution a décidé qu’elle ne pouvait pas coexister avec le christianisme, alors elle cherche à évincer l’ancienne foi.
Le mouvement pour la liberté religieuse a prouvé que les chrétiens ne seront pas des victimes passives dans les affaires temporelles. Toujours conscients que « les fils de ce monde sont plus habiles à traiter avec leur propre génération que les fils de la lumière » (Luc 16:8), les chrétiens ont saisi les tribunaux, où la bataille sur le droit de la morale biblique à exister se joue depuis des années – et continuera de le faire.
Mais les chrétiens engagés dans la lutte ou la regardant se dérouler doivent se rappeler la leçon de la Victime Salvatrice et de Ses martyrs : Dieu permet parfois que Ses enfants soient victimes du monde pour faciliter une autre sorte de victoire. Dix jours après le martyre des Carmélites de Compiègne en 1794, le règne de la Terreur a pris fin en France.
Dans les affres de la bataille politique et culturelle, le grand projet divin est le soutien et l’espérance des chrétiens : « dans le monde, vous aurez des tribulations ; mais soyez de bonne humeur, j’ai vaincu le monde » (Jean 16:33).