La liberté paulinienne selon Thomas d'Aquin - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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La liberté paulinienne selon Thomas d’Aquin

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Dans quelle mesure la loi morale demeure-t-elle la volonté de Dieu pour le chrétien qui a été appelé à la liberté dans le Christ ? (Galates 5:1,13) Pour répondre à cette importante question, tout particulièrement à l’époque actuelle où des vents de revendication venus de l’immoralisme et de la confusion soufflent à travers l’Eglise à propos de la conscience, nous pouvons nous tourner vers la distinction établie par Thomas d’Aquin entre la force d’attraction et la force d’assujettissement de la loi morale (Commentaire de la lettre de Saint Paul aux Galates).

Thomas d’Aquin porte sa réflexion sur deux textes clefs : « maintenant, le Seigneur est l’Esprit, et où se trouve l’Esprit du Seigneur se trouve la liberté » (2 Corinthiens 3:17), « mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la loi » (Galates 5:18)

Paul fait référence à la liberté intérieure de ceux qui sont mus par l’Esprit. Mais ceux qui sont mus par l’Esprit ne voudraient pas agir contre la loi morale exprimée dans la deuxième table du Décalogue car ces lois ont une force persuasive : « tous les croyants sont soumis à la Loi car elle a été donnée à tous – par suite il est dit : « Je ne suis pas venu abolir la Loi mais la porter à sa plénitude » (Matthieu 5:17-19)

N’en déplaise aux immoralistes, les lois morales nous disent bien réellement ce qu’il est ou non permis de faire, ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Oui, « le Christ nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres » (Galates 5:1). Mais notre liberté dans le Christ ne signifie pas que nous ne sommes plus tenus à être fidèles dans le mariage (ne pas commettre l’adultère), à respecter la vie humaine (ne pas commettre de meurtre), à honorer nos parents, à tenir nos promesses, à dire la vérité (ne pas porter de faux témoignages contre notre prochain) et le reste.

Etre libre dans le Christ ne signifie pas que nous sommes au-dessus de la loi. Les chrétiens ne sont pas des immoralistes. C’est évident dans la description que donne Saint Paul de ceux qui « se laissent conduire par l’Esprit ». Il écrit :

Marchez avec l’Esprit et vous ne vous abandonnerez plus aux désirs de la chair… Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la juridiction de la loi. Les œuvres de la chair sont manifestes : immoralité sexuelle [porneia], impureté sexuelle [akatharsia, un terme utilisé pour désigner les rapports homosexuels dans Romains 1:24-27], débauche [aselgeia]… Je vous avertis, tout comme je l’ai déjà fait précédemment, ceux qui qui pratiquent de telles choses n’hériteront pas du Royaume de Dieu… Et ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Si nous vivons par l’Esprit, marchons également par l’Esprit. (Galates 5:16-25)

Concernant la force coercitive de la loi, Thomas d’Aquin est clair : ceux qui sont mus par l’Esprit ne sont pas sous la loi – et de ce fait ne sont pas contraints par la loi. Mais cela signifie qu’ils ont la liberté intérieure, découlant de leur amour de Dieu, de choisir le bien, le dynamisme de l’Esprit-Saint les inspirant : « si vous M’aimez, vous garderez Mes commandements. » (Jean 14:15)

Thomas d’Aquin commente : « car la charité incite à faire ce que la Loi prescrit. Ainsi donc, les justes ayant une loi intérieure, font de leur propre initiative ce que la Loi commande et ne sont pas contraints par elle. Et effectivement, le Psalmiste parle de l’homme de Dieu comme que quelqu’un qui fait ses délices de la loi [de Dieu] qui est vraie et vivifiante.

A cette lumière, nous voyons que Thomas d’Aquin professe que celui qui fait le mal mais qui est retenu par un sentiment de honte ou de peur de la loi est contraint extérieurement à respecter la loi. Il expérimente alors la loi comme une sorte de servitude qui lui impose des préceptes moraux déconnectés de son propre bien. Cet homme est toujours soumis à la loi, et par là il n’est pas libre au sens paulinien :

Une personne est libre quand elle s’appartient à elle-même ; un esclave, au contraire, appartient à son maître. De même, celui qui agit spontanément agit librement, alors que celui qui reçoit sa conduite d’un autre n’agit pas librement. Par suite, celui qui évite le mal, non parce que c’est le mal mais parce que c’est un commandement de Dieu n’est pas libre. Mais celui qui évite le mal parce que c’est le mal est libre.

Et donc Thomas d’Aquin écrit ceci de la liberté paulinienne : « c’est précisément cela que l’Esprit-Saint apporte, car il perfectionne intérieurement notre esprit, lui donnant un nouveau dynamisme, et par conséquent la personne se garde du mal par amour, comme si la loi divine le lui avait commandé. Elle est donc libre, non pas que la loi divine n’ait plus d’importance pour elle, mais parce que son dynamisme intérieur la pousse à faire ce que la loi divine prescrit. (Commentaire de la deuxième lettre de Saint Paul aux Corinthiens, chapitre 3, paragraphe 3)

La conclusion de Thomas d’Aquin – qui est que la loi divine garde son importance pour l’homme libre selon Saint Paul – est claire parce que tant Jésus que les Apôtres font référence au Décalogue (Matthieu 19:18 ; Romains 13:9 ; Ephésiens 6:2 ; Jacques 2:11). La loi morale garde sa signification de « loi divine », « sainte, juste et bonne » (Romain 7:12). Donc, d’un côté, que Jésus « porte la loi à sa perfection » ne peut signifier que les chrétiens peuvent abandonner la loi morale.

D’un autre côté, comme étant celui qui accomplit la loi, Jésus prend la Loi dans sa mort et la porte à son sens le plus profond, non seulement en la perfectionnant et en la transformant, mais aussi en intériorisant son exigence (voir Matthieu 5:17-20). Cet accomplissement radicalise l’exigence de la loi en atteignant son cœur, qui est que nous aimions Dieu par dessus tout et nos prochains comme nous-mêmes. Jésus dit « ces deux commandements contiennent toute la Loi et les Prophètes. » (Matthieu 22:40) C’est le commandement central de l’Amour.

Parce que l’amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par la grâce de l’Esprit-Saint, qui nous a été donné à travers la foi au Christ (Romains 5:5), non seulement son Amour réside en nous et agit à travers nous, mais nous agissons librement parce que la Loi de Dieu est inscrite dans nos cœurs (Jérémie 31:33 ; Hébreux 10:16).

Eduardo J. Echeverria est professeur de philosophie et de théologie systématique au séminaire du Sacré Cœur de Détroit.

Illustration : « Saint Paul rédigeant son Epître » peinture attribuée à Valentin de Bourgogne, vers 1620 [musée des Beaux-Arts de Houston]

source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/15/pauline-freedom-according-to-aquinas/

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