L’abdication du roi Juan Carlos, après un règne de près de quarante ans, permet de réfléchir au destin de l’Espagne contemporaine.
Certes, la fin de règne n’a pas été facile, marquée par des scandales qui ont terni l’image de l’institution. Juan Carlos aurait dû être plus attentif à la souffrance de son peuple en période de grave récession. Dès lors qu’apparaît un divorce entre la manière de vivre de la famille royale et celle d’une population en déshérence, le désamour s’annonce, et c’est grave pour une monarchie dont la légitimité consiste précisément à incarner l’unité d’un pays. Justement, si Juan Carlos a été si populaire pendant la plus grande partie de son règne, c’est que son rôle avait été déterminant pour sortir l’Espagne de ses divisions, au lendemain d’une terrible guerre civile et de la dictature qui résulta de la victoire d’un camp sur l’autre.
Ce n’était pas gagné d’avance. Pour beaucoup, le futur roi était la création du général Franco et il était surnommé parfois Juan le Bref par ceux qui ne croyaient pas à ses chances d’assumer un véritable transition. Quelques bons observateurs, comme le Français Jean-François Deniau voyaient les choses tout autrement et d’ailleurs œuvraient dans l’ombre à l’instauration du nouveau régime. Il devait sortir le pays du franquisme, sans donner le sentiment d’une défaite aux partisans du régime, tout en invitant l’autre moitié du pays à participer à nouveau au pouvoir, sans que cela soit ressenti comme une revanche.
De ce point de vue, Juan Carlos a largement réussi son travail. Cela fut évident lorsqu’une figure aussi marquante que celle de Santiago Carillo, dirigeant historique du parti communiste espagnol, signifia son adhésion au principe d’unité de la monarchie. Certes, toutes les blessures n’ont pas été effacées. On n’oublie pas une pareille guerre civile en une génération. Mais il était nécessaire qu’elle soit surmontée avec une sortie par le haut et par l’avenir. Malgré les ombres de ces dernières années, l’Espagne gardera le souvenir du roi qui a rendu l’unité possible.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 3 juin 2014.
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