C’est le Cardinal Paul POUPARD, président émérite du Conseil pontifical de la Culture, qui est venu spécialement de Rome à Roquebrune Cap Martin (Alpes maritimes) remettre, tout dernièrement, la rosette d’officier de la Légion d’Honneur à une religieuse aveyronnaise : Mère Maurice-Marie VIVIER.
Précédée par une messe d’action de grâces pour l’apostolat des Sœurs de Saint-Joseph, la cérémonie, qui eut lieu le samedi 28 mars 2009, s’est terminée par un vin d’honneur.
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« D’une chapelle, elle a fait une véritable cathédrale ! », ont coutume de dire ceux qui connaissent Mère Maurice-Marie : « D’une modeste école de 80 élèves au début des années 60, elle a construit un établissement qui compte aujourd’hui plus de 1300 enfants et adolescents ». S’il est des membres du clergé qui sont des bâtisseurs, assurément ce qualificatif convient bien, au propre comme au figuré, à cette dynamique religieuse. Les parents d’élèves, les enseignants, le personnel administratif ainsi que les générations d’élèves qui se sont succédés sur les bancs de l’Institution Saint-Joseph de Roquebrune Cap-Martin (Alpes-Maritimes) en savent quelque chose. De nos jours, selon le classement opéré par notre confrère « Le Figaro » à partir d’une enquête du Ministère de l’Education nationale portant sur 4 000 établissements publics et privés, l’Institution de Mère Maurice-Marie VIVIER, avec 96 % de taux de réussite dans la filière technologique, figure, sans aucune sélection élitiste, parmi les meilleurs lycées de France… Née à Millau le 5 juin 1921 au sein d’une famille de fabricants de gants, Sœur Maurice-Marie est entrée dans la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph en 1938. Dans le prolongement de sa vie religieuse, tournée tout à la fois vers le service de Dieu et celui des hommes, elle a exercé, de 1940 à 1954, des activités d’enseignante dans sa ville natale, au Collège Jeanne d’Arc, en étant parallèlement, à partir de 1949, maîtresse des Novices de la Congrégation Saint-Joseph de Millau. De 1954 à 1964, elle devient institutrice puis directrice d’école à Verfeil-sur-Seye (Tarn et Garonne). Nommée à Roquebrune Cap-Martin pour la rentrée scolaire de l’automne 1964, Sœur Maurice-Marie trouve là une école primaire fondée en 1886 (grâce à une donation de « Sissi » Impératrice d’Autriche) mais dont les effectifs n’avaient guère évolué depuis lors : moins d’une centaine d’élèves. Dès la rentrée de l’automne 1965, Sœur Maurice-Marie ouvre les deux premières classes de ce qui est maintenant le collège secondaire : A la demande des parents d’élèves, qui regrettaient de ne pouvoir laisser leurs enfants à l’Institution Saint-Joseph, et avec l’appui du président de l’association des parents d’élèves de l’époque, Sœur Maurice-Marie assure pendant deux ans une classe de 6ème et une de 5ème. Elles ne sont que deux religieuses à dispenser à cette époque la totalité des cours. Un travail en équipe Nommée Supérieure de la Communauté en 1966, Mère Maurice-Marie est à l’origine du développement sans précédent de l’Institution Saint-Joseph. Un développement qui illustre la synergie qui s’est opérée entre la direction religieuse, l’association de parents d’élèves (APEL), l’organisme de gestion de l’école (OGEC). Plus tard, la nomination à la tête de l’établissement secondaire d’un Directeur laïque, succédant à Sœur Marie-Solange LACOMBRADE, sera une nouvelle illustration de cette efficace collaboration qui caractérise aujourd’hui les établissements d’enseignement catholiques. A partir de 1965, en effet, le nombre d’enfants et d’adolescents scolarisés à l’Institution connaîtra une croissance régulière : près de 220 élèves en 1966, 650 en 1970, 1050 en 1975, plus de 1300 à la fin des années 90. Cette poussée des effectifs n’ira pas sans poser de sérieux problèmes à Mère Maurice-Marie VIVIER et à son équipe, à commencer par la recherche de locaux qui soient à la fois disponibles et financièrement accessibles alors même que la fièvre immobilière et la flambée des prix s’emparent de la Côte d’Azur. Plusieurs solutions seront successivement trouvées et mises en application : extension « verticale » avec la surélévation du dernier étage de la maison des Sœurs de Saint-Joseph, extension « horizontale » avec la construction de classes en matériaux préfabriqués. Sans oublier l’acquisition de maisons contiguës puis de terrains « hors les murs » et, enfin, la construction d’un grand immeuble moderne sur rue, sur l’emplacement des anciens jardins du couvent. Pionnière de l’informatique Cette croissance des effectifs est renforcée par l’ouverture de nouvelles classes et de nouvelles sections d’enseignement : création des premières classes du collège en 1965, ouverture du lycée d’enseignement général en 1969… A l’initiative de Mère Maurice-Marie VIVIER dans les années 80, l’Institution Saint-Joseph a été l’un des tout premiers établissements primaires du département des Alpes Maritimes à dispenser un cours d’informatique, grâce au matériel offert par le Conseil général et le Crédit agricole. C’est ainsi que les « Ateliers du samedi », qui faisaient appel à des parents bénévoles, ont permis l’enseignement de cette discipline toute nouvelle à l’époque. Créatrice d’emplois Ainsi, par son action en matière d’enseignement et d’innovations pédagogiques au sein d’un grand établissement d’enseignement privé sous contrat avec l’État, Mère Maurice-Marie a assumé, avec une compétence et une efficacité unanimement reconnues, une mission de service public et a accompagné l’essor démographique de la région de Menton-Roquebrune, dont la population s’est fortement densifiée dès la fin des années 60. Fermement convaincue de la nécessité de maintenir le seul enseignement secondaire catholique de Menton, Mère Maurice-Marie a en outre contribué, en 1968, à la sauvegarde de l’école dite de la « Villa Blanche », menacée de fermeture. Avec l’encouragement et le soutien des élus, elle a pu ainsi organiser un transfert d’élèves et de professeurs au profit de l’établissement mentonnais. Son action a ainsi abouti à la création de plus de 150 emplois : 130 dans la commune de Roquebrune Cap-Martin (15 institutrices, 100 professeurs, 15 employés et cadres administratifs), ainsi qu’une vingtaine d’autres dans la ville de Menton. En effet, rien de ce qui est aujourd’hui l’Institution Saint-Joseph n’aurait existé sans l’impulsion initiale et le travail sans relâche, durant tant d’années, de Mère Maurice-Marie VIVIER. Une retraite active Depuis son départ à la retraite de l’ensignement et de la direction d’école, intervenu en 1995, Mère Maurice-Marie VIVIER poursuit son engagement religieux et caritatif. Supérieure de la communauté des Soeurs de Saint-Joseph de Carnolès à Roquebrune Cap-Martin, c’est aussi dans cette commune qu’elle dirige la maison de retraite pour religieuses qu’elle a fondé, intitulée « L’Eau Vive ». Mère Maurice-Marie apporte également un concours apprécié au développement d’oeuvres caritatives telles que celles développées par l’association « Mir » qu’a créé en 1991 à Sospel l’un de ses anciens élèves devenu prêtre, l’Abbé Patrick BRUZZONE, avec l’appui de Soeur Emmanuelle (soutien à des personnes en situation de grande marginalité et de dépendance), ou encore la Fondation « Les enfants de Hué » du Père Patrick-Marie SERAFINI de la congrégation Saint-Jean (orphelinats au Vietnam). Humilité et vie consacrée Par les multiples générations d’élèves qu’elle a formées en 54 années d’enseignement et de direction d’école, par les liens qu’elle a su créer avec l’association des parents d’élèves et l’organisme de gestion de l’Institution Saint-Joseph, son rayonnement dans la vie sociale depuis 70 ans, Mère Maurice-Marie VIVIER est devenue, dans une discrétion et une humilité authentiquement vécues, une figure marquante et un exemple de dévouement au service d’autrui. Mais tout cet engagement au service des autres ne prend pleinement son sens que dans une dimension religieuse et, plus précisément, christocentrique. « Suivre Jésus » a toujours été le secret de cette force intérieure qui caractérise Mère Maurice-Marie. Une force qui allie paix et douceur, compréhension et compassion, mais hors de toute confusion : la foi n’est elle pas, aussi, exigence morale, clarté théologique et effort permanent de conversion personnelle ? Dans sa consécration à Dieu, Mère Maurice-Marie vit une vie religieuse au cours de laquelle, en un peu plus d’un demi-siècle, ses vœux et sa pratique des vertus théologales n’ont cessé d’augmenter sa liberté individuelle. Son intelligence des choses et des gens, éclairée par la Foi, lui permet de d’appréhender la réalité, de découvrir la personne humaine. Par son cœur, inspiré par la Charité, cette humble Religieuse devient un témoin vivant et joyeux de l’Amour de Dieu pour les hommes. Par sa jeunesse et sa vitalité, signes tangibles de l’Espérance qui habite chaque croyant, Mère Maurice-Marie trouve les ressources d’une vraie magnanimité et d’une capacité à grandir dans la Vérité. Nous sommes ainsi bien loin du cliché simpliste et rapide d’une religieuse « femme d’affaires », bâtisseur d’écoles, sachant trouver les ressources humaines et financières pour assurer un développement à ce qui est l’œuvre de toute une vie. Car Mère Maurice-Marie VIVIER n’est pas qu’un simple « chef d’entreprise », une technicienne des programmes pédagogiques, des rythmes et de la carte scolaires, ou encore un manager ayant l’habitude de traiter avec notaires, experts-comptables et banquiers. Sa vraie pauvreté est celle de son cœur. Elle a pour nom : l’humilité. L’offrande de soi, l’oubli de soi-même dans une vie consacrée, au milieu d’une Congrégation, parmi d’autres vies consacrées, dans l’obéissance librement consentie et, mieux encore, véritablement choisie. Mieux que quiconque, Mère Maurice-Marie a compris que l’enseignement catholique ne devait pas tomber dans le piège d’un « professionalisme gestionnaire » incarné par des structures composées exclusivement de laïcs salariés auxquels leurs compétences, véritables et reconnues, ne sauraient tenir lieu d’esprit religieux ni d’exemple de consécration à Dieu pour les jeunes générations. Il convenait assurément de bien resituer tout ce « soubassement spirituel » au moment où les autorités de la République, en attribuant à Mère Maurice-Marie VIVIER le grade d’officier dans le premier des Ordres nationaux, ont reconnu les mérites exceptionnels de la récipiendaire qui ignorait tout, jusqu’au 1er janvier 2009, de l’honneur qui, à son insu, lui avait été réservé. A Mère Maurice-Marie VIVIER, qui voudra bien trouver ici nos très respectueuses félicitations, et à toutes les Religieuses de Saint-Joseph, nous disons notre admiration et notre reconnaissance.
ANNEXES : Mot d’accueil de Mère Marie-Paule RASCLE, Supérieure générale de l’Institut des Soeurs de Saint-Joseph, à l’occasion de la remise d’insigne d’officier de la Légion d’Honneur à Mère Maurice-Marie VIVIER Roquebrune Cap Martin, 28 mars 2009 : Monsieur le Cardinal, Monseigneur, Monsieur le Maire, Messieurs les prêtres, Mes chères Sœurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, et vous tout particulièrement les membres de la famille de Mère Maurice Marie. C’est une véritable joie, teintée d’émotion, de vous accueillir, ici, aujourd’hui, dans les locaux de l’Institution Saint Joseph de Carnolès. Vous êtes venus, nombreux, de près ou de plus loin, honorer et témoigner votre reconnaissance à l’une d’entre nous, Mère Maurice Marie Vivier, au cours de cette cérémonie présidée par Monsieur le Cardinal Poupard. Au nom de toutes les sœurs de l’Institut et en votre nom à tous, j’exprime ma profonde gratitude au Cardinal venu tout spécialement de Rome ce matin pour une si heureuse et solennelle occasion. L’histoire des Sœurs de Saint Joseph est une longue histoire qui a commencé à germer à Saint Flour dans le Cantal puis a pris naissance au Puy en Velay, petit ville de Province, en 1650. Au cours de ses missions dans l’Auvergne et le Velay, un Jésuite, le Père Médaille croise sur sa route quelques veuves et filles désireuses de se consacrer tout à Dieu et au service du prochain. Pour elles et avec elles le Père Médaille conçoit le projet d’un nouvel Institut. Il lui donne le nom de Saint Joseph … tout un programme déjà. Joseph, homme juste, ajusté à la volonté de Dieu, sans prestige social, a vécu humblement, dans le service quotidien de Jésus et de Marie, une vie d’intime union au Père et de charité envers le prochain. Cet esprit d’humilité, de cordiale charité et d’unité caractérise notre « petite Congrégation » et notre sœur que nous fêtons aujourd’hui. Cette petite Congrégation naissante se répand très rapidement dans les campagnes environnantes jusqu’à créer de très nombreuses communautés pour répondre aux besoins de la société de ce temps : l’éducation des filles, le soin des malades, l’enseignement du catéchisme, la création d’ateliers de dentelle et toutes sortes d’œuvres sociales. Puis arrive la tourmente de la Révolution qui disperse les sœurs. La terreur étant terminée les sœurs se retrouvent en communautés autour de maisons principales et souvent par diocèse… c’est ainsi qu’est née la Congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Rodez, union de 6 dont celle de Millau qui a accueilli notre sœur, fille d’un maître gantier du pays. Répondant à l’appel de ses Supérieures Mère Maurice Marie arrivent donc à Carnolès en 1964 où elle rejoint une communauté. Elle prend la Direction d’une petite école destinée aux familles modestes du quartier. Cette école va connaître une très rapide extension avec l’ouverture d’un collège puis d’un lycée. Mère Maurice Marie a hérité de sa famille de solides valeurs humaines : le goût de l’organisation et de la responsabilité, la générosité, des qualités de présence et de sympathie. C’est avec tout ce potentiel et une foi inébranlable qu’elle s’adapte aux besoins des jeunes et développe l’Etablissement. Grâce au soutien de ses sœurs et particulièrement de Sœur Marie Daniel, ici présente et de longue date, de Sœur Saint Denis plus récemment, grâce au soutien des familles et de l’équipe éducative, des Directeurs que Mère Maurice Marie a nommés, Monsieur Lamas et Monsieur Pin, aujourd’hui Madame Brivet, Madame Doux et aujourd’hui Madame Thienpont, de l’OGEC et son Président Monsieur Dassé, cette œuvre éducative a pris toute sa place dans le paysage de l’Enseignement Catholique du diocèse de Nice. Oui, soyez les bienvenus, vous tous qui, d’une manière ou d’une autre avez pris part à cette œuvre initiée par Mère Maurice Marie. En honorant notre sœur qui a donné sa vie au service de l’éducation de la jeunesse c’est notre Institut qui s’en trouve honoré et c’est Dieu lui-même qui en a la gloire. A la suite de Saint Irénée nous pouvons dire : « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu ».
Allocution du Cardinal Paul POUPARD PRÉSIDENT ÉMÉRITE DU CONSEIL PONTIFICAL DE LA CULTURE ET DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX à la cérémonie de remise de l’insigne d’Officier de la Légion d’Honneur A Mère Maurice-Marie VIVIER Roquebrune Cap Martin, 28 mars 2009 Monsieur le Maire, Monseigneur le Vicaire général, Ma Révérende Mère, Mes Révérends Pères, Mes bien chères Sœurs, Mesdames, Messieurs et chers Amis, Chère Mère Maurice Marie, L’amicale insistance de votre neveu, le cher Henri Vivier, me vaut d’être des vôtres aujourd’hui et d’avoir, pour la circonstance mémorable qui nous réunit, quitté la Ville éternelle pour Roquebrune Cap Martin où vous êtes de longue date enracinée, inculturée comme dit le Conseil Pontifical de la Culture, transplantée de votre Aveyron natal aux rives ensoleillées de la méditerranée. Chacune et chacun d’entre nous sait parfaitement les mérites qui vous valent d’être une fois encore officiellement distinguée par la République. Je dois à votre neveu le bonheur que j’ai eu à en prendre connaissance et tout le plaisir que j’ai à les redire ce soir, au moins dans leur essentiel, selon les rites de la liturgie républicaine que j’ai l’honneur de dérouler à votre endroit. C’est une déjà longue et remarquable existence que la vôtre, ma Mère, mais, rassurez-vous, je ne vais pas procéder à une canonisation anticipée. Du reste, les pouvoirs que j’ai reçus du Président de la République ne me le permettraient pas. Mais je tiens tout de même à redire, en cette mémorable circonstance, ce que tous ici, religieuses, anciens élèves, parents d’élèves, professeurs, habitants de Roquebrune, savez mieux que moi. C’est un lieu commun de redire que Mère Maurice Marie, d’une humble chapelle a fait une véritable cathédrale et d’une modeste école du début des années 60, construit un établissement qui compte aujourd’hui plus de 1300 enfants et adolescents. Pour ce faire, vous conjuguez l’extension horizontale et verticale, acquérez des locaux disponibles et financièrement accessibles, créez nombre d’emplois, gouvernez avec une compétence et une efficience unanimement reconnues, une sagacité aussi qui vous fait discerner avant d’autres de nouveaux besoins, devenant ainsi pionnière de l’informatique et le tout avec l’humilité d’une vie consacrée pour suivre Jésus, une spiritualité christocentrique – comme on aime à dire aujourd’hui – rayonnant sur de multiples générations d’élèves en 54 ans d’enseignement et de direction d’école et aussi, bien au-delà de l’établissement, sur la vie sociale de la cité. Chère Mère Maurice Marie, plus qu’une enseignante, vous êtes une éducatrice et un témoin vivant et agissant, joyeux et rayonnant de l’amour de Dieu pour les hommes, avec une force intérieure qui allie paix et douceur, compréhension et compassion, qui ne riment pas avec confusion, une exigence morale conjointe à une clarté théologique, une intelligence et une volonté animées par la foi, l’espérance et la charité. Tant de talents, oserai-je dire, en présence de Sœur Marie-Daniel Tallent, votre collaboratrice depuis plus de 40 ans. Vous n’avez certes pas démérité du diocèse où se trouve aujourd’hui le siège de votre congrégation, Viviers, ni de votre titulature familiale, Vivier, et vous êtes aujourd’hui encore un vivier toujours fécond. Mais le plus remarquable, de vos 88 ans allègrement portés, 70 portent la marque d’une vie religieuse consacrée pour l’essentiel à cette grande tâche qu’est l’éducation des jeunes, puis à la direction d’une maison de retraite et à l’administration d’œuvres éducatives. Issue d’une dynastie de fabriquants de gants, entreprise familiale créée par votre grand-père sous le Second Empire à Millau, vous tenez la dernière place – at last but not least – d’une fratrie de six enfants : Maurice, Eugène, Cécile, Edmond et Lucien qui vous ont déjà précédés auprès du Seigneur avec votre père et votre chère maman, Juliette Dumoulin, d’origine belge. L’un de vos cousins germains, l’Abbé Pierre-Edmond Vivier a laissé le souvenir d’un prêtre historien, paléographe et généalogiste, membre de plusieurs sociétés d’érudition. Toute jeune encore, en 1938, vous voilà postulante pour votre entrée au sein de la Congrégation des Sœurs de St Joseph de Millau dont je salue respectueusement la Supérieure Générale, Mère Marie-Paule Rascle, parcourant avec régularité les étapes obligées de la vie religieuse et donc successivement, novice, faisant votre première puis seconde profession religieuse, avant la profession perpétuelle en 1945. Votre vocation est sans conteste celle d’une religieuse enseignante et vous allez successivement exercer vos dons d’éducatrice au Collège Ste Jeanne d’Arc de Millau, d’abord, tout en étant parallèlement maitresse des novices de la Congrégation puis institutrice et directrice d’école à St Joseph de Verfeuil sur Seye, en Tarn et Garonne, avant d’arriver, le 8 septembre 1964, à Roquebrune Cap Martin, étape décisive de votre existence où vous vous dépensez sans compter au sein et au service des École, collège et lycée de St Joseph de Carnolès, où vous serez enseignante, directrice, et osons le mot, véritable fondatrice. Ets-ce là des titres suffisant pour une médaille de la Légion d’Honneur ? Le fondateur de votre Congrégation, le Père Jean-Pierre Médaille, doit s’en réjouir dans son éternité. Je voudrais, au terme de cette trop rapide évocation de vos mérites, évoquer, si vous le permettez, une association peu connue et assez originale dont l’Angevin que je suis est Président d’honneur : Les Amis de Notre Dame de la Légion d’Honneur, en Anjou, à Longuet, seul sanctuaire, à ma connaissance, consacré à Notre Dame de la Légion d’Honneur. Et je voudrais, en guise de conclusion de mon propos, vous en partager le texte fondateur : Qu’est ce que la Légion d’Honneur glorifie ? Qu’est-ce que l’honneur, le véritable honneur ? C’est le devoir accompli courageusement, longtemps, souvent dans des circonstances difficiles, dans le danger, au péril de la vie, devoir militaire, devoir civique, devoir professionnel et les suscitant tous, les aidant tous, devoir chrétien. Notre-Dame de la Légion d’honneur, c’est Notre-Dame de l’honneur, c’est Notre-Dame du devoir. Ma chère Mère, c’est bien l’exemple que vous nous donnez et que consacre la prestigieuse décoration que j’ai l’honneur de remettre pour honorer votre ardente obligation du service à accomplir et de la mission à remplir, dans la continuité d’une longue lignée car le spirituel est lui-même charnel et l’arbre de la grâce est raciné profond pour le dire avec notre poète Charles Péguy. Terre de mémoire, la France est un peuple d’espoir et il n’y pas d’orgueil à être français disait Georges Bernanos, c’est une responsabilité. Honneur vous soit rendu Ma Mère, pour la manière exemplaire dont vous avez exercé cette responsabilité. Mademoiselle Lucie Vivier, en religion Mère Maurice-Marie, au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier de la Légion d’Honneur.
Discours de remerciement de Mère Maurice-Marie VIVIER En écoutant tout ce que vient de dire Votre Eminence, Monsieur le Cardinal, ainsi que le si chaleureux mot d’accueil de Mère Marie-Paule, notre Supérieure générale, je ne peux, tout d’abord, que vous avouer ma confusion. Oui, je suis rouge de confusion parce que cette cérémonie m’ordonne de revivre la cérémonie de juin 1997 où j’avais reçu l’insigne de chevalier. Je pensais un peu naïvement en avoir fini pour de bon avec les cérémonies officielles et règlementées. Et voilà que, douze ans après, vous me faites redoubler, moi l’ancienne directrice d’école ! Mais si j’ai bien compris, en fait de redoublement, il s’agit de passer, cette année-ci, dans la classe supérieure ! Je voudrais donc surtout, en ces si chaleureuses circonstances, redoubler de gratitude envers vous tous, mes chers parents, mes chers amis, qui êtes venus parfois de très loin pour partager ces moments de prière, d’action de grâces et de d’amitié. Oui, je voudrais redoubler de joie pour vous redire, à vous tous ici présents, mes profonds remerciements. Tout ce qui vient d’être évoqué sur l’action que nous avons mené ensemble, notamment depuis mon arrivée en 1964 à Carnolès, fait déjà partie de l’histoire. L’occasion m’est donnée de vous dire qu’il s’agit de notre histoire collective ! Une aventure partagée avec vous : prêtres et religieuses, représentants de l’autorité de tutelle et des services diocésains, personnels enseignants, agents administratifs et techniques, membres bénévoles des instances de gestion, parents d’élèves et anciens élèves de « Saint-Jo », voisins et amis de l’Institution… Je ne citerai pas nommément toutes les personnes envers lesquelles j’ai le devoir et, surtout, le grand plaisir de témoigner ma gratitude : elles se comptent par centaines et je craindrais que ma mémoire ne me fasse défaut… Quelques unes sont déjà au Ciel ; les autres sont ici. C’est pourquoi, en lieu et place d’une énumération de patronymes, je voudrais, ce soir, témoigner très directement de ma chaleureuse reconnaissance… Mes pensées se tournent également vers les enfants, les générations successives d’enfants, qui ont reçus et reçoivent ici une formation humaine et spirituelle que nous avons toujours voulu globale : c’est entre ces murs que ces enfants ont été et sont toujours instruits, éduqués, préparés à la vie et notamment, à travers la catéchèse et les sacrements, à la vie chrétienne. Car l’enfant, qui est un homme en devenir, est un tout : à la fois corps, esprit et âme. Et de l’éducation physique jusqu’à la formation spirituelle, en passant par l’enseignement des matières dites intellectuelles, l’être humain a le droit fondamental de recevoir une éducation complète qui fasse de lui, plus tard, un bon professionnel, un bon citoyen, un authentique chrétien ! Dans un peu plus d’une journée, dès lundi matin, les enfants vont revenir ici-même, dans ces locaux qui retentiront à nouveau de leurs cris joyeux… Nous, Soeurs de Saint-Joseph, avons reçu la belle, la magnifique mission de participer à l’éclosion de la personnalité de l’enfant. Nous savons bien que l »oeuvre éducatrice est une oeuvre de tous les instants : discrète, efficace, constante… Pour le dire avec Paul Verlaine : La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles Est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d’amour… Soyez assurés, chers amis, que rien de tout cela n’aurait été possible sans la participation de tous et de chacun d’entre vous ! Pour ma part, mes chers amis, je suis extrêmement sensible à ce que vous ayez choisi, pour héberger cette cérémonie, ces bâtiments qu’ensemble, voici quelques années, nous avons construits ! Que l’on songe, seulement un instant, à la somme d’efforts que représentent ces murs, ces équipements. Ils sont devenus non seulement des outils au service de la pédagogie, mais aussi le symbole d’une vaste fraternité humaine qui réunit laïcs et religieux, architectes et financiers, bénévoles et professionnels, ouvriers de la construction et spécialistes de l’éducation ! Oui, mes amis, qu’y a-t-il de plus beau, sur cette Terre, que d’imaginer, créer et bâtir ensemble ? Monsieur le Cardinal, de ma vie religieuse, j’ai retenu que nous ne méritons rien pour nos bonnes œuvres. Tout est grâce. Car chacune de nos bonnes actions est un don de Dieu. Une bonne action est le fruit de la puissance de la bonté divine qui soutient notre volonté. Chaque bonne pensée, chaque projet apostolique a son origine dans la bonté même de Dieu. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » demande saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens. « Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ? » … En attendant avec impatience notre part à la vie éternelle, nous sommes invités, en serviteur fidèle, à faire fructifier et partager les dons reçus. Dès lors, qu’il me soit permis, pour conclure, de reprendre ce qu’écrit saint Luc dans son annonce de la Bonne Nouvelle, au chapitre 17 : « Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire ! »
« D’une chapelle, elle a fait une véritable cathédrale ! », ont coutume de dire ceux qui connaissent Mère Maurice-Marie : « D’une modeste école de 80 élèves au début des années 60, elle a construit un établissement qui compte aujourd’hui plus de 1300 enfants et adolescents ». S’il est des membres du clergé qui sont des bâtisseurs, assurément ce qualificatif convient bien, au propre comme au figuré, à cette dynamique religieuse. Les parents d’élèves, les enseignants, le personnel administratif ainsi que les générations d’élèves qui se sont succédés sur les bancs de l’Institution Saint-Joseph de Roquebrune Cap-Martin (Alpes-Maritimes) en savent quelque chose. De nos jours, selon le classement opéré par notre confrère « Le Figaro » à partir d’une enquête du Ministère de l’Education nationale portant sur 4 000 établissements publics et privés, l’Institution de Mère Maurice-Marie VIVIER, avec 96 % de taux de réussite dans la filière technologique, figure, sans aucune sélection élitiste, parmi les meilleurs lycées de France… Née à Millau le 5 juin 1921 au sein d’une famille de fabricants de gants, Sœur Maurice-Marie est entrée dans la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph en 1938. Dans le prolongement de sa vie religieuse, tournée tout à la fois vers le service de Dieu et celui des hommes, elle a exercé, de 1940 à 1954, des activités d’enseignante dans sa ville natale, au Collège Jeanne d’Arc, en étant parallèlement, à partir de 1949, maîtresse des Novices de la Congrégation Saint-Joseph de Millau. De 1954 à 1964, elle devient institutrice puis directrice d’école à Verfeil-sur-Seye (Tarn et Garonne). Nommée à Roquebrune Cap-Martin pour la rentrée scolaire de l’automne 1964, Sœur Maurice-Marie trouve là une école primaire fondée en 1886 (grâce à une donation de « Sissi » Impératrice d’Autriche) mais dont les effectifs n’avaient guère évolué depuis lors : moins d’une centaine d’élèves. Dès la rentrée de l’automne 1965, Sœur Maurice-Marie ouvre les deux premières classes de ce qui est maintenant le collège secondaire : A la demande des parents d’élèves, qui regrettaient de ne pouvoir laisser leurs enfants à l’Institution Saint-Joseph, et avec l’appui du président de l’association des parents d’élèves de l’époque, Sœur Maurice-Marie assure pendant deux ans une classe de 6ème et une de 5ème. Elles ne sont que deux religieuses à dispenser à cette époque la totalité des cours. Un travail en équipe Nommée Supérieure de la Communauté en 1966, Mère Maurice-Marie est à l’origine du développement sans précédent de l’Institution Saint-Joseph. Un développement qui illustre la synergie qui s’est opérée entre la direction religieuse, l’association de parents d’élèves (APEL), l’organisme de gestion de l’école (OGEC). Plus tard, la nomination à la tête de l’établissement secondaire d’un Directeur laïque, succédant à Sœur Marie-Solange LACOMBRADE, sera une nouvelle illustration de cette efficace collaboration qui caractérise aujourd’hui les établissements d’enseignement catholiques. A partir de 1965, en effet, le nombre d’enfants et d’adolescents scolarisés à l’Institution connaîtra une croissance régulière : près de 220 élèves en 1966, 650 en 1970, 1050 en 1975, plus de 1300 à la fin des années 90. Cette poussée des effectifs n’ira pas sans poser de sérieux problèmes à Mère Maurice-Marie VIVIER et à son équipe, à commencer par la recherche de locaux qui soient à la fois disponibles et financièrement accessibles alors même que la fièvre immobilière et la flambée des prix s’emparent de la Côte d’Azur. Plusieurs solutions seront successivement trouvées et mises en application : extension « verticale » avec la surélévation du dernier étage de la maison des Sœurs de Saint-Joseph, extension « horizontale » avec la construction de classes en matériaux préfabriqués. Sans oublier l’acquisition de maisons contiguës puis de terrains « hors les murs » et, enfin, la construction d’un grand immeuble moderne sur rue, sur l’emplacement des anciens jardins du couvent. Pionnière de l’informatique Cette croissance des effectifs est renforcée par l’ouverture de nouvelles classes et de nouvelles sections d’enseignement : création des premières classes du collège en 1965, ouverture du lycée d’enseignement général en 1969… A l’initiative de Mère Maurice-Marie VIVIER dans les années 80, l’Institution Saint-Joseph a été l’un des tout premiers établissements primaires du département des Alpes Maritimes à dispenser un cours d’informatique, grâce au matériel offert par le Conseil général et le Crédit agricole. C’est ainsi que les « Ateliers du samedi », qui faisaient appel à des parents bénévoles, ont permis l’enseignement de cette discipline toute nouvelle à l’époque. Créatrice d’emplois Ainsi, par son action en matière d’enseignement et d’innovations pédagogiques au sein d’un grand établissement d’enseignement privé sous contrat avec l’État, Mère Maurice-Marie a assumé, avec une compétence et une efficacité unanimement reconnues, une mission de service public et a accompagné l’essor démographique de la région de Menton-Roquebrune, dont la population s’est fortement densifiée dès la fin des années 60. Fermement convaincue de la nécessité de maintenir le seul enseignement secondaire catholique de Menton, Mère Maurice-Marie a en outre contribué, en 1968, à la sauvegarde de l’école dite de la « Villa Blanche », menacée de fermeture. Avec l’encouragement et le soutien des élus, elle a pu ainsi organiser un transfert d’élèves et de professeurs au profit de l’établissement mentonnais. Son action a ainsi abouti à la création de plus de 150 emplois : 130 dans la commune de Roquebrune Cap-Martin (15 institutrices, 100 professeurs, 15 employés et cadres administratifs), ainsi qu’une vingtaine d’autres dans la ville de Menton. En effet, rien de ce qui est aujourd’hui l’Institution Saint-Joseph n’aurait existé sans l’impulsion initiale et le travail sans relâche, durant tant d’années, de Mère Maurice-Marie VIVIER. Une retraite active Depuis son départ à la retraite de l’ensignement et de la direction d’école, intervenu en 1995, Mère Maurice-Marie VIVIER poursuit son engagement religieux et caritatif. Supérieure de la communauté des Soeurs de Saint-Joseph de Carnolès à Roquebrune Cap-Martin, c’est aussi dans cette commune qu’elle dirige la maison de retraite pour religieuses qu’elle a fondé, intitulée « L’Eau Vive ». Mère Maurice-Marie apporte également un concours apprécié au développement d’oeuvres caritatives telles que celles développées par l’association « Mir » qu’a créé en 1991 à Sospel l’un de ses anciens élèves devenu prêtre, l’Abbé Patrick BRUZZONE, avec l’appui de Soeur Emmanuelle (soutien à des personnes en situation de grande marginalité et de dépendance), ou encore la Fondation « Les enfants de Hué » du Père Patrick-Marie SERAFINI de la congrégation Saint-Jean (orphelinats au Vietnam). Humilité et vie consacrée Par les multiples générations d’élèves qu’elle a formées en 54 années d’enseignement et de direction d’école, par les liens qu’elle a su créer avec l’association des parents d’élèves et l’organisme de gestion de l’Institution Saint-Joseph, son rayonnement dans la vie sociale depuis 70 ans, Mère Maurice-Marie VIVIER est devenue, dans une discrétion et une humilité authentiquement vécues, une figure marquante et un exemple de dévouement au service d’autrui. Mais tout cet engagement au service des autres ne prend pleinement son sens que dans une dimension religieuse et, plus précisément, christocentrique. « Suivre Jésus » a toujours été le secret de cette force intérieure qui caractérise Mère Maurice-Marie. Une force qui allie paix et douceur, compréhension et compassion, mais hors de toute confusion : la foi n’est elle pas, aussi, exigence morale, clarté théologique et effort permanent de conversion personnelle ? Dans sa consécration à Dieu, Mère Maurice-Marie vit une vie religieuse au cours de laquelle, en un peu plus d’un demi-siècle, ses vœux et sa pratique des vertus théologales n’ont cessé d’augmenter sa liberté individuelle. Son intelligence des choses et des gens, éclairée par la Foi, lui permet de d’appréhender la réalité, de découvrir la personne humaine. Par son cœur, inspiré par la Charité, cette humble Religieuse devient un témoin vivant et joyeux de l’Amour de Dieu pour les hommes. Par sa jeunesse et sa vitalité, signes tangibles de l’Espérance qui habite chaque croyant, Mère Maurice-Marie trouve les ressources d’une vraie magnanimité et d’une capacité à grandir dans la Vérité. Nous sommes ainsi bien loin du cliché simpliste et rapide d’une religieuse « femme d’affaires », bâtisseur d’écoles, sachant trouver les ressources humaines et financières pour assurer un développement à ce qui est l’œuvre de toute une vie. Car Mère Maurice-Marie VIVIER n’est pas qu’un simple « chef d’entreprise », une technicienne des programmes pédagogiques, des rythmes et de la carte scolaires, ou encore un manager ayant l’habitude de traiter avec notaires, experts-comptables et banquiers. Sa vraie pauvreté est celle de son cœur. Elle a pour nom : l’humilité. L’offrande de soi, l’oubli de soi-même dans une vie consacrée, au milieu d’une Congrégation, parmi d’autres vies consacrées, dans l’obéissance librement consentie et, mieux encore, véritablement choisie. Mieux que quiconque, Mère Maurice-Marie a compris que l’enseignement catholique ne devait pas tomber dans le piège d’un « professionalisme gestionnaire » incarné par des structures composées exclusivement de laïcs salariés auxquels leurs compétences, véritables et reconnues, ne sauraient tenir lieu d’esprit religieux ni d’exemple de consécration à Dieu pour les jeunes générations. Il convenait assurément de bien resituer tout ce « soubassement spirituel » au moment où les autorités de la République, en attribuant à Mère Maurice-Marie VIVIER le grade d’officier dans le premier des Ordres nationaux, ont reconnu les mérites exceptionnels de la récipiendaire qui ignorait tout, jusqu’au 1er janvier 2009, de l’honneur qui, à son insu, lui avait été réservé. A Mère Maurice-Marie VIVIER, qui voudra bien trouver ici nos très respectueuses félicitations, et à toutes les Religieuses de Saint-Joseph, nous disons notre admiration et notre reconnaissance.
ANNEXES : Mot d’accueil de Mère Marie-Paule RASCLE, Supérieure générale de l’Institut des Soeurs de Saint-Joseph, à l’occasion de la remise d’insigne d’officier de la Légion d’Honneur à Mère Maurice-Marie VIVIER Roquebrune Cap Martin, 28 mars 2009 : Monsieur le Cardinal, Monseigneur, Monsieur le Maire, Messieurs les prêtres, Mes chères Sœurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, et vous tout particulièrement les membres de la famille de Mère Maurice Marie. C’est une véritable joie, teintée d’émotion, de vous accueillir, ici, aujourd’hui, dans les locaux de l’Institution Saint Joseph de Carnolès. Vous êtes venus, nombreux, de près ou de plus loin, honorer et témoigner votre reconnaissance à l’une d’entre nous, Mère Maurice Marie Vivier, au cours de cette cérémonie présidée par Monsieur le Cardinal Poupard. Au nom de toutes les sœurs de l’Institut et en votre nom à tous, j’exprime ma profonde gratitude au Cardinal venu tout spécialement de Rome ce matin pour une si heureuse et solennelle occasion. L’histoire des Sœurs de Saint Joseph est une longue histoire qui a commencé à germer à Saint Flour dans le Cantal puis a pris naissance au Puy en Velay, petit ville de Province, en 1650. Au cours de ses missions dans l’Auvergne et le Velay, un Jésuite, le Père Médaille croise sur sa route quelques veuves et filles désireuses de se consacrer tout à Dieu et au service du prochain. Pour elles et avec elles le Père Médaille conçoit le projet d’un nouvel Institut. Il lui donne le nom de Saint Joseph … tout un programme déjà. Joseph, homme juste, ajusté à la volonté de Dieu, sans prestige social, a vécu humblement, dans le service quotidien de Jésus et de Marie, une vie d’intime union au Père et de charité envers le prochain. Cet esprit d’humilité, de cordiale charité et d’unité caractérise notre « petite Congrégation » et notre sœur que nous fêtons aujourd’hui. Cette petite Congrégation naissante se répand très rapidement dans les campagnes environnantes jusqu’à créer de très nombreuses communautés pour répondre aux besoins de la société de ce temps : l’éducation des filles, le soin des malades, l’enseignement du catéchisme, la création d’ateliers de dentelle et toutes sortes d’œuvres sociales. Puis arrive la tourmente de la Révolution qui disperse les sœurs. La terreur étant terminée les sœurs se retrouvent en communautés autour de maisons principales et souvent par diocèse… c’est ainsi qu’est née la Congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Rodez, union de 6 dont celle de Millau qui a accueilli notre sœur, fille d’un maître gantier du pays. Répondant à l’appel de ses Supérieures Mère Maurice Marie arrivent donc à Carnolès en 1964 où elle rejoint une communauté. Elle prend la Direction d’une petite école destinée aux familles modestes du quartier. Cette école va connaître une très rapide extension avec l’ouverture d’un collège puis d’un lycée. Mère Maurice Marie a hérité de sa famille de solides valeurs humaines : le goût de l’organisation et de la responsabilité, la générosité, des qualités de présence et de sympathie. C’est avec tout ce potentiel et une foi inébranlable qu’elle s’adapte aux besoins des jeunes et développe l’Etablissement. Grâce au soutien de ses sœurs et particulièrement de Sœur Marie Daniel, ici présente et de longue date, de Sœur Saint Denis plus récemment, grâce au soutien des familles et de l’équipe éducative, des Directeurs que Mère Maurice Marie a nommés, Monsieur Lamas et Monsieur Pin, aujourd’hui Madame Brivet, Madame Doux et aujourd’hui Madame Thienpont, de l’OGEC et son Président Monsieur Dassé, cette œuvre éducative a pris toute sa place dans le paysage de l’Enseignement Catholique du diocèse de Nice. Oui, soyez les bienvenus, vous tous qui, d’une manière ou d’une autre avez pris part à cette œuvre initiée par Mère Maurice Marie. En honorant notre sœur qui a donné sa vie au service de l’éducation de la jeunesse c’est notre Institut qui s’en trouve honoré et c’est Dieu lui-même qui en a la gloire. A la suite de Saint Irénée nous pouvons dire : « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu ».
Allocution du Cardinal Paul POUPARD PRÉSIDENT ÉMÉRITE DU CONSEIL PONTIFICAL DE LA CULTURE ET DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX à la cérémonie de remise de l’insigne d’Officier de la Légion d’Honneur A Mère Maurice-Marie VIVIER Roquebrune Cap Martin, 28 mars 2009 Monsieur le Maire, Monseigneur le Vicaire général, Ma Révérende Mère, Mes Révérends Pères, Mes bien chères Sœurs, Mesdames, Messieurs et chers Amis, Chère Mère Maurice Marie, L’amicale insistance de votre neveu, le cher Henri Vivier, me vaut d’être des vôtres aujourd’hui et d’avoir, pour la circonstance mémorable qui nous réunit, quitté la Ville éternelle pour Roquebrune Cap Martin où vous êtes de longue date enracinée, inculturée comme dit le Conseil Pontifical de la Culture, transplantée de votre Aveyron natal aux rives ensoleillées de la méditerranée. Chacune et chacun d’entre nous sait parfaitement les mérites qui vous valent d’être une fois encore officiellement distinguée par la République. Je dois à votre neveu le bonheur que j’ai eu à en prendre connaissance et tout le plaisir que j’ai à les redire ce soir, au moins dans leur essentiel, selon les rites de la liturgie républicaine que j’ai l’honneur de dérouler à votre endroit. C’est une déjà longue et remarquable existence que la vôtre, ma Mère, mais, rassurez-vous, je ne vais pas procéder à une canonisation anticipée. Du reste, les pouvoirs que j’ai reçus du Président de la République ne me le permettraient pas. Mais je tiens tout de même à redire, en cette mémorable circonstance, ce que tous ici, religieuses, anciens élèves, parents d’élèves, professeurs, habitants de Roquebrune, savez mieux que moi. C’est un lieu commun de redire que Mère Maurice Marie, d’une humble chapelle a fait une véritable cathédrale et d’une modeste école du début des années 60, construit un établissement qui compte aujourd’hui plus de 1300 enfants et adolescents. Pour ce faire, vous conjuguez l’extension horizontale et verticale, acquérez des locaux disponibles et financièrement accessibles, créez nombre d’emplois, gouvernez avec une compétence et une efficience unanimement reconnues, une sagacité aussi qui vous fait discerner avant d’autres de nouveaux besoins, devenant ainsi pionnière de l’informatique et le tout avec l’humilité d’une vie consacrée pour suivre Jésus, une spiritualité christocentrique – comme on aime à dire aujourd’hui – rayonnant sur de multiples générations d’élèves en 54 ans d’enseignement et de direction d’école et aussi, bien au-delà de l’établissement, sur la vie sociale de la cité. Chère Mère Maurice Marie, plus qu’une enseignante, vous êtes une éducatrice et un témoin vivant et agissant, joyeux et rayonnant de l’amour de Dieu pour les hommes, avec une force intérieure qui allie paix et douceur, compréhension et compassion, qui ne riment pas avec confusion, une exigence morale conjointe à une clarté théologique, une intelligence et une volonté animées par la foi, l’espérance et la charité. Tant de talents, oserai-je dire, en présence de Sœur Marie-Daniel Tallent, votre collaboratrice depuis plus de 40 ans. Vous n’avez certes pas démérité du diocèse où se trouve aujourd’hui le siège de votre congrégation, Viviers, ni de votre titulature familiale, Vivier, et vous êtes aujourd’hui encore un vivier toujours fécond. Mais le plus remarquable, de vos 88 ans allègrement portés, 70 portent la marque d’une vie religieuse consacrée pour l’essentiel à cette grande tâche qu’est l’éducation des jeunes, puis à la direction d’une maison de retraite et à l’administration d’œuvres éducatives. Issue d’une dynastie de fabriquants de gants, entreprise familiale créée par votre grand-père sous le Second Empire à Millau, vous tenez la dernière place – at last but not least – d’une fratrie de six enfants : Maurice, Eugène, Cécile, Edmond et Lucien qui vous ont déjà précédés auprès du Seigneur avec votre père et votre chère maman, Juliette Dumoulin, d’origine belge. L’un de vos cousins germains, l’Abbé Pierre-Edmond Vivier a laissé le souvenir d’un prêtre historien, paléographe et généalogiste, membre de plusieurs sociétés d’érudition. Toute jeune encore, en 1938, vous voilà postulante pour votre entrée au sein de la Congrégation des Sœurs de St Joseph de Millau dont je salue respectueusement la Supérieure Générale, Mère Marie-Paule Rascle, parcourant avec régularité les étapes obligées de la vie religieuse et donc successivement, novice, faisant votre première puis seconde profession religieuse, avant la profession perpétuelle en 1945. Votre vocation est sans conteste celle d’une religieuse enseignante et vous allez successivement exercer vos dons d’éducatrice au Collège Ste Jeanne d’Arc de Millau, d’abord, tout en étant parallèlement maitresse des novices de la Congrégation puis institutrice et directrice d’école à St Joseph de Verfeuil sur Seye, en Tarn et Garonne, avant d’arriver, le 8 septembre 1964, à Roquebrune Cap Martin, étape décisive de votre existence où vous vous dépensez sans compter au sein et au service des École, collège et lycée de St Joseph de Carnolès, où vous serez enseignante, directrice, et osons le mot, véritable fondatrice. Ets-ce là des titres suffisant pour une médaille de la Légion d’Honneur ? Le fondateur de votre Congrégation, le Père Jean-Pierre Médaille, doit s’en réjouir dans son éternité. Je voudrais, au terme de cette trop rapide évocation de vos mérites, évoquer, si vous le permettez, une association peu connue et assez originale dont l’Angevin que je suis est Président d’honneur : Les Amis de Notre Dame de la Légion d’Honneur, en Anjou, à Longuet, seul sanctuaire, à ma connaissance, consacré à Notre Dame de la Légion d’Honneur. Et je voudrais, en guise de conclusion de mon propos, vous en partager le texte fondateur : Qu’est ce que la Légion d’Honneur glorifie ? Qu’est-ce que l’honneur, le véritable honneur ? C’est le devoir accompli courageusement, longtemps, souvent dans des circonstances difficiles, dans le danger, au péril de la vie, devoir militaire, devoir civique, devoir professionnel et les suscitant tous, les aidant tous, devoir chrétien. Notre-Dame de la Légion d’honneur, c’est Notre-Dame de l’honneur, c’est Notre-Dame du devoir. Ma chère Mère, c’est bien l’exemple que vous nous donnez et que consacre la prestigieuse décoration que j’ai l’honneur de remettre pour honorer votre ardente obligation du service à accomplir et de la mission à remplir, dans la continuité d’une longue lignée car le spirituel est lui-même charnel et l’arbre de la grâce est raciné profond pour le dire avec notre poète Charles Péguy. Terre de mémoire, la France est un peuple d’espoir et il n’y pas d’orgueil à être français disait Georges Bernanos, c’est une responsabilité. Honneur vous soit rendu Ma Mère, pour la manière exemplaire dont vous avez exercé cette responsabilité. Mademoiselle Lucie Vivier, en religion Mère Maurice-Marie, au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier de la Légion d’Honneur.
Discours de remerciement de Mère Maurice-Marie VIVIER En écoutant tout ce que vient de dire Votre Eminence, Monsieur le Cardinal, ainsi que le si chaleureux mot d’accueil de Mère Marie-Paule, notre Supérieure générale, je ne peux, tout d’abord, que vous avouer ma confusion. Oui, je suis rouge de confusion parce que cette cérémonie m’ordonne de revivre la cérémonie de juin 1997 où j’avais reçu l’insigne de chevalier. Je pensais un peu naïvement en avoir fini pour de bon avec les cérémonies officielles et règlementées. Et voilà que, douze ans après, vous me faites redoubler, moi l’ancienne directrice d’école ! Mais si j’ai bien compris, en fait de redoublement, il s’agit de passer, cette année-ci, dans la classe supérieure ! Je voudrais donc surtout, en ces si chaleureuses circonstances, redoubler de gratitude envers vous tous, mes chers parents, mes chers amis, qui êtes venus parfois de très loin pour partager ces moments de prière, d’action de grâces et de d’amitié. Oui, je voudrais redoubler de joie pour vous redire, à vous tous ici présents, mes profonds remerciements. Tout ce qui vient d’être évoqué sur l’action que nous avons mené ensemble, notamment depuis mon arrivée en 1964 à Carnolès, fait déjà partie de l’histoire. L’occasion m’est donnée de vous dire qu’il s’agit de notre histoire collective ! Une aventure partagée avec vous : prêtres et religieuses, représentants de l’autorité de tutelle et des services diocésains, personnels enseignants, agents administratifs et techniques, membres bénévoles des instances de gestion, parents d’élèves et anciens élèves de « Saint-Jo », voisins et amis de l’Institution… Je ne citerai pas nommément toutes les personnes envers lesquelles j’ai le devoir et, surtout, le grand plaisir de témoigner ma gratitude : elles se comptent par centaines et je craindrais que ma mémoire ne me fasse défaut… Quelques unes sont déjà au Ciel ; les autres sont ici. C’est pourquoi, en lieu et place d’une énumération de patronymes, je voudrais, ce soir, témoigner très directement de ma chaleureuse reconnaissance… Mes pensées se tournent également vers les enfants, les générations successives d’enfants, qui ont reçus et reçoivent ici une formation humaine et spirituelle que nous avons toujours voulu globale : c’est entre ces murs que ces enfants ont été et sont toujours instruits, éduqués, préparés à la vie et notamment, à travers la catéchèse et les sacrements, à la vie chrétienne. Car l’enfant, qui est un homme en devenir, est un tout : à la fois corps, esprit et âme. Et de l’éducation physique jusqu’à la formation spirituelle, en passant par l’enseignement des matières dites intellectuelles, l’être humain a le droit fondamental de recevoir une éducation complète qui fasse de lui, plus tard, un bon professionnel, un bon citoyen, un authentique chrétien ! Dans un peu plus d’une journée, dès lundi matin, les enfants vont revenir ici-même, dans ces locaux qui retentiront à nouveau de leurs cris joyeux… Nous, Soeurs de Saint-Joseph, avons reçu la belle, la magnifique mission de participer à l’éclosion de la personnalité de l’enfant. Nous savons bien que l »oeuvre éducatrice est une oeuvre de tous les instants : discrète, efficace, constante… Pour le dire avec Paul Verlaine : La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles Est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d’amour… Soyez assurés, chers amis, que rien de tout cela n’aurait été possible sans la participation de tous et de chacun d’entre vous ! Pour ma part, mes chers amis, je suis extrêmement sensible à ce que vous ayez choisi, pour héberger cette cérémonie, ces bâtiments qu’ensemble, voici quelques années, nous avons construits ! Que l’on songe, seulement un instant, à la somme d’efforts que représentent ces murs, ces équipements. Ils sont devenus non seulement des outils au service de la pédagogie, mais aussi le symbole d’une vaste fraternité humaine qui réunit laïcs et religieux, architectes et financiers, bénévoles et professionnels, ouvriers de la construction et spécialistes de l’éducation ! Oui, mes amis, qu’y a-t-il de plus beau, sur cette Terre, que d’imaginer, créer et bâtir ensemble ? Monsieur le Cardinal, de ma vie religieuse, j’ai retenu que nous ne méritons rien pour nos bonnes œuvres. Tout est grâce. Car chacune de nos bonnes actions est un don de Dieu. Une bonne action est le fruit de la puissance de la bonté divine qui soutient notre volonté. Chaque bonne pensée, chaque projet apostolique a son origine dans la bonté même de Dieu. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » demande saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens. « Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ? » … En attendant avec impatience notre part à la vie éternelle, nous sommes invités, en serviteur fidèle, à faire fructifier et partager les dons reçus. Dès lors, qu’il me soit permis, pour conclure, de reprendre ce qu’écrit saint Luc dans son annonce de la Bonne Nouvelle, au chapitre 17 : « Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire ! »