Ainsi la rentrée scolaire se fait sous le signe de la laïcité et de la morale. Telle est la volonté de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale. Cette dernière a voulu, selon Le Monde, s’en tenir à un agenda politique « post-Charlie », ce qui de fait est déjà tout un programme en soi. La France a été suffisamment marquée par l’attentat commis contre la rédaction de Charlie Hebdo, pour qu’on n’en ait pas tiré les conséquences. On peut d’ailleurs s’accorder assez facilement sur le sens de l’événement. Ce qui était en cause, c’était bien la liberté de penser, de s’exprimer, fut-ce sous le mode le plus satirique. Et comme le crime commis se voulait une vengeance pour répondre à l’agression accomplie par le journal contre l’islam, on en déduit nécessairement que c’est la question religieuse qui est posée. L’Éducation nationale traduit cela pour les jeunes élèves du primaire au titre « de la liberté de penser et de croire ou de ne pas croire ». C’est de fait une façon d’envisager les choses. Est-ce pleinement satisfaisant ? C’est à voir.
La notion de croire n’est pas si évidente. En soi, elle est même – qu’on me pardonne – plutôt inconsistante. Tout dépend de l’objet de ce croire. Il donne, en effet, tout son poids à la démarche de l’esprit et de la volonté, et il se décline de bien des façons. Ne serait-ce que parce que chaque corpus religieux est singulier et ne répond pas aux mêmes interrogations. Entre christianisme et islam, il y a plus que des différences, a fortiori entre christianisme et bouddhisme. Cela pour dire qu’il n’y a pas de définition a priori de l’acte de croire qui ne prend consistance que lorsqu’on entre pleinement à l’intérieur du domaine auquel il se réfère. L’enseignement dispensé au nom de la laïcité a-t-il la capacité et même le droit de s’engager dans cette direction ? J’en doute assez sérieusement. Peut-on compenser cette difficulté par une morale du « vivre ensemble » comme on dit habituellement. Il y a alors risque d’en rester à quelques banalités, qui, si elles ne font pas de mal, ne répondront pas nécessairement à l’ambition exprimée. Je ne veux décourager personne et notamment la ministre. Mais il faudra creuser un peu plus si l’on veut convaincre et entraîner les jeunes.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 1er septembre 2015.
Pour aller plus loin :
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