La justice et la miséricorde - France Catholique
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La justice et la miséricorde

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Pour pénétrer la signification de la miséricorde, ainsi que celle du jubilé qui porte son nom, il me semble que nous devons casser une sorte d’écorce qui nous en cache le secret. Il en va un peu de la miséricorde comme il en va de la charité. C’est vrai que les mots peuvent s’user, perdre leur saveur originelle et nous paraître fades. J’ai connu une période où la charité était suspectée de prendre la place de la justice, ne serait-ce qu’en substituant aux exigences du droit les secours d’une bienfaisance condescendante. L’objection pouvait d’ailleurs être légitime. Mais en même temps, à oublier la charité, qui signifie l’amour concret à l’égard des personnes et le soin attentif qu’elles requièrent, il y avait le danger de se laisser éblouir par une justice parfaite, qui peut déraper dans l’utopie. Et alors, la justice absolue devient la contrainte absolue du totalitarisme.

Il en va un peu de même à propos de la miséricorde et de la justice. La justice peut paraître seule digne de la perfection divine, qui exige que nous soyons également parfaits. La période janséniste a été particulièrement sensible à une justice divine, quelque peu terrorisante, mais qui pouvait séduire des âmes nobles et exigeantes. Pas forcément semblables à ces personnes consacrées dont un évêque de Paris a pu dire qu’elles étaient pures comme des anges et orgueilleuses comme des démons. Cependant, si « le nom de Dieu est miséricorde », pour reprendre le titre du livre du pape François, c’est qu’il y a dans la miséricorde une qualité qui nous fait entrer dans le mystère de Dieu, plus encore que la justice.

J’avais été frappé par une citation de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, rappelée dans un ouvrage de mon ami le père Bernard Bro. Thérèse voulait convaincre son entourage de la primauté de la miséricorde, mais elle se heurtait à une religieuse de son Carmel, qui en tenait pour la justice. « Ma sœur, vous voulez de la justice de Dieu, vous aurez la justice de Dieu. Chacun reçoit de Dieu exactement ce qu’il attend. » Mais à côté de la justice, il y a la miséricorde que l’on choisit, selon Thérèse, parce qu’elle nous envahit de la tendresse qui console, qui guérit nos blessures, et nous fait toucher le cœur de Dieu. Pour les pécheurs que nous sommes, nous fait comprendre le pape François, la miséricorde est plus à notre portée qu’une certaine justice divine.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 janvier 2016.