La lecture des longues recensions d’une semaine d’épouvante au procès des terroristes du Bataclan, qui se tient en ce moment au Palais de justice de Paris, constitue une véritable épreuve. Épreuve des journalistes qui ont assisté au long défilé des témoins de cette épouvantable tuerie, bien sûr, les éprouvés étant d’abord et avant tout ces témoins de l’horreur pure, contraints d’expliquer la mort atroce de leurs proches, leur enfant, leur sœur, leur conjoint… La blessure morale est inextinguible, elle les marquera à vie.
Je laisse à mes collègues leur récit qu’il m’est impossible de réduire en quelques traits. Il faut les lire, en partageant leurs sentiments et leurs réflexions. J’en retiendrai simplement deux impressions. La première concerne la hantise, au sein de l’enfer, de perdre sa propre humanité, en se trouvant contraint par les assassins de coopérer à leur œuvre de mort. La seconde, c’est tout de même l’intuition qu’au sein de ce même enfer, l’humanité peut s’affirmer dans sa beauté et sa tendresse. Et au bout du compte, qu’apporte le procès à tous ces gens qui ont raconté l’indicible ?
Henri Seckel du Monde note quand même que « l’audience fait du bien à beaucoup de monde et qu’il y a eu peu de place pour la haine et la vengeance dans tous ces épanchements ». Stéphane Durand-Souffland du Figaro conclut que « le pénal est une contre-violence qui réagit à la violence sociale et politique. Au fracas des armes, le pénal oppose un espace de parole qui sépare radicalement l’acte de juger de l’acte de guerre. » La justice des hommes n’est donc pas à dédaigner, même si elle ne saurait abolir la profondeur de la tragédie.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 octobre 2021.