L’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel a organisé une journée d’études avec la participation de 15 auteurs (12 spécialistes du cinéma et trois historiens). Les trois parties publiées font un inventaire des archives, de leur interprétation historique et de la mémoire de l’événement.
L’inventaire montre que la guerre d’Algérie n’a pas été oubliée par les médias. 160.000 photos et 1.250 films sont disponibles à l’ECPA de la Défense, 5 millions d’heures à l’INA, 14.000 heures chez Gaumont-Pathé et de centaines d’auditions de chanteurs nationalistes à la BNF. Après 1992, la télévision a diffusé 180 heures d’émissions et 591 documents. Quant à Benjamin Stora, il est intervenu 61 fois !
L’analyse des émissions évoque la propagande initiale de l’armée, remplacée par celle du général de Gaulle, qui a exercé un contrôle autoritaire des médias, a occulté la pacification et ridiculisé Ferhat Abbas. Dès novembre 1954, la télévision s’est intéressée à F. Mitterrand qui reconnaît la situation de guerre1, puis à Guy Mollet (les tomates) en février 1956, mais elle sous-estime mai 1958. De nombreux films ont été censurés ; le manifeste des 121 pour l’insoumission a été interdit d’antenne, les manifestations du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 peu représentées à l’époque (on s’est rattrapé depuis). A partir de 1959, Cinq colonnes à la une s’inspire « d’une pédagogie de la décolonisation ». Dans l’Express, hebdomadaire de la modernité, Jean Daniel dénonce les violences des deux camps dans le cadre d’une idéologie anticolonialiste. Il est admis cependant que les hommes politiques savaient tout.
S’intéressant aux fictions, Raphaelle Branche admire les auteurs qui traitent de la torture (Alain Resnais – Vidal-Naquet), et note que peu de films ont été tournés pendant la guerre. Même René Vauthier, cinéaste du FLN, a tourné ses films en Tunisie. Elle souhaite que la guerre du FLN en métropole fasse l’objet de films, à partir de sources non militaires et internationales.
Les chapitres consacrés aux historiens sont particulièrement faibles. Ni Vidal-Naquet, ni Einaudi, ni Patrick Rotman ne sont fiables 2. La grande émission du Forum des images en 2012 se réfère à une cinématographie militante et au porteur de valises Jacques Charby ; faute de documents algériens, elle se conclut par un dialogue Stora-Merdaci. Ainsi, de nombreux faits historiques sont ignorés des médias ou simplement occultés 3. La méfiance des auditeurs de radio-télévision est donc justifiée.
Maurice Faivre, le 13 avril 2015
- Contrairement aux commentateurs qui estiment qu’on a attendu 1999 pour reconnaître l’état de guerre. Après Mitterrand, Soustelle, de Gaulle, M. Debré et tous les militaires engagés ont fait le même constat.
- Einaudi est récusé par l’universitaire JP Brunet ; au colloque de Nancy en 1999 Vidal-Naquet avoue qu’il n’est historien ni de l’Algérie, ni de la guerre d’Algérie ; il commet des erreurs grossières dans le Monde du 4 février 1998. Ayant été moi-même interrogé par Rotman, j’ai constaté qu’il n’a vérifié aucune déclaration des tortionnaires qu’il a cités. Voir ma critique en P.J.
- Schöndorfer et les cinéastes pieds-noirs (la valise et le cercueil) – la photo truquée de torture publiée par le Monde – le caviardage d’El Moudjahid par le 5ème Bureau – le montage d’une fausse exécution par le gendarme Geier à Ain Abid (film de G.Chassagne pour la Movietone, p.131) – les cadavres de Philippeville en 1955 transférés en mai 1945 – les mensonges de Pouillot sur la villa Sesini – les avis négatifs du Président Patin sur les avocats Vergès et Halimi – l’avis réservé de 521 officiers généraux sur la torture.