La semaine dernière, je vous avais fait part du bien que je pensais du film Cristeros, en conseillant vivement d’aller le voir, pour mieux en discuter. La discussion est d’ailleurs arrivée très vite. Comment s’en étonner ? L’épopée des Cristeros met à mal tous les clichés idéologiques, avec ses paysans insurgés contre un pouvoir anticlérical. Déjà, le travail universitaire de Jean Meyer avait été récusé par des marxistes qui trouvaient qu’il ne correspondait pas aux critères forcément scientifiques de la lutte des classes. Il y a aussi la question de la laïcité, ce concept tellement français, dont on ne cesse de chanter les louanges, en omettant de rappeler qu’avant de susciter un certain consensus, il avait été à l’origine d’un grand déchirement. Le critique du Monde, qui assassine le film, croit bon de rappeler que l’autre nom de l’anticléricalisme mexicain serait justement la laïcité. Que lui importe qu’il s’agisse d’une laïcité persécutrice et totalitaire !
Mais La Croix, sur une tout autre ligne, a marqué des réserves quasi rédhibitoires sur Cristeros. L’auteur de l’article est mon amie Claire Lesegrétain, avec qui j’aimerais en parler courtoisement. Mais il y a déjà eu dans la presse une réponse vigoureuse de la part de Jean-Yves Riou, directeur de la revue Histoire du christianisme, qui sait de quoi il parle et emploie le ton de Bernanos pour dénoncer la nouvelle peur des bien-pensants. Il rappelle les faits incontestables à propos de la violence inouïe des forces répressives du président Calles, dont il fait un portait sans concession. Il parle de l’homme qui accepta, en 1927, un don de dix millions de dollars, versé par le Ku Klux Klan pour éradiquer le papisme, l’homme que Mussolini inspirait et que l’ambassadeur américain Morrow traitait de gangster. Jean-Yves Riou s’indigne encore sur le site Figarovox de l’étrange conjonction entre informateurs religieux et critiques de cinéma. Mais n’est-ce pas le signe qu’il y a certaines vérités qui font mal ? Cristeros met en colère ceux qui n’admettent pas que l’histoire ait pris parfois des chemins de traverse.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 20 mai 2014.