Quelle est la phrase biblique le plus souvent dite, répétée et prononcée parmi les chrétiens, depuis la venue de Jésus au monde ? Celle qui revient le plus souvent sur leurs lèvres ? Vous l’avez sûrement repérée en écoutant l’Evangile du 4ème dimanche de l’Avent : Elizabeth, remplie de l’Esprit Saint, s’adresse à Marie et lui dit d’une voix forte : «Tu es bénis entre toutes les femmes et (Jésus) le fruit de ton sein est béni !» Et ce n’est même pas une simple parole, c’est un cri d’admiration ! Et il en existe une autre, tout aussi fameuse, répétée exactement autant de fois par le peuple chrétien et qui figure aussi en tête de toutes les phrases de l’Evangile, à laquelle vous pensez certainement, c’est la salutation de l’ange Gabriel, le jour de l’Annonciation (quelques mois avant la rencontre de ces deux femmes, le jour dit de la Visitation) :« Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi !» – dont nous avons fait de façon un peu terne : «Je vous salue Marie, pleine de grâces».
Je vous propose1, en conséquence, deux observations qui tombent sous le sens :
Premièrement Marie, «la mère de mon Seigneur», comme l’appelle Elizabeth, fait partie intégrante de la venue de Jésus parmi nous ; elle est l’intermédiaire obligée de notre salut.
Et deuxièmement, sa proximité de mère la place en position tout à fait privilégiée et spéciale dans notre relation à Dieu par la prière. Au point que des milliers et des millions de fois chaque jour, elle est saluée, honorée, interpellée par ces mots de bénédiction et de supplication, que la Parole de Dieu met dans le coeur et sur les lèvres du peuple chrétien : «Réjouis-toi, Marie, comblée de grâces, le Seigneur est avec toi ! Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de ton sein est béni !» Et l’Eglise ajoute : « Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs…», nous t’en supplions, nous avons tellement besoin de toi !
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J’attire votre attention sur cette considération si évidente qu’on pourrait la laisser échapper : A cause de la place éminente de cette femme, Marie, dans le salut de l’humanité, toutes les femmes en quelque sorte – par proximité avec elle, par similitude avec elle, par leur appartenance au même sexe – toutes les femmes se trouvent aussi en quelque sorte exaltées et bénies. «Tu es bénie entre toutes les femmes», dit la Parole de Dieu. Il n’est pas dit : entre tous les humains indifféremment, ou entre tous les membres de l’humanité, mais précisément : entre toutes les femmes.
Bien sûr, Marie est hors pair, unique, parce qu’elle a été choisie pour être la mère de Dieu, et pour cela comblée de grâce, sainte, par privilège spécial, dès sa conception, et parce qu’elle a su correspondre totalement et de façon exemplaire à sa vocation, comme nous le montrent de façon résumée les deux évangiles de l’Annonciation et de la Visitation par ces paroles : «Qu’il me soit fait selon ta parole – Fiat – je suis la servante du Seigneur» et «Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur».
Mais je veux souligner que dans le dessein du salut de Dieu, elle est au premier plan, première, tête de liste si je puis dire, comme créature féminine ! Et à ce titre, en tant que femme, elle représente l’humanité toute entière avec qui Dieu fait alliance, en laquelle il se donne à nous et s’incarne.
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Cette simple évidence devrait être impérativement aperçue et comprise par tous ceux qui militent pour qu’au sein du peuple de Dieu, Eglise (à l’instar de ce qui est légitimement en marche dans les sociétés civiles), soient reconnues et s’établissent la stricte correspondance hommes- femmes, l’équivalence rigoureuse des rôles, des ministères et des fonctions, la revendication des mêmes droits sans distinction homme-femme. Que des femmes, à l’égal des hommes puissent célébrer la messe, faire l’Eucharistie, devenir prêtres-ministres du Christ, évêques, pape…!
Ces féministes qui voudraient transposer en tout dans la structure ecclésiale le ferment égalitaire (partout présent, sous influence de la prédication évangélique à l’origine – voir par exemple Galates 3, 28) ne se rendent pas compte, me semble-t-il, que Marie et par elle toutes les femmes – par réceptivité, osmose, interpénétration -, devancent l’être masculin. Je dis à leur intention, à ces féministes, qu’ils n’ont pas à chercher pour les femmes dans l’Eglise une sorte de promotion et de destinée égalitaires, comme si Dieu n’avait déjà pourvu la femme et ne l’avait placée en situation éminente et même pré-éminente, à cause de son élection de Marie.
Sur cette question, certains s’obstinent à raisonner en termes de pouvoir. Pourquoi la femme n’aurait-elle pas les mêmes pouvoirs ? N’y a-t-il pas là une injustice et un retard fondamentaux auxquels l’Eglise devrait se dépêcher de remédier…? Au fondement, nous y sommes en vérité. La femme n’accède pas au même pouvoir, parce qu’elle est mieux dotée que d’un simple pouvoir, étant déjà prise comme la représentante, la porteuse, le symbole privilégié de l’élection d’amour. Serait-ce trop peu ?
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Dans l’Ancien Testament, c’est Jérusalem, la fille de Sion qui, au nom de tout le peuple, reçoit la plus haute promesse divine : «Réjouis-toi, bondis de joie, le Seigneur est en toi. En toi il aura sa joie et son allégresse et il te renouvellera par son amour» (Sophonie 3, 14-18). Puis, en ce quatrième dimanche, est annoncée : «natif de Bethléem petite bourgade de Juda, la sortie de celui qui par la puissance de Dieu se dressera comme berger des fils d’Israël». Mais il faudra attendre pour cela «le jour où enfantera celle qui doit enfanter» : dit le prophète Michée, lui-même connaissant sans doute la mystérieuse prophétie d’Isaïe : «Voici la jeune femme est enceinte et va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel» (Is 7, 14)
L’Alliance d’amour de Dieu pour son peuple se condense en Marie, cette femme «bénie entre toutes les femmes» et qui accueille en elle, le Messie, «Fils du Très-Haut». Et à partir de Marie, cette femme épouse mystique de Dieu et sa mère, l’alliance se dilate, en une magnifique diastole, jusqu’à embrasser à nouveau le peuple de Dieu, et l’humanité entière incorporée à l’alliance. Humanité duale, complète, masculine et féminine, mais dans laquelle les femmes sont touchées et magnifiées par la position inimitable et la grâce insigne de l’une d’entre elles.
Il est normal, et même impératif, que les femmes chrétiennes luttent afin de conquérir leur place et l’égalité qui leur est due, là où elle leur est niée ou contestée. Mais il est plus important encore que, dans l’Eglise, elles prennent conscience, si ce n’est déjà fait, du privilège sans pareil qui leur est dévolu, du fait que c’est l’une d’entre elles qui fut l’élue de l’amour divin pour enfanter le Verbe de Vie et créateur de l’humanité, et que ceci les place solidairement au sommet. Plutôt que de chercher en tout le mimétisme et l’égalité (risquant de tourner à l’égalitarisme), ne leur faut-il pas, attirer le genre masculin sur orbite d’action de grâces à cause de l’amour dont nous sommes aimés ?
Ensuite, être pour les hommes, comme le fut Marie, modèle de foi et de service, sources de bonheur ? «Heureuse celle qui a cru ! Je suis la servante du Seigneur».
«La charité est la plus grande des trois», dit S. Paul. Pour la raison qu’elle ne passera jamais, qu’elle est éternelle et peut tourner dès à présent à plein régime… Tandis que les ministères, si nécessaires et si grands soient-ils, eux passeront : ils n’existent que pour le temps présent.
Ce que l’on vient de dire sur la place de la femme dans l’économie du salut, entendue comme alliance de Dieu avec son peuple, aimé premièrement au féminin, donne à la femme «la meilleure part» et… la plus grande responsabilité, ce qu’elle assume bien, et comprend parfois mieux que tout le monde.
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• La foi de Marie et son service du Seigneur se concrétisèrent et s’épanouirent dans l’éducation de Jésus, son enfant, de même que dans la Sagesse qu’elle reçut de lui en retour. Ne mérite-t-elle pas d’être appelée la mère du libérateur ? Si certains sont choqués par ce titre, qu’ils se pénètrent des paroles du Magnificat, ce chant subversif au seuil de l’Evangile.
«Il déploie la force de son bras,, il disperse les hommes au coeur superbe.
Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides…»
Toutes les femmes qui sont mères, selon la chair et/ou selon l’esprit, touchées, auréolées, attirées par Marie ne reçoivent-elles pas la grâce (peut-être encore endormie chez certaines) d’éduquer leurs enfants dans cette perspective messianique qui nous est proposée durant l’Avent ? Jésus Messie d’un monde nouveau, acteur du Royaume de Dieu…
• Conjointement, de façon liée et complémentaire, l’épître aux Hébreux nous fait voir clairement que la venue de Jésus n’a d’autre but que la Rédemption. «Le Christ dit, en entrant dans le monde : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, comme il est écrit de moi dans le Livre. (…) Ainsi, il supprime le premier état de choses (les sacrifices et holocaustes offerts pour le péché), pour établir le second (c’est à dire la nouvelle alliance en son propre sang). Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus a faite de son corps, une fois pour toutes».
Le courant messianique et royal d’engagement pour la justice et la paix, assumé par Jésus – encore rappelé par le prophète Michée – se trouve associé et intégré à la qualité et mission de «Grand Prêtre» que nous lui reconnaissons.
Marie, mère du Messie libérateur, est également unie de très près à Jésus dans le mystère de notre rédemption, car plus que personne, elle a écouté et gardé en tout sa Parole, et en cela réside son plus grand bonheur et sa gloire.
C’est pourquoi, en compagnie de Marie, Mère du Rédempteur qui réalise en tout la volonté de son Père, il revient aux mamans d’éduquer leurs enfants à faire le bien, et plus précisément à discerner et accomplir la volonté de Dieu. Jésus lui-même, à la femme qui lui déclarait, souvenez-vous, son admiration pour sa mère :«Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés», Jésus répondit : «Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent» (Luc 11, 27-28; Cf. 8, 19-21).
«Le Sauveur donne au témoignage de cette femme une confirmation magnifique. Non seulement il déclare bienheureuse celle à qui il a été donné d’enfanter corporellement le Verbe de Dieu, mais bienheureux aussi tous ceux qui s’appliqueront à concevoir spirituellement le même Verbe par l’écoute de la foi, à l’enfanter et à le nourrir soit dans leur propre cœur, soit dans celui des autres», à commencer par leurs enfants. (S. Bède le Vénérable, Homélie sur St Luc). Tâche dont beaucoup de femmes s’acquittent, dans leur famille et ailleurs – le catéchisme, par exemple – avec une foi et une ferveur qui devraient faire bien d’avantage d’émules chez les hommes… Mais n’a pas un coeur féminin qui veut. C’est pourquoi tous et toutes nous prions Marie de nous obtenir de lui ressembler.
- En vérité, ce texte est conçu plutôt comme une homélie, afin de créer d’abord un climat et de sensibiliser le lecteur. Il veut faire passer l’idée d’une supériorité « sui generis » de la femme dans l’Eglise, parce qu’elle est porteuse de l’élection d’amour. Si les féministes réalisaient pleinement que les femmes ont ce privilège, qui se condense en Marie et rejaillit sur elles – elles sont déjà prises en quelque sorte – ils et elles cesseraient, me semble-t-il, de vouloir insister sur une stricte égalité et parité de fonctions et ministères dans l’Eglise, réductrice car ignorant un aspect essentiel de l’anthropologie chrétienne…
La conviction théologique avancée ici, que je n’ai jamais entendue formulée explicitement – sauf peut-être par Jean-Paul II et Benoît XVI dans des interventions n’atteignant pas le grand public -, devrait pouvoir être adaptée (ou assouplie ?), cependant, en fonction des besoins urgents du peuple de Dieu qui, faute de ministres masculins, se trouve fréquemment frustré de sacrements, l’eucharistie en particulier.
Mais il y aurait d’autres moyens de subvenir à cette pénurie de ministres ordonnés.., comme cela se fait dans certaines paroisses du Brésil.