En 2003, les plus grands cuisiniers français – Bocuse, Ducasse et consorts – ont déposé aux pieds de Jean-Paul II une supplique lui demandant de remplacer le mot « gourmandise » par le mot « goinfrerie » dans la liste – en langue française – des sept péchés capitaux. En vain. Le Saint-Père aurait-il dû accéder à la demande des Amphitryons gaulois ? Voilà un sujet idéal pour le début du Carême.
Un « péché mignon » ?
De tous les péchés qui figurent dans la célèbre liste de saint Grégoire, il est bien vrai que la gourmandise paraît presque déplacée. Elle détonne par son caractère inoffensif, voire sympathique. N’est-ce pas là le « péché mignon » par excellence ? Le goût immodéré pour les éclairs au chocolat – ou pour l’andouillette sauce moutarde – pourrait-il vraiment remettre en question notre salut, au même titre que l’orgueil ou la colère ?
De prime abord, on est tenté de donner raison à la protestation des maîtres queux. Il semble en effet qu’il y ait un problème de traduction : en latin, le péché qui se rapporte à la nourriture, se dit gula, qui donne gluttony en anglais et Völlerei en allemand – c’est-à-dire gloutonnerie. Gula a d’ailleurs donné « goule », et « goulu » en français. Il serait donc assez logique de traduire par « goinfrerie » et non par « gourmandise », qui désigne un penchant plus délicat, plus léger, plus véniel que la brutale obsession de s’empiffrer. Car même si le mot gourmandise, au moment de son apparition, avait bien le sens de gloutonnerie, il est indéniable qu’il l’a perdu dans le langage courant.