La gloire de saint Pierre et saint Paul - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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La gloire de saint Pierre et saint Paul

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« Contraignant tout projet humain à être captif de l’obéissance au Christ » (2 Corinthiens 10:5)

Michel-Ange Buonarroti a toujours insisté sur le fait qu’il était un sculpteur et non un peintre. Qu’il avait absorbé la poussière de pierre avec le lait de sa nourrice. Que sa sculpture ne faisait que libérer la forme, le motif, il concetto déjà incarné dans le bloc de marbre qu’il travaillait avec tant de passion. Qu’il ne peignait que par obéissance contrainte et forcée à une succession de papes, de l’impérieux Jules II au plus affable Paul III.

C’est Paul qui a conçu le projet de construire puis de décorer la chapelle qui porte son nom : la Capella Paolina. C’était pour servir de chapelle du Saint Sacrement et d’endroit où réunir les cardinaux avant qu’ils n’entrent en Conclave dans la chapelle Sixtine adjacente. Et il a chargé Michel-Ange, le plus grand artiste d’une époque de grands artistes, de décorer les murs de la chapelle avec des représentations des saints fondateurs de l’Eglise Romaine : Pierre et Paul.

Michel-Ange venait de finir l’incomparable et révolutionnaire « Jugement Dernier » dans la Chapelle Sixtine et mourait d’envie de retourner à l’œuvre qui l’avait obsédé : la tombe grandiosement conçue et orgueilleusement entreprise de Jules II. Mais une fois de plus il s’est plié aux souhaits et ordres d’un pape.
Donc, sur une période de sept ans, le Maître a œuvré sur ce qui seraient ses dernières peintures : « La conversion de Paul » et « La crucifixion de Saint Pierre », finissant son ouvrage dans sa soixante-quinzième année.

Bien que le pape Paul II semble en avoir été fort satisfait, les peintures elles-mêmes ont rencontré incompréhension et même désapprobation. La célébration attrayante de la beauté physique dans les créations de jeunesse de Michel-Ange – le David monumental et les représentations sur le plafond de la Chapelle Sixtine – ont maintenant cédé le pas aux disharmonies apparentes du drame spirituel.

La « Conversion de Saul » représente le premier acte du drame théologique. Le Christ monté aux cieux est le centre d’une énergie irradiante. Loin d’être un personnage isolé, il entre dans notre monde comme une grâce novatrice. Le puissant bras droit du Christ précipite au sol le fier Pharisien tout en répandant sur la silhouette face contre terre une lumière mystérieuse et nouvelle. En même temps, le geste du bras gauche du Christ dirige le bientôt apôtre vers Damas où une nouvelle identité (Paul) et une nouvelle mission l’attendent.

Mais le récit dramatique suggère davantage. Car derrière Damas se trouve Rome et la colline du Vatican. De vrai, la chapelle même où se tient l’observateur porte témoignage du dénouement du drame. Par son abandon final et son sang versé, Paul a consacré le sol où s’élève la chapelle.

Ici se trouve un autre élément du drame, fascinant et controversé. Contrairement à la tradition qui prévalait, Michel-Ange a dépeint Saul aveuglé en vieil homme. Et même, certains ont soutenu que le personnage portait une ressemblance notable avec les portraits de Michel-Ange vieillissant.

Leo Steinberg, dans son ouvrage « Michelangelo’s Painting » (La peinture de Michel-Ange) traite ces dernières œuvres en détail. De la « Conversion de Saul » il écrit : « l’artiste est comme le protagoniste de son œuvre dans sa fierté et son égoïsme passés et son désir de rejoindre l’ordre apostolique – désirant seulement l’assurance de la grâce… Sa projection dans le rôle de Saul est une requête ».

Michel-Ange a travaillé sur sa dernière peinture, la « Crucifixion de Saint Pierre », de 1547 à 1549. Paul III a grimpé une échelle sur l’échafaudage pour voir la fresque en octobre 1549. Moins d’un mois plus tard, le vieux pontife serait appelé à rendre compte de sa gérance.

Ce que le pape a contemplé était la figure massive d’un homme, dont il avait hérité le ministère, fixé sur une croix élevée, selon sa requête, sens dessus dessous. Par un prodigieux effort de volonté, Pierre crucifié soulève et tourne le haut de son corps et fixe le regard sur l’observateur.

Deux observations aident à apprécier la prouesse frappante de Michel-Ange. Tout d’abord le fait qu’il dépeint la Crucifixion de Pierre et non la Remise des clefs. Il apparaît que le Christ remettant les clefs à Pierre était le sujet initialement prévu, ainsi qu’il convient à une chapelle associée à un conclave papal. Bien qu’il n’y ait pas de preuve formelle, des indications laissent entendre que c’est l’artiste lui-même qui a proposé le changement de thème. Que le pape ait acquiescé est un signe manifeste de son affection et de son estime pour l’artiste.

La seconde observation essentielle est que la description de la crucifixion de Pierre rompt radicalement avec la tradition iconographique, qui représentait l’événement avec circonspection, la croix déjà fichée dans le sol. Les représentations antérieures n’ont pas exprimé les énergies physiques et spirituelles en jeu (inséparables chez Michel-Ange) soit de la part des adversaires, ou plus spécialement de la part du protagoniste lui-même.

Car le Pierre de Michel-Ange n’est pas une victime passive mais un participant actif, qui, dans la mort, porte témoignage et proclame le Seigneur crucifié qui a mis le monde sens dessus dessous. Le monde ancien, le monde de l’observateur, le monde de l’artiste au bord de la transformation.

Dans une brillante analyse de la peinture, Steinberg discerne une diagonale qui descend du centurion romain, en haut à gauche, pour désigner Pierre en passant par la branche transversale de la croix, pour terminer sur l’immense silhouette de l’ancien surgissant à grands pas hors du cadre pour rejoindre notre présent.

Nous reconnaissons une claire ressemblance entre le personnage de la fresque et celui de Nicodème dans la grandiose Piéta inachevée que Michel-Ange a commencé à sculpter de nuit après des jours de labeur dans la Cappella Paolina. Nicodème, l’érudit qui ne comprend pas, vient à Jésus de nuit et est instruit de la nécessité de « naître d’en haut de l’eau et de l’Esprit » (Jean 3:1-8). Dans la Piéta il embrasse maintenant le Christ crucifié et vivant – dans une posture qui selon certains suggèrent celle de donner la vie.

De façon significative, tant la figure de Nicodème que celle de l’ancien dans la fresque portent les traits de l’artiste.

Que ce soit dans la pierre ou la peinture, l’idée et la conception n’étaient jamais pour Michel-Ange des idées abstraites, mais des réalités incarnées. L’incarnation artistique implique finalement personnellement l’artiste. Que ce soit dans ses dernières peintures ou dans sa dernière Piéta, l’art suprême et torturant permet à la forme du Christ d’émerger du récalcitrant bloc de marbre du soi. Pour amener les projets et desseins personnels dans la ligne de ceux du Christ.

Pour voir la chapelle et ses œuvres d’art : www.vatican.va/various/cappelle/paolina_vr