La plus véhémentement laïque, la France est désormais engagée dans une guerre chaude contre les plus anti-laïques qui soient, les terroristes islamistes, dans son ancien empire colonial africain. L’armée française ne correspond en rien aux stéréotypes américains habituels concernant les « macaques capitulards mangeurs de fromage ». Mon expérience militaire m’a enseigné que les forces françaises sont à leur meilleur honnêtes, amicales, compétentes, et dotées de grandeur d’âme (et ce qui ne gâche rien, aptes à trouver la meilleure nourriture où que l’on soit).
Toutefois lorsque les opérations venaient à concerner leurs politiques nationales, héritières de leurs différentes traditions prévalant en politique intérieure plus que d’intérêts géopolitiquement divergents, toute coopération et toute communication étaient brutalement interrompues.
Les Français sont présentement occupés à battre les islamistes liés aux organisations terroristes dont El Qaeda qui menacent les gouvernements du Mali et d’autres nations africaines. Ce continent, qui nous donne tant de prêtres voués à ré-évangéliser ce pays, est le théâtre d’un affrontement durable entre l’Islam et le Christianisme. Les responsables français, post-1789, post-modernes, tout comme nos propres élites politiques, se refusent à parler de choc de civilisations. Ces islamistes cherchent pourtant à utiliser la moindre parcelle de territoire qu’ils contrôlent pour lancer des opérations à l’encontre de leurs ennemis regroupés sous le qualificatif générique d’Occident, Israël inclus. Espérons que les Français réussiront.
A l’intérieur, c’est une toute autre histoire. La France est au beau milieu d’une controverse à l’ampleur inattendue sur le mariage homosexuel, avec l’opposition de l’Eglise, du Grand Rabbin et de quelques laïques de renom (y compris certains homosexuels). Dans la grande tradition française, l’opposition est descendue dans la rue (voir Robert Royal dans « First Things »).
Le gouvernement socialiste du président François Hollande a annoncé en décembre la création d’un Observatoire national de la laïcité. Coïncidant avec l’anniversaire de la loi de 1905 instituant la laïcité comme dogme national, le Journal officiel précise que le dit observatoire a pour objet de « formuler des propositions pour la transmission de la morale publique, à travers les écoles. » Quelques jours plus tard, le ministre français de l’Intérieur Manuel Valls expliquait que l’Observatoire surveillerait les signes de déviance dangereuse dont se rendraient coupables les groupes religieux, qui, en suggérant des tendances violentes, conduiraient le gouvernement à agir de manière préventive. « L’intention n’est pas de combattre des opinions par la force mais de détecter à l’avance les opinions qui deviendraient potentiellement violentes et criminelles. L’objectif est de définir le moment où il devient nécessaire d’intervenir pour traiter ce qui est devenu une pathologie religieuse. »
Valls exprimait son souci de tout excès d’où qu’il vienne : pas seulement de la part des Musulmans dont le manque d’intégration et le potentiel de radicalisation sont un souci permanent pour la France, mais d’autres groupes suspects qui incluent tous ceux qui rejettent ou se séparent du monde moderne tels que certains Juifs orthodoxes, ou des Catholiques comme Civitas, dans la ligne de la Fraternité St Pie X, prônant un retour à la monarchie (pour ceux qui pensent que la monarchie n’est peut-être pas une si mauvaise idée, voir David Warren, sur ce site).
La détection d’opinions pathologiques et dangereuses est la porte ouverte à de nombreuses abus pour des actions de prévention motivées par autant de préjugés et de calculs. Pour autant l’idée d’un Observatoire ne semble pas faire difficulté. L’ancien président Jacques Chirac avait proposé quelque chose d’assez semblable. Hollande cherche à contenter sa base gauchiste et quelques éditorialistes anti-catholiques espèrent que cette initiative compensera les efforts prêtés au précédent président Nicolas Sarkozy de temporiser avec l’Eglise.
Ses conséquences pratiques seront minimales. La France dispose déjà de toute une panoplie de renseignement et de moyens anti-terroristes qui lui permettent de détecter l’extrémisme violent. Elle a extradé plusieurs imams ayant prêché le recours au terrorisme et interdit le voile dans les écoles et la fonction publique.
Les Américains n’ont pas tant d’objections à l’égard de l’Observatoire en tant que tel qu’ils ne sont préoccupés par les ambitions d’un segment de la population. George Marlin, dans ces colonnes, a estimé avec raison que les Etats-Unis se rapprocheraient par certains côtés de la France, ce qui n’est sûrement pas mauvais d’un certain point de vue, mais pas en l’occurrence.
Les huées qui ont accueilli le nom de Dieu lors de la convention démocrate sont le fait de gens qui considèrent la religion comme une pathologie dangereuse.
Ils ne sont pas les seuls à s’interroger sur cette pathologie. Le pape Benoît XVI l’a fait de manière plus complète, disons plus tolérante et plus ouverte, que Hollande et Valls :
« Il existe des pathologies de la religion comme il existe des pathologies de la raison. Les deux constituent une grave menace pour la paix et pour l’Humanité en général, à notre époque d’organisations globales de pouvoir. ..Dieu ou la divinité peuvent être sources d’absolutisme pour celui qui détient l’autorité ou les intérêts. Une image aussi partisane de Dieu… fait se dissoudre le droit et la moralité. Le bien est alors ce qui est utile à mon pouvoir, ce qui supprime pratiquement toute différence entre le bien et le mal…Nous pouvons voir quelque chose de ce genre dans les agissements des terroristes et leur idéologie du martyre… Il y a aussi une pathologie de la raison totalement coupée de Dieu. Nous l’avons vu dans les idéologies totalitaires qui voulaient construire un homme nouveau et un monde nouveau. »
Les conséquences de la raison coupée de la foi ont été visibles dans la Révolution française et le règne de la Terreur. En France et en Amérique, nous devons, prudemment, surveiller et combattre toute pathologie qui promeut sur l’ensemble du spectre politique, une culture de mort, qu’il s’agisse des terroristes islamistes à l’extérieur ou, à l’intérieur, les forces de la raison moderne matérialiste qui exclut le surnaturel. Si on ne peut pas les contrer, nous devons au moins chercher à préserver les idéaux et croyances qu’elles veulent supprimer, jusqu’à ce que ces pathologies, tôt ou tard, aient disparu.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/french-secularism-at-home-and-abroad.html
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Mariage pour tous et guerre du Mali
par Dominique Decherf, ancien ambassadeur de France
