LA FOI ET LE MONDE - France Catholique
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LA FOI ET LE MONDE

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Quand nous entendons parler des méchants, nous avons tendance à penser que ce terme ne peut qualifier que des hommes de mœurs dissolues et dépourvus de principes, cruels, rusés ou débauchés… que le mal, au plein sens du terme, est quelque chose d’extérieur à nous, et qui ne nous concerne pas. Les enfants, par exemple, quand ils entendent parler d’hommes mauvais ou méchants, n’ont pas la moindre idée que le mal puisse être proche d’eux. Ils imaginent avec une curiosité mêlée de crainte quelque chose qu’ils n’ont jamais vu, quelque chose d’étranger et de monstrueux, importé d’au-delà les mers ou issu d’une autre sphère…

Le monde lui-même, celui que nous voyions, semble ne pas être le monde que décrivent les Ecritures. Nous n’y discernons pas, nous n’y détectons pas les miasmes du péché ; ses voies nous sont agréables ; et ce que les Ecritures nous disent de sa méchanceté et de son malheur, ne s’applique pas, selon nous, au monde que nous voyons…

Cet état de péché est-il accidentel, occasionnel, ou l’effet d’un excès, d’une crise, ou d’un concours complexe de circonstances ? Ne serait-ce pas plutôt l’un de nos trois grands ennemis spirituels, sévissant à tout moment et en toutes circonstances, impie, incroyant, séducteur et anti-chrétien ? Nous devons sûrement reconnaître qu’il en est ainsi. Sinon pourquoi nous engagerions-nous par notre baptême à lutter contre lui ?

… Le péché singulier et caractéristique du monde c’est que, tandis que Dieu veut que nous vivions pour la vie future, le monde veut que nous vivions pour cette vie… pas pour la vie à venir. Il prend pour principal champ d’activité de l’homme un objectif que Dieu interdit ; et par conséquent tout ce qu’il fait devient un mal, parce que tendant à un but mauvais…

Le monde déborde de péchés, mais sa principale offense est qu’il ose s’opposer au Verbe et à la volonté de Dieu. Il s’assigne des buts mauvais et s’emploie à les atteindre. Il agit mal comme par principe, et préfère sa propre conception de la réalité à celle de Dieu :

1. Par exemple, il y a un certain nombre de qualités et de talents qui semblent n’exister que dans ce monde, et nullement dans l’au-delà… comme le sens des affaires, l’aptitude aux arts appliqués et mécaniques. Ou bien encore considérez les talents requis pour devenir un bon guerrier. Ils semblent de toute évidence faits pour ce monde, et uniquement pour ce monde. Si ces talents ne doivent pas être utilisés, pourquoi alors certains en sont-ils dotés ?

2. Une autre réflexion du même ordre… c’est l’existence du caractère national. Le caractère d’un seul individu peut être accidentel et résulter de son propre caprice ou de son obstination ; mais quand une multitude d’êtres sont identiques, il ne saurait en être de même, cette similitude doit résulter de leur nature et être un signe de la volonté de Dieu… Par ailleurs, si nous observons la religion de diverses personnes, nous constatons que les uns adoptent un certain ensemble d’idées, les autres un ensemble différent : les uns s’en tiennent à un credo strict, d’autres sont libres et audacieux. Toutes les religions sont par conséquent affaire d’opinion puisqu’elles découlent des dispositions et des habitudes.

3. J’ai parlé des nations… mais les hommes appliquent ces réflexions aux cas individuels. Dans le monde ils rencontrent des personnes ayant tel ou tel type de caractère, et pas de religion ; ils en concluent que la religion n’est qu’une théorie puisqu’elle n’apparaît pas dans la société. C’est ce qu’ils appellent voir la vie et connaître le monde, ce qui les conduit à considérer avec mépris les principes stricts et toute conduite religieuse comme bornés…

4. Une autre réflexion que le monde nous presse d’adopter… c’est que la religion n’est pas naturelle… Faire l’aumône est, selon eux, la vertu d’une communauté barbare ou à moitié civilisée ou alors mal gérée. Le jeûne et la veille sont des pratiques puériles et méprisables parce qu’elles s’opposent à la nature qui nous incite à manger et à dormir. Quant à la prière, c’est pure paresse. Il est mieux, disent-ils, de mettre la main à la pâte que de passer du temps à prier pour qu’elle lève. Défendre certaines doctrines est (toujours selon eux) inutile et dépourvu de sens, comme s’il y avait quelque mérite ou grande qualité à croire à ceci plutôt qu’à cela, ou à croire en général.

Si, en effet, les hommes affirment que la religion est contre nature… nous devons devenir sans tarder des infidèles ; car quel phénomène surnaturel – au plan tant humain que divin – plus merveilleux et plus terrible peut-on imaginer que l’incarnation du Fils éternel de Dieu, prenant chair d’une vierge, souffrant et mourant sur la croix pour ressusciter ?…

Le service de Dieu en tant que tel, c’est-à-dire distinct du service de ce monde, n’est aucunement reconnu. La foi, l’espérance, l’amour, la dévotion ne sont que des noms ; une idole visible se substitue à Dieu.

Laissons donc le monde dans toute son infinie variété ; laissons-le suivre ses propres règles et tournons-nous vers le vrai Dieu vivant qui S’est révélé à nous dans Jésus-Christ. Soyons certains qu’IL est plus vrai que le monde entier, même si tous ses habitants devaient d’une seule voix parler contre LUI.
Et si nous ne savons pas où se trouve la vérité, prions-LE de nous la révéler, prions-LE de nous donner l’humilité pour que nous puissions chercher dans le bon sens ; l’honnêteté pour que nous n’ayons pas de buts cachés ; l’amour pour que nous puissions désirer la vérité ; et la foi pour que nous puissions l’accepter.
Texte adapté du n°7 des Sermons Bearing on subjects of the Day.

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John Henry Newman (1801-1890), nommé cardinal par le pape Léon XIII en 1879, a été béatifié par Benoît XVI en 2010. Il est l’un des plus importants écrivains catholiques des derniers siècles.

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Photographie : Bureau du cardinal Newman à l’Oratoire de Birmingham

http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/faith-and-the-world.html