Quel est le premier sentiment qui vous vient quand vous évoquez l’aventure d’à Bras Ouverts ?
Tugdual Derville : Un sentiment de gratitude, pour le cadeau qui m’a été fait, et pour chacun des protagonistes de cette aventure : les enfants, leurs parents, les accompagnateurs, ceux d’hier et d’aujourd’hui. La rencontre avec un enfant handicapé, quand j’avais 20 ans, puis l’émergence d’à Bras Ouverts, quatre ans plus tard, ont coïncidé avec la découverte d’un bonheur profond, un accomplissement à la fois personnel et collectif, et ensuite familial. La rencontre avec des enfants handicapés a donné un sens à ma vie ; elle l’a orientée… Et j’y puise chaque jour des forces.
Pourquoi avoir attendu 30 ans avant d’écrire ?
Il y a un temps pour agir et un temps pour raconter. C’est le philosophe Jean-Marie Meyer, grand ami de Jean-Paul II, qui m’a conseillé amicalement de ne pas écrire trop précipitamment… C’était sage. Précocement braqués sur une œuvre, les projecteurs ont tendance à la brûler, à dénaturer ses mobiles, et à la faire gonfler de vanité…
N’est-il pas essentiel pour une association de se faire connaître ?
Pas à tout prix. La communication « organique », par le bouche-à-oreille voire le cœur à cœur, est plus naturelle, plus douce, plus respectueuse du réel, que l’immédiateté et la transparence médiatiques. Par essence, l’amitié avec des personnes fragiles est décapante : elle nous fait endurer le temps, l’usure, la lassitude. Nous sentions bien, dès 1986, le danger de raconter l’histoire avant de la vivre… Tout le monde nous trouvait « formidables » mais, tant que nous n’avions pas tenu dans la durée, nous n’avions rien prouvé.
Vous contestez notre société hyper-communicante ?
On ne compte pas les initiatives ou les personnalités qui se sont écroulées sous les bravos. Une foule d’associations subventionnées n’existent que pour la galerie. Nous nous abusons nous-mêmes en croyant que la vraie vie est celle que nous regardons passivement sur nos écrans, en nous privant du monde réel qui nous environne…
Mais du coup, À Bras Ouverts est peu connu, alors que vous estimez à quinze mille le nombre de bénévoles qui y ont participé depuis 1986…
Il y a une dizaine d’années, les administrateurs de Wikipédia – dont je reconnais pourtant la neutralité – ont supprimé la page dédiée à l’association en estimant qu’elle n’avait pas assez de notoriété. Ce qui donne à réfléchir sur les critères du succès. Je précise que la page Wikipédia d’à Bras Ouverts a fini par renaître… Mais à quoi accordons-nous de la valeur ? Qu’est-ce qui est le plus important : ce qui se vit ou ce qui se voit ?
À Bras Ouverts ne pourrait-elle pas avoir une influence sur le respect de la vie des enfants porteurs de handicaps ?
Je pense qu’elle l’a par le témoignage, d’une façon profonde, c’est-à-dire « culturelle », enfouie dans l’humus de la société. Certes, quand certaines agences de presse écrivent « les associations », ils pensent davantage à celles qui font du bruit dans leur sphère de pensée, qu’à celles qui agissent discrètement sur le terrain…
Mais je crois à l’imparable influence de la « vie vivante » selon l’expression de Jean-Claude Guillebaud. Cette influence ne se mesure pas, elle rayonne. Elle ne fait pas plus de bruit que la forêt qui pousse, mais elle fait du bien.
Quel bien fait À Bras Ouverts pour la société ?
Relier ceux qui vivent trop souvent séparés, qui s’ignorent, qu’on sépare entre bien portants et personnes handicapées, c’est servir la cohésion sociale. Mais À Bras Ouverts va plus loin en faisant expérimenter à ses membres un esprit de communion. Des anciens d’À Bras Ouverts m’ont dit que leur participation à l’association avait façonné en profondeur leur façon d’être. Certains accompagnateurs d’À Bras Ouverts, devenus parents, ont accueilli aussi paisiblement que possible l’enfant handicapé qu’ils attendaient par surprise, alors que leur entourage leur conseillait de le « faire passer » ; d’autres ont adopté des enfants trisomiques alors que vous savez qu’ils sont comme les boucs émissaires de nos sociétés ; beaucoup, surtout, ont découvert que l’association avait été, pour eux, une école de parents… Je me souviens d’un tour de table, lors d’une réunion de préparation au baptême, alors que nous attendions notre quatrième enfant. Chaque parent devait dire ce qu’il voulait de mieux pour le futur baptisé. Trois avaient déjà exprimé leur vœu : « Qu’il soit autonome. » À mon tour, j’ai affirmé en toute sincérité : « Je voudrais qu’il se reconnaisse toujours dépendant ! » Les plus fragiles nous révèlent qu’il est absurde de se croire autosuffisant. Notre société hyper-élitiste impose cette injonction. Elle est inhumaine…
Même dans la vie professionnelle des accompagnateurs, À Bras Ouverts a une influence : ils ont appris la fécondité de la faiblesse. Nos amis nous ont enseigné de ne pas juger sur l’apparence… Il faudrait vanter un management par la vulnérabilité, car, sans elle, il n’y a pas de véritable esprit d’équipe.
Revenons à la fondation d’à Bras Ouverts, quels en sont, pour vous, les motifs profonds ?
C’est une succession de rencontres et d’événements qui peuvent l’expliquer. Le « déclic » c’est d’abord une joie éprouvée à Lourdes, en découvrant un petit garçon porteur d’une infirmité motrice d’origine cérébrale. Pendant les cinq jours du pèlerinage national 1982, j’ai senti que ma vie basculait. Je crois avoir vécu une « effusion » dans la spiritualité du pauvre, à la façon dont Jésus, « tressaillant de joie sous l’action de l’Esprit saint » loue soudain le Père du Ciel que soit révélé aux plus petits ce qui est caché aux sages et aux intelligents. C’est une expérience que chacun fait sans doute un jour ou l’autre, en découvrant la pleine humanité d’une personne fragile ou rejetée. Le programme du Bon Samaritain, a écrit le pape Benoît XVI, c’est « un cœur qui voit » ! Quelle misère de notre peuple nos cœurs voient-ils, grâce à Dieu, qui seul voit tout ? Voilà qui déclenche une vocation : le regard du cœur.
J’ai pris progressivement la mesure du besoin d’écoute, d’aide, de consolation des enfants porteurs de handicaps. Il y eut donc dans ma motivation, une combinaison de joie et de tristesse. Une quête d’accomplissement et un sentiment d’injustice. Pour moi, la suite de l’histoire est providentielle, comme chacune de nos histoires personnelles. On devrait davantage prendre au pied de la lettre le tout dernier verset de l’Évangile, chez saint Jean donc : « Il y a encore beaucoup de choses que Jésus a faites, et je crois bien que si on les mettait bout à bout par écrit, le monde entier n’arriverait pas à contenir les livres qu’on en écrirait. » L’Évangile continue, d’une certaine façon, de s’écrire avec nos vies, au-delà de ce que nous pourrions imaginer et relater, malgré nos failles et nos péchés. Car Jésus travaille avec nous, par sa miséricorde. C’est cette Providence qui m’a sauté aux yeux quand j’ai voulu « comprendre » l’aventure d’à Bras Ouverts…
Quelques exemples ?
Certaines rencontres, certaines paroles, certaines épreuves ont été décisives pour vaincre mes résistances, au moment où l’intention de fonder cette association était en train de devenir velléitaire. En 1984, j’écoutais une radio libre en révisant mon diplôme de Sciences Po, avec en tête une envie tenace : faire un séjour avec des enfants handicapés. Mais, nonchalamment, je n’avais pas effectué de démarche pour trouver une association, concentré sur mes examens tout proches. Et voilà qu’une petite annonce a accroché mes oreilles : quand j’ai téléphoné, il restait une seule place, pour un séjour qui coïncidait au jour près à ma seule possibilité. J’en reste stupéfait. D’autant que ce séjour a été un nouveau bouleversement : j’y ai rencontré un homme qui a été mon modèle… C’est auprès de lui, pendant plusieurs séjours, que j’ai appris, autant que possible, à respecter et aimer ces enfants en vérité.
Vous parlez de Bernard, cet ami dont vous racontez qu’il a fini par mettre fin à ses jours ?
Oui. Il était à la fois magnifique et cassé. Paradoxalement, c’est son suicide qui m’a remis en marche vers une nouvelle fondation, dont il avait accueilli l’idée avec enthousiasme quelques mois plus tôt. La nouvelle de sa mort violente a généré en moi une réaction de vie instinctive. Fonder cette association s’imposait. Au début, je pensais ne créer avec à Bras Ouverts qu’une pâle imitation de son association, à cause de mes limites, de mon manque d’ouverture de cœur. Car Bernard avait l’imprudence de ne fixer aucune limite. Mais, j’ai découvert ensuite que nous étions mieux armés que lui pour avancer solidement, sur un chemin de croissance et d’approfondissement… Le désir de répondre à de nombreuses demandes fait partie des gènes d’à Bras Ouverts. C’est la « structuration » de l’association qui l’a permis.
Quel souvenir gardez-vous de cette structuration ?
À Bras Ouverts fut notre école anthropologique : nous y partions très souvent, pour dire « oui » au maximum des demandes. J’ai participé à six séjours de vacances la première année et partais un week-end sur deux avec les enfants d’à Bras Ouverts. Mais le reste du temps aussi, tout tournait autour de la fondation. C’était un incessant bouillonnement intellectuel. Lorsque j’ai appelé mon cousin Philippe, qui fait partie des cinq premiers fondateurs, pour lui parler de ce livre (photographié en couverture de ce numéro), il m’a demandé de bien insister sur cette folie de l’origine.
C’est vrai qu’À Bras Ouverts nous habitait : nous ne cessions d’y penser, d’en parler… La structuration s’est étalée pendant les dix premières années. Nous avons multiplié les groupes de travail, de réflexion stratégique, les discernements collectifs… Une fondation ne peut être instantanée. On tâtonne. On reçoit « grâce sur grâce ». Si À Bras Ouverts a prospéré depuis 30 ans, c’est aussi parce que nous avons eu la chance de trouver un système de gouvernance original.
Comment pouvez-vous synthétiser les points forts de cette structure ?
L’équilibre entre l’action et le ressourcement est une clé majeure. D’un côté, il y a l’organisation des activités d’accueil à partir de groupes à taille humaine animés par de petites équipes (il y en a actuellement 24 à Paris et dans 14 autres villes). Ils sont supervisés par des référents et un bureau national. D’un autre côté, il y a la ressource spirituelle, au travers d’une assemblée communautaire réunissant régulièrement les plus engagés pour approfondir « l’esprit d’à Bras Ouverts ». Par ailleurs, le système d’élections « sans candidats », à partir de ceux que les autres membres « pressentent », assure un renouvellement constant des responsables… Ce système est mis en œuvre pour le président, le responsable de l’assemblée communautaire et les responsables des groupes. Des personnes qui n’auraient jamais osé être candidates sont « appelées » à discerner par des votes à bulletins secrets, et l’élection se joue après des discernements collectifs des membres qui les responsabilisent tous. Ainsi, À Bras Ouverts n’a pas vieilli. L’actuel président, Gaëtan, est plus jeune que l’association.
Ce type d’organisation pourrait être imité ?
Nous avons été influencés par ce qui existe à Foi et Lumière. Nous l’avons adapté pour À Bras Ouverts. C’est le même type de processus qui a été mis en place à Alliance VITA, d’abord pour désigner son président (ce qui a permis à François-Xavier Pérès d’être appelé à l’âge de 33 ans) ensuite pour, progressivement, désigner nos délégués départementaux. Oui, nous devrions davantage prôner les élections sans candidats, par appel personnel et discernement. Trop d’associations fonctionnent par des cooptations descendantes, voire des combinaisons douteuses qui ne laissent pas la place au véritable discernement collectif et, en passant, à l’Esprit Saint. Car la prière de ses membres reste le moteur le plus fiable de tout organisme chrétien…
Les tensions n’ont pas manqué cependant ?
Oui, à chaque étape de notre histoire. Des moments de surchauffe. Des incompréhensions. Des indélicatesses… Les enfants et les jeunes accueillis sont toutefois source d’unité. Mais j’ai commis bien des erreurs et des fautes. C’est inévitable. Il y a notamment eu des tensions vives autour de l’expression de notre inspiration chrétienne et de la nature concrète des engagements proposés aux membres. Et nous avons aussi eu des incidents et même des deuils éprouvants. Paradoxalement, comme je le relate dans ce livre, les événements accidentels ont contribué à nous enraciner dans le réel, à mesurer à quel point nous avions besoin de remettre notre action à plus grand que nous. Si nous ne l’avions pas fait, nous nous serions découragés. Mais l’abandon dans l’épreuve – ce fruit délicieux de l’amour selon la petite Thérèse – a donné à notre association, quand elle a été éprouvée par la mort d’un enfant, le goût de la vraie fête. C’est la marque d’à Bras Ouverts : la joie articulée à l’épreuve.
Comment l’expliquez-vous ?
Contrairement à une idée reçue, l’épreuve appelle la joie, lorsqu’elle est partagée. L’épreuve purifie la joie. Elle lui donne de la valeur. C’est ce que j’ai découvert dans les fêtes dansantes de nos week-ends anniversaires. Elles n’avaient rien à voir avec les fêtes étudiantes. La réalité du handicap, son humilité peut-être, nous invite à montrer nos vrais visages, à nous révéler, à sortir des compulsions séductrices… à être nous-mêmes. Quel soulagement de n’être plus obligé de faire semblant ! Dans une société où le culte de l’apparence se fait tyrannique, nos amis porteurs de handicap nous prennent par la main pour nous dire : sois toi-même, je t’aime tel que tu es. Si chacun était persuadé d’être aimable, nous n’éliminerions pas les êtres humains que nous jugeons imprésentables. Lors des trente ans d’à Bras Ouverts auxquels j’ai participé comme simple accompagnateur, il y avait des ateliers de danse et de théâtre. Ceux qui les animaient m’ont dit à quel point ils étaient frappés de voir que les jeunes porteurs de handicap entraient dans le jeu ou la danse avec une plus grande spontanéité que les « valides » qui paraissaient plus souvent engoncés dans leurs corps. Ça donne à réfléchir, non ?
Quel contraste avec ce que vit notre société qu’on dit « eugéniste » !
C’est vrai. Je me suis dit cela tout au long de ce week-end de fête. Nous étions sept cents et je pense qu’il devait y avoir au moins cent cinquante enfants ou jeunes porteurs de trisomie 21. De ces personnes qu’on ne laisse plus naître. En croisant tant de visages – à la fois tous différents et reconnaissables, et le plus souvent souriants – j’ai eu l’impression d’être dans une oasis de joie et de tendresse au milieu d’un désert de tristesse et de dureté. J’aurais aimé que toutes ces personnes qui imaginent que la trisomie est synonyme de malheur nous regardent. Et je dis cela en connaissance de cause : certains de nos amis ont des caractères difficiles, des comportements pénibles, traversent des périodes de dépression, etc. Pas d’angélisme !
Y a-t-il des choses que vous n’avez pas relatées dans ce livre ?
Heureusement pour les lecteurs ! J’ai fait confiance à ma mémoire… sélective. Tout en vérifiant, ensuite qu’il n’y avait pas trop d’incohérences. Il y a peut-être quelques histoires un peu dures ou trop personnelles que je n’ai pas eu le cœur de raconter. Mais je me dévoile quand même beaucoup. J’y ai consenti après réflexion, en suivant le conseil de Jean Vanier : « Sois personnel ! » J’ai tout de même oublié d’écrire que de nombreux enfants des accompagnateurs du tout début sont devenus, à leur tour, accompagnateurs, voire responsables dans l’à Bras Ouverts d’aujourd’hui… Alors que j’avais bien avancé dans l’écriture, je me suis résolu, pour vérifier la concordance des dates, à ouvrir les cinq caisses d’archives qui dormaient dans ma cave : j’ai eu le tournis ! Il y a là des milliers de pages manuscrites ou imprimées. C’est incroyable ce qu’À Bras Ouverts a écrit. Nous avons eu un journal associatif épisodique, des synthèses stratégiques, des lettres au sein de chaque groupe… Tout cela étalé sur 13 ans, puisque j’ai quitté la présidence en 1999. Chaque activité a fait l’objet d’un compte rendu. Moi qui croyais privilégier la spontanéité, j’avais oublié à quel point nous avions travaillé sans nous en rendre compte… En me plongeant dans ces archives, j’ai craint de m’y noyer. Certains noms ont réveillé de vieux neurones… Et certaines redécouvertes m’ont beaucoup ému.
Quelques exemples ?
Des tas de notes que nous nous échangions. Sur le récit des incidents, l’élaboration des règles de fonctionnement. Des dizaines de pages que j’ai écrites pour mon cousin Philippe, soudainement parti au Chili, pour lui parler des projets de l’association qui continuait sans lui. Des lettres touchantes de certains parents. Les photographies des enfants partis au Ciel. Des témoignages enflammés d’accompagnateurs nouveaux. J’en publie un en annexe du livre. Mais aussi la relation poignante d’une visite d’une accompagnatrice à un enfant parti au loin, dont la vie a été marquée par des ruptures successives, comme aucun d’entre nous n’imaginerait avoir à en endurer. Quelle injustice ! Cet enfant perdu de vue, comme tant d’autres, m’a soudain manqué… Il est en photo dans le livre, mais je me demande ce qu’il devient et s’il s’en sort.
Comment regardez-vous ce qu’est devenue l’association aujourd’hui ?
Avec admiration. Mes successeurs – Gaëtan de Verneuil, qui postface ce livre, est déjà le cinquième – ont su pérenniser l’association. Ils ont beaucoup fait progresser les règles de sécurité et la formation continue des accompagnateurs. Ils ont aussi creusé vers sa source spirituelle. Je n’ai plus aucune fonction, mais je suis invité chaque année à l’assemblée générale des responsables où je peux simplement attester à leur demande de l’élan fondateur. Actuellement, ses dirigeants me suggèrent d’encourager les accompagnateurs à s’inscrire à des séjours plus prolongés que les week-ends. Ne serait-ce que pour répondre aux demandes d’enfants, de jeunes et de parents dont l’attente est toujours un crève-cœur.
À Bras Ouverts a besoin de membres engagés, qui se forment, et ne zappent pas trop vite. Il faut donc apprendre à résister à la frénésie consumériste, dans tous les domaines, y compris celui de la solidarité, pour poser son sac. N’est-ce pas ce que nous propose le véritable mariage, ancré dans la fidélité, aux antipodes du nomadisme affectif qui fait tant souffrir nos contemporains ? S’il y a une chose qui peut structurer la société, c’est la fidélité inconditionnelle. Celle qui dépasse les aléas de ce que l’on ressent pour s’ancrer dans les décisions des profondeurs de nos êtres. Nos amis d’à Bras Ouverts en ont, plus que d’autres, besoin. Ils nous mettent à cette école de la fidélité. Un mot qui rime avec éternité.
Qu’avez-vous appris de nouveau en écrivant ?
J’ai mieux compris combien les étapes d’une fondation étaient nécessaires, progressives et successives… Tout ne se voit pas en une seule fois. Même quand ils pensent avoir une vision des choses, les fondateurs sont contraints de naviguer à vue, de rester souples… Ils doivent aussi consentir aux crises, parfois douloureuses, mais toujours fécondes.
L’écriture proprement dite de cette histoire m’a fait comprendre autre chose : que je devais consentir à l’ambivalence humaine. J’aurais aimé écrire un livre exact, complet, incontestable. Il m’a fallu accepter l’hypothèse de laisser passer des choses peut-être essentielles, et même d’écrire des lignes qui seraient indélicates, injustes, qui pourraient blesser. Ce sont des conseils qui m’ont aidé à passer outre ces scrupules. S’exhiber dans une histoire, c’est à double tranchant : on révèle de soi ce que l’on veut montrer. La pleine vérité nous échappe. Alors que j’éprouvais encore des doutes sur la légitimité de raconter les choses sous un angle si personnel, l’un de mes fils m’a adressé un texte du pape François destiné aux consacrés. Il encourage les « fondateurs » à raconter l’histoire. Mes derniers scrupules sont tombés.
Découvrez le numéro complet de France Catholique :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tugdual_Derville
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Entretien à Valeurs Actuelles avec Charlotte d’Ornellas / Jeudi 2 novembre 2017
https://www.valeursactuelles.com/societe/tugdual-derville-la-mort-fait-partie-de-la-vie-90274
Et sur les directives anticipées :
https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/03-11-2017/
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