La faute de Marine Le Pen - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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La faute de Marine Le Pen

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Tout le monde connaît la théorie du point Godwin établie par un avo­cat américain qui constatait, en 1990, que lorsqu’une discussion entre deux antagonistes irréconciliables se prolonge, il arrive forcément un moment où une comparaison avec les nazis ou Hitler va apparaître, discréditant d’ailleurs le raisonnement de celui qui l’emploie. Et c’est tellement vrai ! Sauf que maintenant ce ne sont plus les hitlériens qui servent d’argument massue (et boomerang), mais Daech…

Ce genre d’argument se retourne toujours contre celui qui l’utilise. Les chrétiens américains qui ont usé, contre l’avortement, de photos de fœtus avortés et ont évoqué une « Shoah des bébés », n’ont pas ému le législateur en faveur de la vie, mais passent pour des nazis. Car à ce niveau d’argumentation, le raisonnement disparaît derrière la juxtaposition des mots et c’est « celui qui dit qui est », comme lorsque des enfants s’insultent dans une cour d’école.

Le politologue Gilles Kepel s’est laissé piéger, le 16 décembre 2015, par le rédacteur en chef de Radio Monte-Carlo, Jean-Jacques Bourdin, qui aime faire l’âne pour avoir du son, c’est-à-dire qui estime avoir rempli son rôle quand il a poussé quelqu’un à la faute. Peu importe l’argumentation développée par Gilles Kepel pour dire que ce n’est pas bien de voter Front national et que ce n’est pas bien d’être un islamiste violent. Ne restent que les deux mots juxtaposés : Front national/Daech. Une comparaison évidemment insupportable, notamment pour les millions d’électeurs du Front national. Il était obligatoire que Marine Le Pen, fatiguée, voire frustrée par la dernière campagne électorale, réagisse brutalement, violemment, excessivement…

Qu’a-t-elle fait pour mon­­trer l’inanité de la juxtaposition Frontiste/Islamiste ? Elle a pris trois photos d’exécutions d’otages de Daech en Syrie ou en Irak, des photos que l’on trouve partout sur Internet et que n’importe quel internaute a déjà vues, et elle les a jointes à un Twitt pour dire en gros : « Ça, c’est Daech, est-ce que vous nous accusez d’égorger les gens ? » Et l’argument s’est donc aussitôt retourné contre elle. D’autant plus que la famille américaine d’une des victimes a immédiatement crié au manque de respect et fait valoir son droit à l’image.

Le ministre socialiste de l’Intérieur a fait saisir la justice pour « diffusion d’images vio­lentes ». On peut dire qu’il tombe dans le panneau à son tour avec beaucoup d’hypocrisie. Ne va-t-il jamais sur Internet ? N’y a-t-il pas vu des photos dix fois plus violentes que celles d’un homme en combinaison orange décapité ou brûlé vif ? Pourquoi les services de l’État laissent-ils diffuser de telles images — ainsi que des images pornographiques extrêmes — alors que, dans d’autres pays, les prestataires de services Internet sont beaucoup plus surveillés ? Impuissance, incompétence ou respect mal compris de la liberté individuelle des internautes ?

Marine Le Pen a certes manqué de jugement en diffusant sous son nom ces photos même si tout le monde les connaissait. Pourquoi demain un responsable politique ne diffuserait-il pas des photos de scènes pédophiles, qui sont presque aussi facilement accessibles, sous prétexte de dénoncer l’inceste par exemple ? Mais une telle faute n’est que peccadille 1 par rapport à l’immensité des responsabilités politiques de tous les dirigeants en place qui n’ont pas su contrer la montée du terrorisme islamiste. 

  1. Ou alors faut-il inculper tous ceux qui diffusent des photos de camps d’extermination nazis, du massacre de Katyn, de massacres d’Arméniens par les Ottomans, ou de récentes pen­daisons en Iran et de décapitations en Arabie saoudite ?
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