La doctrine économique du pape François - France Catholique
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La justice de Dieu
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La doctrine économique du pape François

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Le mois passé une grande manchette en une du Daily News de New-York annonçait : « ils mettent leur confiance en la cupidité : les Fat Cats se révoltent. La réprimande de François aux riches risque de coûter Saint Patrick ». Ken Langone, le fondateur de Home Depot, a déclaré que quelques catholiques fortunés menaçaient de retirer leur soutien financier de 180 millions de dollars pour le projet de restauration de la cathédrale Saint Patrick en raison des commentaires économiques faits par le pape dans Evangelii Gaudium. Ces donateurs mécontents ont trouvé qu’il était contre le capitalisme démocratique et les gens qui ont lutté pour réussir.

Langone a dit au cardinal Dolan :  » Votre Eminence, c’est un obstacle de plus que j’espérais ne pas avoir à affronter. Vous auriez besoin d’être prudent avec les généralités. Les gens riches d’un pays n’agissent pas forcément de la même manière que les gens riches d’un autre pays. »

Dolan a répondu que le pape François avait été mal compris : « le pape aime les pauvres. Il aime aussi les riches. Il aime tous les gens… Nous devons rectifier pour nous assurer que ce monsieur comprend correctement le message du Saint Père. »

Le pape François, a ajouté Dolan, pense que « l’argent par lui-même est moralement neutre. L’argent, notre richesse, est un don de Dieu. Et la moralité dépend de la façon dont nous l’utilisons… S’il devient un dieu, une idole, dit le pape François, alors c’est mal car il n’y a qu’un Dieu. »

Le cardinal a raison. Beaucoup de conservateurs – Rush Limbaugh est l’un d’entre eux – traitent le pape de marxiste. Les gauchistes ont déclaré qu’il avait embrassé le socialisme. Ils ont tout faux. Historiquement, les papes sont opposés à la fois au socialisme et au laissez-faire (en français dans le texte) capitaliste. Et le pape François ne dit pas quoi que ce soit de très différent de ce qu’ont dit ses prédécesseurs.

L’Eglise enseigne la morale, non l’économie. Mais la vie économique est subordonnée aux vérités morales. C’est pourquoi l’Eglise soutient que l’économie devrait nous permettre de gagner un salaire stable et décent permettant de subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles, nous procurer un minimum de confort et de loisirs, et donner une opportunité d’avancement basé sur les intérêts, les talents et le dynamisme.

L’Eglise a soutenu la propriété privée, la libre entreprise, le profit et le réinvestissement du capital pour développer et créer davantage de richesses et d’emplois, si ces institutions et activités respectent les obligations morales et sociales.

L’Eglise s’est toutefois opposée aux systèmes extrémistes de toutes sortes qui, ainsi que le pape Pie XI l’a exprimé dans Quadagesimo Anno (1931) « méprisent « la dignité humaine des travailleurs, le caractère social de l’activité économique, la justice sociale elle-même ainsi que le bien commun. »

Dans Rerum Novarum (1891), Leon XIII a averti « les riches » qu’il était de leur devoir de s’assurer que « les travailleurs ne soient pas traités en esclaves, que leur dignité humaine soit respectée, ennoblie qu’elle a été par ce que nous appelons le caractère chrétien »

Dans Quadragesimo Anno Pie XII condamne le socialisme ( comme Léon XIII l’a déjà fait) parce qu’il met en danger les libertés humaines en concentrant le pouvoir économique dans les mains d’un petit groupe qui impose sa politique à la collectivité :

La société telle que le socialisme la conçoit ne peut d’une part ni exister ni être pensée sans l’usage manifestement excessif de la force, d’autre part elle favorise une fausse liberté, puisqu’elle ne laisse pas de place pour une véritable autorité sociale, qui ne réside pas dans des avantages temporels ou matériels, mais provient de Dieu seul… Chrétien et socialisme sont des termes contradictoires : personne ne peut êtr à la fois un bon chrétien et un vrai socialiste.

Pour le centième anniversaire de Rerum Novarum, le pape Jean-Paul II, dans Centesimum Annus, a déclaré que « la responsabilité principale [concernant les droits humains dans le secteur économique] appartient non à l’Etat mais aux individus et aux divers groupes et associations qui constituent la société… L’Etat ne pourrait directement assurer le droit au travail pour tous ses citoyens à moins de contrôler tous les aspects de la vie économique et de restreindre la libre initiative des individus. »

Il a aussi observé que « le libre marché est l’instrument le plus efficace pour exploiter les ressources et répondre efficacement aux besoins ». En même temps, nous avons des besoins autres que matériels. « Il y a de nombreux besoins humains qui ne trouvent pas leur place dans le marché… C’est à ce niveau que doit être cherchée la contribution spécifique et décisive de l’Eglise à une vraie civilisation. »

Le pape François perpétue cette tradition. Il condamne à juste raison l’avidité et le manque d’éthique qui appliquent le credo de survie du plus fort d’un darwinisme social. Il réprouve également le consummérisme débridé, une culture qui a une attitude de rejet vis-à-vis de la vie et de la dignité inhérente à la personne humaine. Et il fustige l’idolatrie de l’argent, y compris par les pays qui dévaluent l’épargne des gens et détruisent l’économie en émettant des quantités excessives de dette publique.

Jusqu’ici rien de nouveau.

François a poursuivi en disant que « la dignité de chaque personne humaine et la recherche du bien commun sont des préoccupations dont toutes les politiques économiques devraient tenir compte » et que l’ homme d’affaires ou l’entrepreneur qui sert le bien commun a « une noble vocation ». Il a aussi spécifié, ainsi que l’avait fait Jean-Paul II, que les programmes d’aide sociale  » ne devraient être considérés que comme des réponses temporaires ».

Comme banquier d’investissement durant 37 ans et créateur d’une entreprise couronnée de succès, je suis entièrement d’accord. Alors pourquoi toute cette agitation ?

Des idéologues, qui veulent convaincre le monde que l’Eglise est dans leur camp, picorent des mots et des phrases ici et là. En d’autres mots, ils prennent délibérément les déclarations du pape François hors de leur contexte.

Par exemple, quand le pape use du mot « inégalité », les gauchistes l’interprètent comme s’il faisait référence à une redistribution des revenus et non à une égalité de chance. Et il y a les gens de droite, qui ne comprennent pas que l’Eglise, par sa nature même, doive s’opposer à l’athéisme, au matérialisme et au marxisme parce qu’ils refusent aux hommes la dignité, les droits et la liberté.

L’information 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, n’aide pas. Pour remplir le temps d’antenne, les présentateurs font maintenant un gros titre de tout commentaire de braillard – qu’importe s’il est complètement mal informé.

C’est frustrant pour celui qui défend le magistère de l’Eglise dans la sphère publique. Le Vaticna a depmuis longtemps un message compétent et sérieux. Il faut le rendre de plus en plus difficile à dénaturer par les partisans des diverses allégeances.


Source : http://www.france-catholique.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=14516


George J. Marlin, président du conseil d’administration de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA est un rédacteur du Quotable Fulton Sheen et l’auteur de The American Catholic Voter (L’électeur catholique américain). Son plus récent livre est Narcissist Nation : Reflections of a blue-State Conservative (Nation narcissique : réflexions d’un Etat conservateur).