La Discrimination Positive: faut-il la conserver ou la supprimer ? - France Catholique
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La Discrimination Positive: faut-il la conserver ou la supprimer ?

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Un des « préceptes » les plus importants de la loi naturelle, énoncés par Aquin, Grotius et autres théoriciens, c’est le devoir de travailler pour et de contribuer à instituer des conditions sociales et politiques harmonieuses et justes, selon ses capacités et son état dans la vie.

Le principe maintenant connu comme « affirmative Action/discrimination positive» est évidemment dans la ligne de ce précepte, dans la mesure où il est adapté pour redresser des inégalités évidentes dans l’éducation, le logement, l’emploi, les admissions à l’université, la position et les promotions dans le lieu du travail, les salaires et compensations, etc. Ce principe ou « mouvement » a été particulièrement utilisé en Amérique pour alléger les situations où il y avait des discriminations sérieuses et systématiques contre les minorités et/ou les femmes, dans des cas où, sur la base du seul mérite, ils n’auraient pas été soumis à la discrimination. Depuis son application, la discrimination positive a aidé à maintenir les droits civils dans de tels cas.

Quand on discute les droits civils américains, il est parfois nécessaire de dissiper le mythe/stéréotype selon lequel le Parti Républicain est historiquement opposé aux droits civils. Le Parti Républicain, fondé au dix-neuvième siècle comme parti anti-esclavagiste, depuis l’époque de la Guerre Civile jusqu’à la législation des Droits Civils de 1964, est responsable de toute la législation et de tous les mouvements pour les droits civils – y compris les 14e, 15e et 16e Amendements, l’Acte des Droits Civils de 1866, l’Acte de Reconstruction de 1867, les lois anti-lynchage et anti-capitation, une loi pour protéger les électeurs noirs, la mise en œuvre de la déségrégation dans l’armée et les écoles publiques et la création en 1958 de la Commission américaine des Droits Civils.

Le mouvement pour la « discrimination positive » aux Etats-Unis a ainsi couronné une longue série de tentatives pour assurer l’égalité démocratique fondamentale, particulièrement dans des domaines où des inégalités flagrantes avaient persisté.

Aux Etats-Unis, pendant les années 1950, Richard Nixon, en tant que Vice Président sous Eisenhower parlait le langage de la discrimination positive quand il a dit qu’il soutenait une « politique positive de non discrimination. ». Quand il était candidat à la présidence des Etats-Unis en 1967, il a annoncé : « que les gens du ghetto devaient avoir plus qu’une chance égale.  On devrait leur donner un dividende. ». Comme président, Nixon a accéléré la déségrégation des écoles du Sud, et a aussi amorcé la première politique de discrimination positive efficace subventionnée par le gouvernement en 1968 avec son « Plan de Philadelphie » dirigé contre la discrimination effrénée dans le secteur du bâtiment. Ce plan comprenait des mesures que n’approuvaient pas les membres du propre parti de Nixon – quotas raciaux et chronologies, appliquées par le Ministre du Travail, George Shultz , pour les entrepreneurs de l’Etat Fédéral. Mais le mouvement s’est répandu assez rapidement au-delà du secteur du bâtiment à d’autres secteurs, y compris ceux de l’enseignement supérieur.
Quand j’ai commencé à travailler comme jeune professeur adjoint à l’Université Marquette dans le Milwaukee en 1967, Le Frère James Groppi et d’autres activistes pour les droits civiques s’occupaient de manifestations et d’initiatives. Les étudiants de Marquette et de l’Université du Wisconsin, y compris quelques communes d’orientation marxiste, et des organisations sous des auspices religieux, étaient aussi très engagés dans ces mouvements – ce qui a eu également des effets secondaires fâcheux tels que la contribution à l’augmentation de la « fuite des Blancs », qui avait déjà acquis de la force dans les années 1960.

En tant que professeur à l’Université Marquette pendant trente-cinq ans, j’ai fait partie à l’occasion  de comités de recherche pour lesquels nous devions suivre les directives de la discrimination positive. Les directives comprenaient l’interdiction de poser des questions sur l’affiliation religieuse des personnes interviewées. Nous pouvions leur demander ce qu’ils pensaient pouvoir apporter à une université jésuite/catholique, mais nos offres d’emploi mettaient aussi l’accent sur le fait que « Marquette est un employeur qui offre l’égalité des chances » et déclaraient qu’il n’y avait aucune possibilité de discrimination. Même l’athéisme ne pouvait pas disqualifier.

Conformément à cette politique, nous faisions attention à considérer d’une manière adéquate les minorités et les femmes. Dans notre section, l’une des plus importantes sections de philosophie d’Amérique dans les années 1970 et 1980, on a commencé à engager un plus grand nombre de femmes. Cependant, il était particulièrement difficile d’engager des Afro-américains à cause d’une compétition énergique. Certaines universités étaient prêtes à payer des salaires de débutants extraordinairement élevés pour les nouveaux professeurs de philosophie noirs – des prix avec lesquels nous ne pouvions pas rivaliser. Eventuellement, quelques-uns de nos étudiants candidats au doctorat, luttant pour les entrevues, se sont mis à protester contre la « discrimination inverse » – prétendant qu’on ne tenait pas compte d’eux, ou qu’ils étaient défavorisés dans les interviews, parce qu’ils étaient blancs ou des hommes.

Maintenant plusieurs décennies se sont écoulées depuis que des politiques et des programmes importants pour la discrimination positive ont commencé. Non seulement dans les industries du bâtiment, mais dans les universités, les sociétés et les entreprises, la police et les pompiers, la discrimination institutionnalisée flagrante a diminué dans de nombreuses villes. Qui peut douter que l’idéal de la discrimination positive a eu une forte influence (sans compter la faiblesse extraordinaire des candidats républicains) sur le succès de Barack Obama aux deux dernières élections ? Son élection n’a-t-elle pas été considérée, notamment, comme un triomphe du mouvement pour les droits civils ? Le fait que l’administration Obama actuelle et le cabinet et les délégués sont remplis de femmes et de minorités n’est-il pas le signe que les choses ont vraiment changé depuis les années 1960.

Illustration : Illustration de l’Université du Michigan sur Internet « Déclaration de Diversité »

Peut-être. D’autre part, au nom des droits civiques, les femmes enceintes revendiquent maintenant un « permis de tuer ». Les gays et les lesbiennes qui étaient marginalisés sont maintenant à la pointe, prêchant leur mode de vie, et faisant de n’importe quelle opposition un « crime de haine ». Les immigrants, considérés comme des « électeurs potentiels fidèles  pour le Parti Démocrate, jouissent d’une extraordinaire discrimination positive, et évitent la déportation en masse.

Le mot d’ordre maintenant, entendu presque tous les jours, et qui concerne de nombreux secteurs de la vie, est « diversité », et la diversité pour elle-même est célébrée comme la principale vertu civique. Voici un exemple : L’Association Philosophique Américaine a récemment mené une enquête sur les manières dont les cours de philosophie dans tout le pays encouragent la diversité. De nombreux exemples de cours dans le programme d’études ont été offerts par les membres, y compris : Philosophie africaine et africaine-américaine, Philosophie asiatique et asiatique-américaine, Philosophie féministe, Philosophie indigène, Philosophie islamique, Philosophie d’Amérique latine, Philosophie LGBTQ, Philosophies multiculturelles/du monde, Philosophie et infirmité, Philosophie du Genre et Philosophie de la race. (Nous pouvons espérer qu’il y a peut-être encore des places dans le programme pour Platon, Aristote, Aquin, Descartes, la morale, la métaphysique, la phénoménologie, etc. c’est-à-dire, la présence des traditions philosophiques occidentales ; nous pouvons aussi espérer qu’au moins une certaine rigueur académique pourra être appliquée dans ces cours – autrement dit, qu’ils ne deviendront pas seulement des genres de groupes de soutien, auxquels il serait presque impossible qu’un étudiant échoue.)

On peut trouver de nombreuses autres expressions de diversité dans les sections de théologie, d’anglais et dans d’autres domaines de programmes de lettres. Autrement dit, il semble que – si de tels changements dans les programmes en sont une indication fiable – au moins dans les milieux académiques, presque toutes les discriminations possibles sont maintenant combattues agressivement.

Certains états sont dernièrement arrivés à la conclusion que la discrimination positive pour les admissions dans les universités a accompli son but, et qu’elle peut être diminuée ou supprimée. Cette tendance a été indiquée dans le cas Schuette v. BAMN de la Cour Suprême du 22 avril, et la décision 6 -2 (La juge Kagan s’est disqualifiée) confirmant l’initiative de scrutin du Michigan contre les préférences raciales dans les admissions à l’université. Le tribunal a déclaré que « la magistrature n’avait pas l’autorité.de mettre de côté les lois du Michigan qui confient aux électeurs la responsabilité de décider si les préférences raciales peuvent être considérées dans les décisions gouvernementales, en particulier quand il s’agit des décisions scolaires. »

Les états qui interdisent la discrimination positive dans l’enseignement supérieur, comme la Floride et la Californie, et aussi le Michigan, ont constaté une baisse importante dans l’inscription des étudiants noirs et hispaniques dans leurs universités les plus sélectives, et en même temps une augmentation des inscriptions d’Asiatiques ; tandis que les inscriptions des femmes dans tout le pays sont souvent plus nombreuses que celles des hommes. Mais – à moins d’une égalité sociale parfaite, qu’on n’atteindra jamais – y a-t-il encore des preuves de discrimination flagrante dans ces états ?

En examinant de nouveau le pour et le contre, nous devrions considérer si les principes qui ont à l’origine fait naître l’« affirmative action » sont encore urgents. Il est important de tenir compte des déséquilibres originaux qui ont donné naissance à la discrimination positive en premier lieu. Dans les endroits ou les professions ou les institutions où de vrais déséquilibres existent toujours, les initiatives pour la discrimination positive sont peut-être encore raisonnables ou même moralement nécessaires. Mais ailleurs, continuer les quotas et/ou une rigoureuse « ingénierie sociale » peut être un genre de « sursaturation d’armes ».

Nous devrions également prendre en considération le stigmate inévitable et souvent injuste attaché aux minorités ou aux femmes qui se sont élevées jusqu’à des postes de succès avec l’aide de la discrimination positive – ou la présupposition injuste que ceux qui ont réussi par leurs propres moyens, en dépit d’obstacles, « doivent avoir été aidés » par la discrimination positive. La juge Sotomayor, dans son avis contraire à la décision de Schuette a soulevé le « doute » très répandu par les minorités au sujet de l’« appartenance » à la société courante. Le président de la Cour Suprême Roberts a répondu à cette objection : « [C]e n’est pas être hors de contact avec la réalité de conclure que les préférences raciales peuvent elles-mêmes avoir l’effet débilitant de renforcer précisément ce doute, et –s’il en est ainsi – que les préférences font plus de mal que de bien. »

Actuellement, il n’est pas clair que la diversité des situations dans tout le pays et dans tant de différents genres de vie et de travail exige d’autres interventions de la part du gouvernement fédéral. Les entreprises, les universités et les institutions qui se sont rapprochées de l’intégration, et dans lesquels il n’y a plus de parti pris écrit ou non-écrit, devraient être autorisées à mettre de côté les programmes d’action affirmative agressifs, si ces programmes ont en grande partie atteint leurs buts. Il semble que beaucoup d’administrations locales et de l’état et les pouvoirs judiciaires devraient maintenant prendre la tête , oui, d’appliquer la discrimination positive où c’est nécessaire, mais aussi, où c’est justifié, allégeant le fardeau de « l’ingénierie sociale » et se concentrer seulement sur les principes fondamentaux d’égalité des chances et de justice dans la compétition.

Comme l’a dit Voltaire : « le mieux est l’ennemi du bien. » La perfection dans le sens d’égalité sociale absolue ne peut être recherchée que par des mesures draconiennes. Le siècle dernier nous offre des exemples de tentatives effrayantes pour obtenir une telle perfection. 

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/affirmative-action-perpetuate-or-phase-out.html

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Illustration de l’Université de Michgan ‘ s « Déclaration de la diversité » en ligne