Je n’en ai pas fini avec le fameux discours à la Curie, et d’ailleurs il n’est pas possible d’en finir, car nous ne savons nullement le terme de cette affaire. Sur quoi débouchera la réforme envisagée ? Le Pape lui-même le sait-il ? Pardon, mais j’en doute. La fameuse formule de Marx, selon laquelle les hommes ne savent jamais l’histoire qu’ils sont en train de faire, me paraît tout à fait résumer la question. Les cardinaux nommés à cette fin, avec comme chef de file le Hondurien Oscar Andrès Rodriguez Maradiaga, ont sans doute déblayé le terrain. Ils doivent avoir quelques idées directrices. Mais à quoi aboutira finalement ce projet qui devrait permettre à l’Église catholique d’être à même de mieux correspondre à sa vocation universelle ?
Je lis des commentaires des uns et des autres, j’y trouve des points de repère intéressants. Mais je demeure radicalement insatisfait quant aux modalités du projet et perplexe quant à sa cohérence globale. La critique de la Curie actuelle, comme coupée du monde, me paraît largement exagérée et même erronée. Et à supposer qu’elle doive mieux correspondre à la catholicité actuelle – ce qui est un vœu légitime – elle devrait refléter en son centre plus de diversité. Mais cette diversité devra s’inscrire dans le dispositif central. Non, me rétorque-t-on, ce qu’il faudra améliorer, c’est la décentralisation. Sans doute, mais il faudra bien trouver les moyens d’une relation permanente entre le ministère de Pierre sur lequel François insiste avec un caractère très affirmé, parfois plus que ses prédécesseurs, et les Églises particulières.
Impossible de se passer des médiations institutionnelles. L’esprit franciscain, prétend tel commentateur devra suppléer au légalisme procédurier. Mais n’est-on pas dans le mythe bien repéré par le cardinal de Lubac, lorsqu’il montrait que la continuelle postérité d’un Joachim de Flore n’avait jamais abouti qu’à la destruction de l’Église réelle ? L’Église, réalité humano-divine, ne peut se passer de l’institution, une institution qui a toujours à se convertir pour être transparente à sa mission.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 décembre 2014.