La culture et l'intérêt de l'enfant - France Catholique
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100 ans. Donner des racines au futur
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La culture et l’intérêt de l’enfant

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Récemment, j’ai fait une expérience, pour moi, assez cruelle. Invité à m’exprimer devant une assemblée de directeurs de l’enseignement catholique, j’ai cru bon faire l’éloge de la culture générale, comme vecteur principal de la formation humaine. Sans doute avais-je en tête une conception par trop classique de cette culture générale, car je me suis heurté à une incompréhension assez forte. Je demeurais fidèle à l’enseignement que j’avais moi-même reçu et à l’égard duquel j’éprouve toujours la plus grande gratitude. Mais, me disait-on, nous avons changé d’époque. Ce qui commande la pédagogie actuelle, c’est l’intérêt de l’élève, son domaine de compétence propre à partir de quoi il s’agit de tirer le meilleur. Il n’est donc plus question de transmettre un héritage, il convient de mettre l’élève au centre du dispositif, afin d’être en accord et en phase avec ses aspirations. À mes objections il était répondu qu’il fallait avant tout respecter la culture propre à cette génération, qui est tout à fait différente des précédentes.

Je n’ai pas été vraiment convaincu. Pour moi, sans transmission, il n’y a pas vraiment de culture, car la culture c’est précisément ce qui est plus grand que nous et qui permet à notre intelligence de s’ouvrir à l’expérience profonde de l’humanité, telle que nous l’ont léguée les plus grands génies de la littérature et de la pensée. Par ailleurs, je crains que lorsque la culture ne domine plus comme une ressource où sans cesse se ravitailler, il n’y ait plus que des procédés qui s’apparentent à la manipulation des esprits.

Je retrouve la même perplexité dans un texte de la sociologue Dominique Schnapper à qui on demande comment le vivre ensemble est possible et qui insiste sur l’importance d’une institution scolaire au service d’une culture héritée. La fille de Raymond Aron redoute que l’obsession de l’épanouissement de l’élève aille à l’encontre de la finalité de l’enseignement. Les dommages deviennent d’autant plus sensibles que nous vivons dans la civilisation de l’immédiat, du spectaculaire ainsi que de l’émotion, sans compter la fascination de la transgression. Décidément, je ne suis pas prêt à céder sur ma propre conviction.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 décembre 2014.