Le Pape a célébré hier matin, à la chapelle de la maison Sainte-Marthe, une messe à l’intention du père Jacques Hamel. En reprenant l’expression courante « à l’intention de », on n’échappe pas à une légère hésitation. Le sacrifice de la messe est offert généralement à l’intention d’une personne, pour son salut éternel. Mais François a affirmé dans son homélie que, martyr, le père Jacques était nécessairement bienheureux, ce qui me semble conforme à une tradition solidement ancrée dans le christianisme. On pourrait peut-être en conclure que le Pape a célébré sa messe, en ce jour de la Croix glorieuse, en union avec le martyr de Saint-Étienne-du-Rouvray. Ceux qui ont suivi cette messe sur KTO n’ont pas manqué d’être touchés par sa belle simplicité mais aussi par l’homélie du Pape, d’une force singulière.
Il y avait ce « santo subito », mais aussi l’affirmation du caractère satanique de l’assassinat du prêtre : « Tuer au nom de Dieu est satanique. » Le père Jacques lui-même n’avait-il pas dit par deux fois, au moment même où il allait être tué : « Va-t-en Satan. » Le Pape n’a pas peur de se situer sur ce terrain difficile de la lutte contre Satan, que l’on évoque rarement dans l’Église. Lors de sa première homélie de Pape, juste après son élection, n’avait-il pas cité un mot du terrible Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable. » Et de mettre les points sur les « i » : « Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon. »
Pour reprendre le titre de Bernanos, il n’est pas incongru de penser que sur notre terre il arrive que des choses terribles se produisent « sous le soleil de Satan ». Ce n’est pas imagination de romancier. Dostoïevski, d’ailleurs, ne romançait pas en dressant le portrait moral de ses possédés. Le Pape, en choisissant le jour de la fête de la Croix glorieuse, en l’honneur du père Hamel, nous situait au cœur même du mystère chrétien, là où le Christ affronte les ténèbres de la mort et de l’enfer. Et pour reprendre les mots du Pape émérite, Benoît XVI : l’espérance ne peut être opposée à ces ténèbres que si l’on partage « la souffrance et la nuit de Celui qui est venu transformer toute notre nuit par ses souffrances ». Sur la Croix glorieuse précisément, sur laquelle le père Jacques Hamel a aussi donné sa vie.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 15 septembre 2016.