La conviction et la responsabilité - France Catholique
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La conviction et la responsabilité

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S’il est un lieu où la distinction établie par Max Weber, et souvent reprise par Raymond Aron, entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, se vérifie constamment, c’est bien celui de la politique. Et les chrétiens sont sans doute les plus à même d’en ressentir cruellement les contradictions. La difficulté peut s’énoncer de la façon la plus simple : les convictions qui tiennent directement aux principes du christianisme sont-elles directement traduisibles en termes de programme électoral ? En dépit de la distance, consentie par saint Thomas d’Aquin lui-même entre loi de Dieu et loi civile, il y a pour le chrétien une part de non négociable, mais ce non négociable lui-même devient problématique, lorsque le jeu politique obéit à ses propres déterminismes : rapports de force, pression des médias et des phénomènes d’opinion, et donc statut minoritaire des porte-parole des convictions non portées sur les compromis politiciens.

Il ne faudrait pas en conclure trop rapidement à l’impossibilité d’un véritable engagement des chrétiens dans la cité. De ce point de vue, la pensée de Max Weber doit être étudiée avec précision. Le philosophe était tout à fait prévenu du risque inhérent à l’attitude du chrétien tenté par une sorte de quiétisme : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu. » N’est-ce pas renoncer ainsi à incarner ses convictions, par phobie des moyens impurs et même par refus des règles propres à la prise de responsabilité dans les structures sociales ? Ainsi l’homme de conviction rechignerait à devenir un acteur vraiment responsable ? Weber ne sous-estime nullement la possibilité de se salir les mains : « Il n’existe aucune éthique au monde qui puisse négliger ceci : pour atteindre des fins “bonnes” nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d’une part des moyens moralement malhonnêtes ou pour le moins dangereux, et d’autre part la possibilité ou encore l’éventualité de conséquences fâcheuses » (Max Weber, Le savant et le politique).

Cependant, les objections les plus fortes ne sauraient détourner les citoyens des obligations liées au bien commun. Et ces obligations requièrent un style d’action propre à la politique, qui ne va pas sans compétences précises, sans connaissances approfondies des dossiers dans leur technicité, sans apprentissage de la parole publique, sans pénétration des arcanes du monde réel et notamment celui des relations internationales. Les convictions ne dispensent pas de l’affrontement avec la gravité et la pesanteur des responsabilités. Toute une nouvelle génération de jeunes chrétiens, suscitée dans le dynamisme de La Manif pour tous, est en train d’en prendre conscience. À l’heure des échéances que nous vivons présentement, il convient de faire tous les vœux pour que se réalise la synthèse réussie de la conviction et de la responsabilité. 


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