C’est l’historien Diego de Haëgo qui, dans ses Dialogos de los Martyres (1616), fut le premier à évoquer la figure d’un jeune Arabe prénommé Geronimo, converti au catholicisme, et martyrisé quelques décennies plus tôt, en 1569, à Alger. Sans lui, son histoire aurait sans doute fini aux oubliettes, tant ses bourreaux firent tout pour le faire disparaître à jamais : il fut emmuré vivant dans les murailles du fort de Vingt-Quatre-Heures, alors en construction. La découverte de son squelette, lors de la destruction de l’enceinte par les Français en 1853, suscita une grande émotion et permit de transmettre sa mémoire.
Enlevé près d’Oran par une razzia espagnole, vers 1536, l’enfant de 3 ans est mis en vente au marché aux esclaves de la ville. Le Vicaire général, Jean Caro, l’achète, l’élève comme son fils, le baptise du nom de Geronimo. Huit ans plus tard, les Maures s’emparent de lui et le ramènent dans sa tribu. Il redevient musulman, mais les souvenirs de sa foi chrétienne, et les soins de l’abbé Caro, se ravivent en lui et ne le laissent plus en paix. À vingt-cinq ans, il se sauve et se jette dans les bras de son père spirituel. Celui-ci le réconcilie avec l’Église, le marie et lui obtient une place dans l’escadron espagnol en Algérie. Malheureusement, au cours d’une mission militaire, Geronimo est fait prisonnier en 1569, et tombe entre les mains du dey Eudj-Ali, renégat calabrais qui a juré haine à mort aux chrétiens.
Sa foi lui vaut les tourments les plus durs, tandis qu’on cherche à le faire apostasier. Il résiste aux menaces, aux mauvais traitements et aux fausses promesses des ulémas. « Ces malheureux pensent qu’ils me feront devenir musulman. Non je ne le serai jamais, quand je devrais y perdre la vie », aurait-il dit à un compagnon. Son sort est scellé. « Dieu soit béni pour toutes ces choses, déclare-t-il encore avant l’emmurement. Notre Seigneur est digne de se souvenir de mon âme et de me pardonner mes péchés. Je vous demande à tous de me recommander à Dieu. » Et le forfait fut accompli, le 18 septembre 1569. Geronimo avait 33 ans. « Jamais je n’aurais cru que ce chrétien reçût la mort avec tant de courage », déclare pour sa part Eudj-Ali. En 1854, trois siècles après son martyre, le pape Pie IX, sollicité par l’archevêque d’Alger, Mgr Pavy, le déclare vénérable. Son corps est transféré dans la cathédrale d’Alger, où il repose aujourd’hui encore.