L’administration Obama répond à la tempête sur la loi sur la santé (Obamacare) en recentrant le débat électoral autour du thème de la contraception. Au début de la controverse, j’avais pensé sans trop réfléchir que l’administration était tombée dans un panneau parce que les personnes qui évoluent autour d’elle prennent pour une évidence que chacun partage les vues « raisonnables » qui sont les leurs sur la contraception.
Je n’avais pas compris que l’introduction de ce thème était délibérée et destinée à faire oublier l’économie ainsi qu’à présenter les Républicains – et l’Eglise – comme de doux fanatiques concernant les sujets de l’avortement et de la contraception.
Lorsque George Stephanopoulos 1 souleva le premier la question dans les débats des primaires républicaines, Mitt Romney demanda pourquoi il devrait aborder ce sujet dans la mesure où personne n’envisageait sérieusement d’introduire une législation limitant l’accès à la contraception. Cela montre combien notre culture a brutalement évolué. Il est étrange qu’il semble devenu aujourd’hui à ce point impensable que la contraception puisse faire l’objet de dispositions législatives.
On a oublié l’arrêt célèbre Griswold contre l’Etat du Connecticut (1965) par lequel la Cour suprême avait eu à considérer une loi (non appliquée en pratique) interdisant le recours à des moyens contraceptifs, y compris pour des couples mariés. Le juge Byron White avait émis l’opinion que la Cour (en annulant cette loi) avait toutefois laissé ouverte la possibilité de décourager par la voie législative « toutes formes de relations sexuelles désordonnées ou illicites, qu’elles soient préconjugales ou extraconjugales ».
La Cour suprême a bientôt abaissé toutes barrières à l’accès aux préservatifs pour des couples non mariés. Néanmoins, il ne paraissait pas encore impensable que l’on puisse interdire la vente de préservatifs aux mineurs ou leur accès libre dans des distributeurs installés dans les restaurants et les stations-service, comme autant d’exemples qui laissaient supposer une forme d’acceptation voire d’encouragement à des relations de rencontre entre inconnus.
Voici maintenant que le maire de Los Angeles vient de signer un décret obligeant les acteurs de films pornographiques à utiliser des préservatifs. Ceux qui nous avaient assuré pendant des années que le droit de la contraception ne pourrait s’ingérer dans la vie privée nous démontrent aujourd’hui qu’on peut rendre son usage obligatoire !
La culture a clairement évolué. Les personnalités politiques ne sauraient s’aventurer sur ce terrain. Le moraliste apparaît comme « une sorte de maniaque qui harangue des gens qui attendent l’autobus avec la certitude démente d’être le seul à avoir accès à des informations secrètes » (un personnage d’une pièce du dramaturge britannique Tom Stoppard).
Rick Santorum exprime la vérité de la doctrine chrétienne quand il parle du mariage comme d’un don de l’un à l’autre et d’une ouverture à une vie nouvelle. Mais son discours nous parait bien trop précieux, même pour la grande majorité des catholiques qui ont intégré la contraception dans leurs vies.
Et pourtant même le « New York Times » a dû dégriser devant le fait que plus de la moitié des naissances chez les Américaines de moins de trente ans surviennent hors mariage. Le quotidien a dû admettre que l’avènement de la pilule n’était pas pour rien dans l’accentuation de cette tendance séculaire à séparer le sexe du mariage.
Cela ne changera rien aux attaques lancées contre Rick Santorum, que ce soit ou non le sujet. Qu’il le veuille ou non, Santorum est contraint de suggérer à l’opinion publique qu’il existe une autre manière de traiter de cette question.
Un de mes amis qui ne passe pas pour un conservateur a été récemment stupéfait de découvrir un panier plein de préservatifs bien en évidence dans le dortoir de son fils au pensionnat, avec une note du surveillant : « en cas de manque, me prévenir ». Je n’imagine pas des parents, même parmi les plus progressistes, conserver à la maison un panier de préservatifs pour les enfants…
Certes on ne trouvera rien de semblable dans certains établissements religieux, et chacun fait bien la différence. Les parents progressistes qui se sentent mal à l’aise dans ces endroits doivent se faire quelque part la réflexion, même confusément, que la désinvolture sexuelle vient de ce que l’on ne traite pas sérieusement quelque chose qui au contraire est rien moins que très sérieux.
Avec Santorum, on voit combien il est difficile de parler de ces choses. Et pourtant ne devons-nous pas nous demander d’où vient que nous ne soyons pas à l’aise avec ces changements culturels qui ont eu lieu de notre temps ?
En fait quelque chose d’avant n’aurait-il pas complètement disparu en nous ? Le fait que les gens évitent d’en parler ne signifie pas que cela ne compte pas. Cela veut peut-être simplement dire que nous devons trouver une manière de reparler entre nous, voire en public, d’un sujet qui n’a jamais cessé d’être important.
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Source
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/contraception-and-the-laws.html
Pour aller plus loin :
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