Revenir sur le quinquennat ?
par
PIERRE PASCALLON *
Professeur Agrégé de Faculté
● On sait que l’examen du projet de loi constitutionnelle réformant les institutions est en discussion à l’Assemblée Nationale et le gouvernement espère qu’il pourra être adopté en Congrès (avec trois cinquièmes des voix), le 7 juillet prochain. On sait aussi que, pour l’essentiel, cette réforme de nos institutions va accorder des prérogatives nouvelles au Parlement, dont on entend revaloriser le travail en donnant, en particulier, des fondements constitutionnels aux droits de l’opposition.
On est loin – ce faisant – de la refonte forte, sinon totale, de la Constitution de la Vème République telle que la souhaitait Edouard Balladur, Président du Comité de réflexion sur la modernisation des institutions, et par le Chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, dans le sens d’un régime présidentiel. L’ancien Premier Ministre et l’actuel locataire de l’Elysée voulaient, en effet, rééquilibrer profondément les institutions en revoyant les pouvoirs respectifs du Président de la République et du Premier Ministre – autour de la « redéfinition » des Articles 5, 20 et 21 de la Constitution : l’Article 21, plus particulièrement -, en confiant, demain, au Chef de l’Etat, le soin de « déterminer la politique de la nation », à charge pour le gouvernement de la « conduire ».
Devant les réticences et les oppositions (… y compris dans la majorité) soulevées par ces orientations pour un nouvel équilibre institutionnel faisant du Chef de l’Etat un élément plus actif du jeu politique, face à un projet de réforme qui, en l’état, n’aurait pas manqué de conduire à une « impasse » constitutionnelle en cas de cohabitation, Nicolas Sarkozy a été amené à renoncer à modifier la Constitution sur la répartition des pouvoirs au sein de l’exécutif et à préserver la fonction de Premier Ministre. Les velléités présidentialistes et le basculement vers un régime présidentiel ne sont pas pour autant complètement enterrés puisque l’espoir est, au final, pour le Président de la République, de faire accepter la possibilité de venir s’exprimer devant le Parlement, une fois par an, « à l’américaine », dans l’esprit, en effet, de ce que fait le Président des Etats-Unis en prononçant son Discours sur l’état de l’Union devant le Congrès.
● On voudrait s’étonner ici que, dans le cadre de cette réflexion lourde de ces derniers mois sur la réforme de nos institutions, il n’ait pas été fait mention – ou de façon très marginale dans ce débat – du problème du quinquennat qui aurait pourtant dû être au cœur de ce dossier.
Rappelons très brièvement que la réforme du quinquennat a été imposée, en 2000, à Jacques Chirac – qui n’en voulait pas – sous la pression de Valéry Giscard d’Estaing.
Les arguments mis en avant à l’époque sont encore dans nos mémoires. En bref, le septennat n’est plus adapté à l’accélération du rythme économique, politique,… d’une époque qui nous habitue à l’instantané : sa durée est trop longue. Qui plus est et surtout, en réduisant la durée du mandat présidentiel alignée sur celle du mandat législatif, on a la possibilité de supprimer les effets délétères des cohabitations à répétition.
A dire le vrai, à l’expérience – et on commence à l’avoir -, on s’aperçoit que le quinquennat – on avait dénoncé ces perspectives bien avant son adoption – est loin d’avoir tous les bienfaits que mettent en avant ses laudateurs puisqu’il aboutit à une véritable et profonde déformation de nos institutions, sans supprimer, en l’état, les risques de cohabitation.
Qui ne voit, en effet, que le raccourcissement de la durée du mandat présidentiel – le style et la personnalité de Nicolas Sarkozy n’amoindrissent pas, bien sûr, cette tendance !! – fait que le Chef de l’Etat doit accélérer la mise en œuvre de son programme – qui ne bénéficie plus du temps plus long qu’apportait le septennat – et que l’on est déjà dans la prochaine élection présidentielle de 2012 (avec les mêmes candidats : Sarkozy, Royal, Bayrou… à vérifier !!). Et surtout et plus, avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral qui placent, de fait, le Chef de l’Etat en chef de l’exécutif, on a modifié profondément la problématique du couple exécutif – les relations entre le Président de la République et le Premier Ministre – ; on a brouillé – embrouillé – cette articulation centrale de nos institutions. Oui, avec le quinquennat, on a dénaturé l’équilibre de nos institutions, la logique du quinquennat appelant ainsi, de façon irréversible et inéluctable, la mise en place d’un régime présidentiel.
Si l’on pense – et on le pense – que le régime présidentiel n’est pas adapté à notre pays, qui a connu de sérieux déboires chaque fois qu’il a tenté de s’en rapprocher ; si l’on croit donc – et on le croit -, qu’il faut chercher à garder au mieux, demain – au-delà de ses 50 ans -, notre Constitution de la Vème République, originale, mi-parlementaire/mi-présidentielle, profondément en phase avec « l’exception française », on demande alors, de façon indispensable et urgente, que le chantier institutionnel ne soit pas clos sans une réflexion approfondie sur le retour au septennat, peut-être au septennat avec un mandat non renouvelable.
* Auteur de « Plaidoyer pour la Constitution de la Vème République », Economica, 1986.
Pour aller plus loin :
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