La Conférence de Lambeth s’est invitée au synode - France Catholique
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La Conférence de Lambeth s’est invitée au synode

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En 1920, la Conférence de Lambeth [palais de l’archevêque] de l’Eglise anglicane a fermement condamné l’usage des contraceptifs pour quelque raison que ce soit. Dix ans plus tard, dans sa résolution 15, une nouvelle Conférence de Lambeth a approuvé sous réserves l’usage des contraceptifs – uniquement par des couples mariés, et uniquement pour des motifs très sérieux et moralement valables, à l’exclusion « des motifs relevant de l’égoïsme, de la luxure ou de la simple commodité ».

En 1930 également, l’évêque anglican d’Oxford, Charles Gore, a rédigé un pamphlet bien argumenté pour réfuter le raisonnement et les conclusions de la résolution 15. La Conférence de Lambeth de 1930 fut un moment de vérité pour l’Eglise anglicane et l’évêque Gore était terriblement inquiet parce que cette conférence avait cédé à l’esprit du monde dans son renversement mitigé de la position constante de l’Eglise sur la contraception. Son argument se fondait davantage sur la Tradition que sur la loi naturelle, et il appréciait beaucoup la fidélité de l’Eglise catholique à cet enseignement moral séculaire.
L’évêque Gore évaluait de manière très réaliste le contexte dans lequel il fallait concevoir cette acceptation (même limitée) du contrôle des naissances par une grande communauté religieuse. Déjà à cette époque, lui ainsi que d’autres voyaient clairement la menace que représentait le contrôle des naissances pour le mariage et pour l’existence même de la civilisation. Il évoque les risques liés à ce qu’il appelle « la vague effrénée de sensualité » dans les sociétés occidentales que ne peut qu’aggraver cet effondrement de l’opposition morale à l’un des principaux dangers pour notre civilisation.

Il mentionne également plusieurs fois le risque de suicide national ou de suicide ethnique, comme il l’appelle, anticipant ainsi le suicide démographique que saint Jean-Paul II allait identifier plus tard, et qui est actuellement en cours. Il anticipe également le mal que toutes les formes de contraception font aux femmes, et ceci longtemps avant la pilule et d’autres moyens intrusifs actuellement promus par les géants de l’industrie pharmaceutique et la profession médicale.

Mais ce qui est plus intéressant c’est que cette même Conférence de Lambeth a également autorisé les divorcés remariés à recevoir la communion dans à peu près les mêmes termes que ceux qu’utilisent certains évêques et théologiens au présent Synode extraordinaire sur la famille. Dans la résolution 11 de la Conférence, ce libellé mérite de retenir l’attention : « la Conférence estime que c’est en se fondant sur cet idéal que l’Eglise doit traiter les questions de divorce et tout ce qui menace la sécurité des femmes et la stabilité du foyer. »

Notez le mot « idéal », qui ressurgit aujourd’hui dans quelques rapports sur le Synode, cet idéal étant l’indissolubilité du mariage. Dans le second paragraphe de la résolution 11, nous lisons : « Quand une innocente personne s’est remariée civilement et désire recevoir la Sainte Communion, la Conférence recommande que ce cas soit soumis pour examen à l’évêque, sous réserve des règlements provinciaux ».

C’est exactement ce que certains participants au Synode – y compris deux cardinaux très haut placés – recommandent aujourd’hui comme une alternative à la procédure d’annulation. Le fait que des évêques et des cardinaux catholiques commencent en 2014 à s’exprimer exactement dans les mêmes termes que le clergé et les laïcs anglicans à la Conférence de Lambeth de 1930 devrait nous avertir que nous naviguons dans des eaux dangereuses.

Ces solutions bien intentionnées ont débouché sur un désastre pour les anglicans.

Mais le fait que les anglicans ont traité le problème de la communion pour les divorcés remariés en même temps que le problème de la contraception devrait aussi nous alerter. C’est peut-être à un phénomène du même ordre que nous assistons au présent synode. Si l’un des principaux sujets semble être la charité pastorale à l’égard des divorcés remariés, il y a clairement aussi des participants qui souhaitent rouvrir la question « pastorale » concernant la contraception. En dépit de toutes ses manœuvres d’escamotage du sujet, le cardinal Kasper est de toute évidence à ranger dans ce camp, ainsi que son ancien assistant, le cardinal Bonny d’Anvers, de même que quelques membres de l’épiscopat allemand et d’autres épiscopats européens.

Tout comme la déclaration de la Conférence de Lambeth de 1920 n’a pas mis fin au débat sur la contraception pour les dissidents qui sont revenus à la charge et ont gagné la bataille en 1930, de même les opposants à Humanae Vitae et à la doctrine constante de l’Eglise sur la contraception ont gardé un silence stratégique pendant des années. Et ils reviennent maintenant à la charge pour la modifier. Ils n’ont jamais honnêtement accepté le caractère infaillible et irréformable de l’enseignement de l’Eglise sur la « prévention des naissances » – enseignement qui a été fermement confirmé par Pie XI, Pie XII, Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et maintenant François. En fait, un grand nombre de ces dissidents estiment qu’aucun précepte moral ne peut être déclaré infaillible.

Et à présent ils sont de retour et s’expriment très franchement dans le Synode où ils occupent une place centrale.

Cette attitude a été clairement explicitée dans les écrits de personnalités comme l’évêque Bonny et récemment dans un article du théologien allemand Eberhard Schockenhoff qui a soutenu l’infâme déclaration révolutionnaire intitulée Eglise 2011 : un renouveau indispensable. Le renouveau porte sur la doctrine et la discipline de l’Eglise, notamment (ô surprise) sur le divorce et le mariage homosexuel.

Dans un récent article, après avoir dénigré la manière dont l’Eglise s’appuie sur les méthodes naturelles de contraception, Schockenhoff affirme brièvement : « l’enseignement de l’Eglise sur la régulation des naissances par des méthodes artificielles a empêché beaucoup de gens de recevoir les messages positifs que l’Evangile peut dispenser sur la vocation à l’amour de tout être humain ». Il conclut ensuite : « L’impasse sur des problèmes qui demeurent irrésolus [c’est nous qui soulignons] sur un plan doctrinal amène tout simplement à considérer l’enseignement de l’Eglise comme rigide et peu crédible ».

Le problème doctrinal «irrésolu », c’est (sans erreur possible) « l’enseignement de l’Eglise » sur des questions comme la régulation des naissances par des méthodes artificielles, le divorce et le remariage. Ces dissidents sont étonnamment sourds aux avertissements lancés par l’évêque Gore il y a quatre-vingt quatre ans, à savoir que la contraception sape profondément le mariage et mène au suicide démographique.
Et c’est ce qui se passe sous leurs yeux en Europe aujourd’hui !

C’est la minute de vérité pour le synode de 2014. Espérons qu’il ne se terminera pas pour les participants comme Le Pont de la rivière Kwai sur une interrogation désespérée du genre de celle du colonel Nicholson : « Qu’ai-je fait ? »

Jeudi 16 octobre 2014

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/a-lambeth-moment-for-the-synod.html


Le père Mark A. Pilon, un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie), est docteur en théologie sacrée de l’université Santa Croce de Rome. C’est un ancien chef de la chaire de théologie systématique du séminaire Mount Saint Mary, un ancien rédacteur occasionnel du magazine Triumph et un professeur à la retraite de la Notre Dame Graduate School du Christendom College. Il écrit régulièrement sur le site littlemoreretracts.wordpress.com.

Photographie : l’évêque Gore (1853-1932)