En juillet, le Secrétaire d’État Mike Pompeo a créé un truc appelé la « Commission sur les droits inaliénables », dont l’objet est de « fournir au Secrétariat d’État avis et recommandations concernant les sujets relatifs aux droits de l’homme au plan international », ainsi que « des réflexions neuves à propos du discours sur les droits de l’homme, là où ce discours s’éloigne des principes fondateurs de notre nation, la loi naturelle et les droits naturels ».
La présidente de la commission est Mary Ann Glendon, qui fait partie des principaux intellectuels catholiques américains. Elle est titulaire de la chaire de Learned Hand à l’école de droit de Harvard, et ancienne ambassadrice des États-Unis au Vatican. De plus, elle fut le mentor de Pompeo lorsqu’il était étudiant à l’école de droit de Harvard.
Beaucoup de gens de gauche ont émis des objections contre la création de cette commission. L’expression « loi naturelle » les rend nerveux, ainsi que le fait qu’une catholique pure et dure comme Glendon la préside.
Je suis moi-même très heureux, car j’espère que cela pourra servir, au moins dans une petite mesure, à contrôler l’étonnante prolifération des « droits humains fondamentaux » que nous avons constatée aux États-Unis au cours des dernières décennies. La Cour Suprême des États-Unis a reconnu un droit à l’avortement (Roe c. Wade), un droit à la sodomie homosexuelle (Lawrence c. Texas) et un droit au « mariage » de même sexe (Obergefell c. Hodges). À l’avenir, si cette tendance se poursuit, elle reconnaîtra probablement un droit à l’euthanasie. Et Dieu sait quoi d’autre.
Les membres de la gauche politique ont trouvé un moyen de mettre en œuvre leur programme en contournant le processus démocratique. Vous aimez X et vous voulez que ce soit la loi du pays. Mais vous ne pouvez pas obtenir X par le biais du Congrès ou des assemblées législatives des États. Vous décidez donc que X est un droit humain fondamental, un droit qui ne peut être nié par les majorités populaires.
Et puis vous allez à la Cour Suprême des États-Unis. Et si vous avez de la chance, la Cour aura une majorité de juges gauchistes et ils seront d’accord avec vous. Et puisque, selon le point de vue libéral, tous les droits humains fondamentaux sont implicitement contenus dans la Constitution des États-Unis (auxquels ils sont mentionnés dans le neuvième amendement), X devient maintenant un droit constitutionnel.
Si vous objectez que vous ne pouvez pas trouver X dans la Constitution, bien que vous ayez lu ce document très attentivement, on vous dira que nous avons une « Constitution vivante » et que seuls les gens de droite désuets lisent la Constitution à la lettre.
Maintenant, si telle est notre norme (appelons-la la norme de Jefferson), si nous disons que si X doit être considéré comme un droit humain fondamental, X devra évidemment être tel, alors nos nouveaux droits – les « droits » à l’avortement, la sodomie homosexuelle, le « mariage » de même sexe ou l’euthanasie – ne sont pas du tout des droits, car ils sont loin, bien loin d’être évidents. S’il s’agissait de droits évidents, il y aurait un consensus presque universel à leur sujet.
Si nous devions utiliser la norme Jefferson, ce n’est que si presque tous les Américains étaient d’accord que X est un droit humain fondamental que la Cour suprême déclarerait que X, bien qu’il ne soit pas mentionné dans la Constitution, est l’un de ces droits non énumérés mentionnés dans le neuvième amendement.
Mais si nous ne devons pas utiliser la norme de Jefferson pour décider ce qui est et ce qui n’est pas un droit humain fondamental, quelle norme devons-nous utiliser ? Apparemment, rien de mieux qu’un vote majoritaire de la Cour Suprême. Si cinq juges disent que X est un droit fondamental, alors X est un droit humain fondamental.
C’est très bien pour beaucoup de gens politiquement à gauche. Car ils peuvent alors multiplier les « droits humains fondamentaux » et espérer que leurs multiplications seront ratifiées par au moins cinq membres « constitutionnels » de la Cour Suprême. Mais pour le reste d’entre nous, pour ceux qui aiment penser que nous vivons dans une république démocratique qui opère dans le cadre d’une Constitution qui a été conçue par ses rédacteurs pour être lue littéralement, cette multiplication potentiellement illimitée des droits fondamentaux est un désastre.
Et pour les chrétiens aussi, c’est un désastre – du moins pour les chrétiens traditionnels, qui adhèrent à la foi et à la morale de l’Église primitive, par exemple, les catholiques orthodoxes et les protestants évangéliques. Car la liste de gauche des droits de l’homme fondamentaux contient des éléments tout à fait incompatibles avec le christianisme.
Et donc, lorsque la Cour suprême déclare que, par exemple, l’avortement, la sodomie homosexuelle, le « mariage » de même sexe et l’euthanasie sont des droits fondamentaux, il est, par implication, très clair que le christianisme est l’ennemi des droits de l’homme.
Telles que je vois les choses, nous sommes au milieu d’une grande mais lente révolution culturelle aux États-Unis, pendant laquelle les athées et leurs compagnons de route quasi athées (y compris les protestants et les catholiques libéraux en matière religieuse) tentent de détruire l’éthique et la vision du monde chrétiennes traditionnelles, et de les remplacer par une éthique et une vision du monde sans Dieu.
Jusqu’à présent, la coalition athée paraît gagner. Sa progression, soutenue par les médias grand public, l’industrie du divertissement, nos principales universités et le Parti démocrate, semble imparable. Et l’un des grands instruments de cette avancée est l’idée que l’agenda de gauche peut être promulgué par la « découverte » non démocratique de droits humains de plus en plus fondamentaux.
La commission Glendon peut-elle arrêter cette progression ? Probablement pas. Mais elle peut peut-être la ralentir, donnant aux chrétiens plus de temps pour rallier leurs troupes et riposter. En tout état de cause, il va être absolument indispensable de surveiller le travail de la commission et la réaction athée.
23 août 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/23/the-glendon-commission/
David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island, et l’auteur de The Decline and Fall of the Catholic Church in America (« Le déclin et la chute de l’Église catholique en Amérique »).