A mon avis, le seul évènement très important qui aura lieu pendant le Synode sur le mariage et la famille de 2015, est un évènement qui n’entrainera pas les évêques qui y participent dans des discussions, et ne donnera pas lieu à un vote. En fait, je pense que la décision la plus inspirée dans tout le contexte du Synode est d’avoir fixé la canonisation de Zélie et Louis Martin ce dimanche.
L’Église a toujours présenté les vies des saints comme un moyen d’apprendre les grandes vérités de notre foi. Dans ce cas, ce n’est pas seulement la fidélité de ce couple très saint qui est exemplaire, ni leur grand amour conjugal si évident, ni la permanence de leur union. Tout cela peut aussi se rencontrer en dehors de la chrétienté, parce que le mariage est une institution naturelle.
L’exemple que donnent les Martin, comme le font tous les mariages catholiques, c’est celui du rôle intégral et nécessaire de la chasteté dans le mariage. Les vrais mariages chrétiens sont chastes, et les mariages chastes sont toujours saints.
La sainteté de la vocation du mariage à l’intérieur du sacrement est un thème majeur de ce synode particulier, comme c’était le cas des enseignements de Vatican II. Ce qui n’est pas un thème aussi clair, c’est la relation intégrale entre cette sainteté et la chasteté du couple marié. Je suppose que ce thème est parfois mentionné, mais il ne reçoit pas le même niveau d’attention que beaucoup d’autres sujets. Pourtant, rien ne sera plus important pour le renouveau du mariage chrétien que la réaffirmation de l’enseignement de l’Église sur la chasteté dans le mariage, et dans la pratique, les efforts courageux et réfléchis pour ré-évangéliser les laïcs chrétiens sur ce point.
Je ne suis pas autrement surpris que ce thème de la chasteté conjugale n’ait pas tout à fait la même force qu’autrefois dans ces discussions. Il suffit de se souvenir du titre de la grande encyclique sur le mariage de Pie XI en 1930 : Casti connubii, « sur la chasteté conjugale », qui à plusieurs reprises fait la louange de la sagesse de Dieu contenue dans « ce compagnonnage chaste et sacré de l’union nuptiale ». Les papes Pie XII, Paul VI, Jean Paul II, ont tous écrit des choses magnifiques vantant la grandeur et la sainteté des mariages chastes. Mais à présent, après un demi-siècle de transformation sexuelle radicale de nos sociétés occidentales, on trouve rarement des mariages chastes – et on ne les comprend pas davantage – même parmi les chrétiens et malheureusement même parmi nombre de guides religieux.
Quand Pie XI a écrit son encyclique sur la chasteté dans le mariage, il répondait à la révolution sexuelle qui avait saisi l’Église d’Angleterre. Celle-ci venait de donner son accord moral à la contraception, à la conférence Lambeth. Aujourd’hui, nous voyons facilement, si nous avons des yeux pour voir, les effets dévastateurs de la contraception sur le mariage et sur la société : La destruction de l’amour conjugal conduisant au divorce, et le suicide démographique tragique de quasiment tous les pays occidentaux qui ont adopté la contraception comme style de vie aussi bien à l’intérieur qu’en dehors du mariage.
Le pape Pie XI avait prévu en grande partie cet effet dévastateur, et Paul VI et Saint Jean Paul II l’avaient réaffirmé. Ce qu’ils comprenaient profondément, c’était le lien intime qui existait entre le style de vie contraceptif, et la destruction de la chasteté dans le mariage. Malheureusement, ce lien direct n’est pas toujours compris par nos guides religieux. Et, encore plus malheureusement, la valeur de la chasteté elle-même a été profondément minée aussi bien à l’intérieur du mariage que parmi les personnes seules.
Il y a quelques années, je suis tombé sur un puissant éditorial qui datait de 1931 écrit par l’éditeur du Washington Post, un laïc méthodiste, qui comprenait ce lien exactement comme le pape Pie XI. Ce laïc clairvoyant concluait que la décision de la majorité des églises protestantes d’approuver la contraception produirait un désastre moral et spirituel : « Conduit à sa conclusion logique, le rapport du comité, s’il était mis en œuvre, sonnerait le glas du mariage comme institution sainte, en établissant des pratiques dégradantes qui encourageraient une immoralité inconsidérée. » Il comprenait aussi que la contraception détruirait tout simplement la sainteté de la vocation au mariage et inévitablement, mènerait à une immoralité inconsidérée, à l’absence de chasteté, à l’intérieur et à l’extérieur du mariage. Il avait raison, de même que les papes avaient raison : premier accord prophétique œcuménique.
Ce qui me rend soupçonneux face à la plupart des participants au Synode, mis à part certains évêques et certains observateurs laïcs qui parlent sans détours, c’est le fait que le thème de la contraception a si peu attiré l’attention dans ce document final du Synode de 2014, comme si ce n’était qu’un problème mineur affectant le mariage chrétien. Pourtant, tous les sondages religieux nous disent qu’une grande majorité de catholiques dans la plupart des pays occidentaux ont rejeté l’enseignement constant de l’Église sur l’immoralité de la contraception. Cela signifie que l’absence de chasteté est devenue un trait dominant du mariage chrétien contemporain. Alors, une question surgit : Comment ce Synode peut-il espérer avoir un impact réel sur le renouveau du mariage chrétien et la vie de la famille s’il refuse de reconnaitre l’importance centrale de la chasteté dans le mariage et l’impact des pratiques contraceptives sur cette vertu conjugale ?
Le fait que ce mariage-là, la sainte union de Zélie et Louis Martin, ait déjà pu produire trois saints – et tellement de vocations à une chasteté virginale – n’est pas sans lien avec la pratique de la vertu héroïque de la chasteté par les parents. Ceci a souvent été le fait des mariages saints dans l’histoire de l’Église.
Si le mariage a des problèmes de nos jours dans l’Église catholique, et si les vocations religieuses et sacerdotales en ont aussi, la crise de la chasteté conjugale est certainement à la racine de ces problèmes. A mon avis, si l’on sondait tous les papes depuis saint Pierre, ils seraient d’accord avec cette affirmation. Espérons que ces canonisations auront aussi un impact sur les délibérations finales du Synode. Elles auront certainement un impact sur la vie de l’Église. Pour cela, merci Pape François.