S’il fallait retenir une chose du 52e congrès de la CFTC qui s’est déroulé du 17 au 20 novembre à Vichy, ce n’est pas la brillante réélection de Philippe Louis, président sortant, ni l’arrivée de Bernard Sagez au poste de n° 2 de l’organisation ; ce ne sont pas non plus les menaces qui pèsent sur la représentativité de la CFTC, sujet récurrent depuis la loi de 2008 qui fonde la représentativité syndicale sur les résultats obtenus lors des élections professionnelles ; pas plus que les sempiternelles interrogations journalistiques sur la spécificité de la CFTC dans le paysage syndical ; ni même la révolte des femmes, ultra-minoritaires au sein des instances dirigeantes de la confédération alors qu’elles représentent près de la moitié des adhérents, et qui sont montées sur scène pour réclamer la parité. Non, c’est le caractère novateur de la motion d’orientation, véritable programme de la centrale chrétienne pour quatre ans, jusqu’au congrès de 2019, celui de son centenaire.
Intitulé Dans un monde en bouleversement, construisons un nouveau contrat social, ce document, qui a recueilli 91 % des suffrages, part du constat que l’humanité est confrontée à trois bouleversements : le changement climatique, la généralisation du numérique et l’émergence de la robotique, auxquels le texte en ajoute un quatrième — le bouleversement démographique — qu’il ne développe pas.
Face à ces bouleversements, le syndicalisme ne peut se contenter de défendre des avantages acquis. « à quoi bon défendre un emploi décent, un salaire de dignité, une solide protection sociale et de bonnes conditions de travail, si le salariat tend, sinon à disparaître, du moins à se marginaliser sur une planète menacée dans son existence même ? », s’interrogent les rédacteurs de cette motion. Trois attitudes sont possibles : « les subir, chercher à les contrarier ou les anticiper ». La CFTC opte pour la troisième stratégie. Le syndicat chrétien espère rallier à son projet les autres syndicats, le patronat, les associations… et l’État.
Concernant le changement climatique, la CFTC se rallie au constat du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) selon lequel le climat se transforme du fait d’une concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère dont l’activité humaine, par l’usage intensif de pétrole, gaz et charbon, est une responsable majeure. Elle considère que « le passage à une économie moins avide en carbone doit offrir l’occasion de réfléchir non seulement aux perspectives d’emplois, mais aussi à la place du travail dans notre société, à l’évolution des rapports sociaux et à une approche renouvelée de la croissance » donnant la priorité « à l’homme sur des considérations comptables et financières ». faisant ainsi écho à Laudato si’. Dans cette perspective, elle propose notamment que soit encouragée la formation professionnelle continue pour faciliter l’adaptation de l’emploi dans des secteurs et des métiers faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, et que les sujets environnementaux fassent l’objet de négociations dans l’entreprise. Citant l’économiste Éloi Laurent, la CFTC appelle à une « réforme de l’État providence qui permettrait de bâtir les institutions nationales et territoriales de la transition écologique » et se prononce pour une planification écologique à l’échelon européen. Celle-ci n’aurait pas vocation à remplacer le marché, mais à « prendre les décisions permettant de retrouver les marges de manœuvre pour réorienter l’activité économique ».
Pour la CFTC, Internet a multiplié les services partagés qui bouleversent les structures de concurrence. Notre rapport au travail s’en trouve modifié. Aucun secteur ne sera épargné. Quant aux robots, après avoir envahi les usines, ils investissent les services. Les répercussions sur l’emploi seront considérables : selon le cabinet allemand Roland Berger, « 42 % des métiers présentent une probabilité d’automatisation forte à l’horizon de vingt ans ». Les premiers concernés seraient les emplois administratifs, agents de voyage, téléopérateurs, réceptionnistes, manutentionnaires, ouvriers du BTP, salariés de l’agro-alimentaire… C’est pourquoi, fidèle à ses valeurs héritées de la morale sociale chrétienne et à l’esprit du Statut du travailleur, qui vise à la sécurisation de l’ensemble du parcours de vie, la CFTC revendique une « conversion sociale ». La CFTC soutient le Compte personnel d’activité que le gouvernement propose de mettre en place. « D’abord parce qu’il permettrait aux travailleurs d’être acteurs de leur trajectoire tout au long de leur vie et de garantir la continuité des droits au-delà de l’emploi, a déclaré Philippe Louis dans son discours de clôture. Ensuite, parce qu’il viserait à un accompagnement personnalisé pour chacun des principaux événements de vie nécessitant la mobilisation de droits sociaux ; enfin, parce qu’il offrirait des services de nature à aider les personnes à être davantage les acteurs de leur parcours et à exercer ses droits ».
Enfin, la CFTC tente de plaider pour une rémunération en fonction de l’utilité sociale, soulignant que la rémunération d’un trader et celle d’une puéricultrice sont inversement proportionnelles à leur utilité sociale. Elle plaide également pour la mise en place d’un « revenu contributif » permettrait de rémunérer les emplois occupés mais aussi le travail qui consiste à développer les capacités et les savoirs de chaque personne et à les valoriser, ce qui ouvre encore de passionnants horizons de débats…
http://social.blog.lemonde.fr/2015/11/17/en-congres-a-vichy-la-cftc-veut-faire-la-revolution/
http://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne/allier/vichy/le-52e-congres-confederal-de-la-cftc-se-tient-vichy-du-17-au-20-novembre-857675.html