Mes amis les Veilleurs ont décidé de mettre en avant durant leur campagne présidentielle à eux une série de vingt-trois citations, émanant d’auteurs très divers, mais se réclamant tous d’une forte exigence de l’esprit et de l’âme. Je ne les reprendrai pas toutes aujourd’hui, car ce serait un peu gâcher une si belle matière qui n’a d’intérêt qu’à être méditée et remâchée pour en tirer le maximum de sens. J’ai choisi pour cette fois une sentence d’Hannah Arendt, cette magnifique philosophe de la politique : « Le but de l’éducation totalitaire n’a jamais été d’inculquer des convictions mais de détruire la faculté d’en former aucune. » Comme c’est vrai !
A priori, il semblerait que les États et les sociétés totalitaires veuillent d’abord inculquer une idéologie, par exemple ce qu’on appelait le diamat sous l’ère soviétique, c’est-à-dire les principes du matérialisme dialectique. Il fut un temps où l’on prenait Lénine, Staline, Mao pour de profonds philosophes. Mais la lecture de leurs œuvres complètes, au demeurant soporifiques, n’était réservée qu’à quelques intellectuels égarés ou à quelques bureaucrates de service. C’était le bourrage de crâne qui faisait loi pour les masses dans un processus d’abrutissement généralisé. Au bout du compte, c’était la nomenklatura elle-même qui n’y croyait plus. Hannah Arendt avait parfaitement compris de quoi il retournait : la mort de l’esprit et du cœur avec la destruction de toute conviction.
Mais, dira-t-on, cela c’était hier, cela appartient à un monde révolu. Est-ce vraiment sûr ? Je me pose la question dans le climat actuel, où il faut avoir le cœur bien accroché pour avoir des convictions. C’est souvent la nausée qui vous envahit à suivre certaines offensives médiatiques, où il s’agit de faire exploser tout sentiment de vénération et même de simple respect. Je pense particulièrement à l’acharnement qui vise en ce moment l’Église catholique du côté de diligents enquêteurs qui oublient simplement de révéler les plus grands scandales du temps en matière de pédophilie. Je ne crois pas du tout qu’ils œuvrent vraiment pour la vérité et la justice. Au bout du compte, eux aussi travaillent à la destruction définitive des convictions.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 21 mars 2017.