La colère, qui soulève en ce moment la Bretagne et qui inquiète à juste titre le gouvernement, concentre l’attention générale sur une région douée d’une singulière personnalité historique et culturelle.
Nous sommes nombreux à la considérer avec sympathie et admiration. Personnellement, mes souvenirs d’enfance me ramènent aux paysages côtiers, à la lande, aux chapelles au milieu des genêts, à tout un riche patrimoine qui va de l’Île-aux-Moines à Saint-Malo en passant par la pointe du Raz. Ce n’est pas se laisser aller à la nostalgie d’un passé enfoui que de se référer à certaines images, d’ailleurs nullement idylliques, car c’est dans ce contexte que s’est formé le caractère pudique et valeureux d’une population dure à la tâche. Je songe ici à l’admirable livre de Pierre Jakez Helias intitulé Le cheval d’orgueil.
Mais la Bretagne a montré qu’elle pouvait accéder à un développement économique apte à transformer profondément les modes de vie. Là aussi j’ai des points de repères. Visitant une ferme du Morbihan il y a bien longtemps, j’avais été surpris et presque choqué de constater que le sol de l’habitation, où résidait pourtant un jeune couple, était tout simplement en terre battue. Quelques années plus tard, cette même ferme était métamorphosée et ses habitants complètement insérés dans la civilisation moderne. Sur le paysage d’ailleurs, les évolutions n’avaient pas toujours été heureuses. J’étais consterné par la disparition de dizaines de kilomètres de haies qui provoquait l’enlaidissement des perspectives.
Mais au total, la Bretagne s’était désenclavée grâce à un effort considérable commencé sous le général de Gaulle pour transformer le réseau routier. L’agriculture était devenue compétitive alors que l’industrialisation avait renforcé le tissu urbain. On était vraiment passé à un autre âge de l’histoire. Mais voilà, la mondialisation est intervenue, remettant en cause tout l’acquis des dernières décennies. La révolte gronde, disais-je. Les Bretons savent se dresser contre le sort, lorsqu’il le faut. Mais la difficulté, aujourd’hui, est d’imaginer une prospective aussi prometteuse que celle des années 60-70. Le Breton, disait Jakez Helias, a prouvé sa force et sa nécessité « en durant ». Puisse cette force féconder l’avenir.