Je sais que cela peut paraître bizarre, mais, au cours de ces dernières années, j’ai toujours été plus heureux le jour de la Saint Sylvestre que le jour du Nouvel An. J’ai fini par en conclure que cette attitude bizarre s’expliquait par ma foi chrétienne. Sur le plan strictement humain, je ne crois guère que l’année qui vient sera plus heureuse que l’année dernière ou que toute autre. Mais du point de vue du surnaturel, je crois que l’histoire de l’humanité compte désormais une année de moins jusqu’à l’apogée du plan de Dieu concernant notre vrai bonheur qui, lui, est éternel.
Je pense donc qu’il est parfaitement fondé sur les plans tant psychologique que spirituel de se réjouir qu’une autre année se soit écoulée et que nous soyons plus proches d’un an de la fin des temps.
Le commencement de l’année est arbitraire ; il n’y a aucune raison déterminante pour que l’année ne débute pas en mars, juillet ou septembre. Janvier me convient parfaitement mais ce n’est qu’une convention. Par contre, il est très important qu’une année de plus se soit écoulée et que nous soyons effectivement plus proches aujourd’hui qu’il y a un an du jour où le Christ reviendra dans sa gloire. Voilà une vraie raison de se réjouir.
C’est aussi un fait que nous sommes maintenant plus proches d’une « année » du moment où les souffrances humaines prendront fin, au moins celles des innocents, et où la mort n’existera plus. Dans ce cas, je le répète, il s’agit seulement du Christ, de son Retour et de l’instauration du royaume de Dieu sur la terre, comme au ciel.
Le poète James Thomson 1 a exprimé cette émouvante vérité dans une hymne du temps de Noël :
Le ciel et la terre passeront,
Des chants de louange ce jour marqueront ;
Dieu créera de nouveaux cieux et terre,
Des chants de louange leur naissance salueront.
Et ces chants n’auront jamais de fin.
Que nous reste-t-il donc pour la célébration de ce Nouvel An arbitraire ? Eh bien, les chrétiens conçoivent le nouvel an comme une anticipation symbolique du jour éternel où toutes choses seront récréées. C’est certainement une grande cause de joie, et c’est une cause qui ne provient pas de la sentimentalité et des faux espoirs que nous exprimons souvent dans nos vœux pour ce qui est devenu davantage une fête profane qu’une fête chrétienne. Notre espoir est fermement enraciné dans la réalité mais ne se comprend que par la foi.
C’est ce don de la foi qui nous empêche de sombrer dans les mondanités qui entourent la célébration du Nouvel An dans le monde entier. Car, comme Saint Paul nous l’enseigne dans sa 1ere épître aux Corinthiens (2, 12): « Or nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu afin de connaître les dons que Dieu nous a faits ».
Et quels sont ces dons qui nous ont été accordés ? Eh bien, nous les célébrons depuis sept jours. Saint Léon le Grand nous aide à comprendre la source de notre bonheur limité, mais bien réel, dans ce monde : « Dans l’acte même de révérer la naissance de notre Sauveur, nous célébrons également notre propre nouvelle naissance. Car la naissance du Christ est l’origine du peuple chrétien et l’anniversaire de la tête est aussi l’anniversaire du corps ».
Nous avons donc quelque chose de vraiment nouveau à célébrer le Jour de l’An. Cette véritable et magnifique nouveauté se trouve en nous. Car en célébrant la naissance du Christ, pendant les huit jours de l’octave de Noël, nous célébrons aussi notre nouvelle naissance et l’origine du peuple chrétien qui est le corps mystique du Christ.
Dans cette perspective chrétienne, le premier jour de janvier peut vraiment revêtir une signification profonde : c’est l’apogée de notre joie de Noël, car il nous oriente vers la « nouveauté » absolument transcendantale exprimée par l’incarnation et la naissance du Christ. Un jour viendra qui sera vraiment le « premier» de la nouvelle création dans toute sa splendeur – un jour digne de notre attente. A la différence de notre fragile espérance de bonheur pour l’année qui débute, l’avènement de ce « premier jour » est certain.
Il y a un autre don encore plus exceptionnel que nous sommes invités à célébrer dans l’octave de Noël, tandis que le monde autour de nous célèbre l’aube d’une nouvelle année. L’Eglise le rappelle dans l’homélie prononcée par Saint Léon le Grand la veille de cette grande octave [31 décembre] : c’est le don de la paix pour lequel nous prions tout spécialement chaque 1er janvier.
« Mais que pouvons-nous trouver de plus approprié à la gloire de cette fête dans le trésor de la bonté du Seigneur que cette paix qui a d’abord été annoncée par le chœur des anges le jour de sa naissance ? Car cette paix dont naissent les enfants de Dieu affermit l’amour et engendre l’unité ; elle revigore les bienheureux et garantit l’éternité ; sa fonction caractéristique et sa bénédiction spéciale sont d’unir à Dieu ceux qu’elle sépare de ce monde. »
Voici le don sur lequel nous concentrons notre foi et nos prières le 1er janvier de chaque année, dans l’octave de Noël : la paix de Dieu sous l’effet de laquelle nous, les chrétiens, « bondissons » de joie, qui engendre notre unité et revigore les bienheureux pendant toute l’éternité ! Mais notez que saint Léon réserve la possession de cette paix et l’anticipation de la félicité éternelle à ceux que cette paix « sépare du monde ». Voici la clé de tout véritable bonheur et véritable paix : être spirituellement séparé du monde et de ses illusions.
Nous devons donc ne jamais laisser les festivités du monde privées de toute dimension spirituelle nous prendre au piège. Saint Paul nous avertit : « Prenez garde que personne ne vous réduise en esclavage par le vain leurre de la philosophie, selon une tradition tout humaine, selon les éléments du monde, et non selon le Christ ». (Colossiens 2, 8). Il y avait alors de vaines traditions humaines, et il y en a de nouvelles aujourd’hui. Ces philosophies séculières ne reposent plus sur les éléments cosmiques, mais sur les pouvoirs encore plus superficiels de notre monde, les pouvoirs de la science, de l’économie et de la technologie – qui se substituent à Dieu.
Ce n’est que si nous plaçons le Christ au centre de notre existence que nous pourrons espérer connaître la joie et le bonheur que rien ni personne ne pourront nous ôter. La foi est donc le don de Noël qui nous permet de nous souhaiter les uns aux autres une bonne nouvelle année, avec tout ce que cela implique dans l’esprit et le cœur d’un chrétien.
Dimanche 3 janvier 2016
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Source : http://www.thecatholicthing.org/2016/01/03/the-good-news-and-the-new-year/
Illustration : Notre Seigneur Jésus Christ par James J.Tissot (c.1890, Brooklyn Museum)
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Le père Mark A. Pilon, un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie), a obtenu un doctorat en théologie sacrée de l’Université Santa Croce de Rome. C’est un ancien chef de la chaire de théologie systématique du séminaire Mount Saint Mary, un ancien chroniqueur du magazine Triumph et un professeur retraité de la Notre Dame Graduate School du Christendom College.
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