Dans l’histoire du monde, il n’existe qu’une seule tombe devant laquelle on ait jamais roulé un rocher et placé un soldat pour la garder, pour empêcher le mort de se relever : Il s’agit de la tombe du Christ, le soir du vendredi que l’on appelle saint. Quel spectacle pourrait être plus ridicule que des soldats armés surveillant un cadavre ? Mais on a placé des sentinelles de crainte que le mort ne marche, que le silencieux ne parle, que le cœur transpercé ne se remette à battre les palpitations de la vie.
Le Roi gît en l’état, ses gardes autour de Lui. Le plus incroyable, à propos de ce spectacle de surveillance d’un mort était que les ennemis du Christ s’attendaient à sa résurrection, alors de ses amis ne s’y attendaient pas. Ce sont les croyants qui étaient sceptiques ; c’étaient les incroyants qui étaient crédules. Ceux qui le suivaient réclamaient et avaient besoin de preuves avant d’être convaincus.
Dans la lumière incertaine de l’aube du dimanche matin, on a vu plusieurs femmes s’approcher de la tombe. Le fait même qu’elles apportent des aromates prouve qu’elles ne s’attendaient pas à la résurrection. Cela paraît étrange, après que Notre Seigneur ait fait de nombreuses allusions à sa mort et à sa résurrection. Mais il est évident que les disciples, de même que les femmes, chaque fois qu’il annonçait sa passion, semblent s’être davantage souvenus de sa mort que de sa résurrection. La résurrection ne leur est jamais venue à l’esprit comme étant possible ; c’était en dehors de leurs pensées. Quand on a roulé la pierre devant le sépulcre, on a enterré non seulement le Christ, mais aussi tous leurs espoirs.
« Qui nous roulera la pierre hors de la porte du tombeau ? » (marc XVI 3) C’était le cri de cœurs de peu de foi. Des hommes forts avaient fermé l’entrée de la tombe en y plaçant une énorme pierre ; leur souci était de déplacer la barrière pour pouvoir accomplir leur œuvre de pitié. Mais en approchant, elles ont trouvé la pierre repoussée. Avant leur arrivée, il y avait eu un grand tremblement de terre, et un ange du Seigneur, descendu du ciel, avait roulé la pierre et était assis dessus :
« Ne craignez rien, C’est Jésus le Nazaréen que vous cherchez, le crucifié : Il est ressuscité, il n’est pas ici. Voici le lieu où on l’avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée ; C’est là que vous le verrez comme il vous l’a dit. » (Marc XVI 6 – 8)
Ceux qui voyaient le tombeau vide étaient chargés d’aller trouver Pierre qui, un jour, avait incité Notre Seigneur à éviter la Crois, et qui l’avait renié 3 fois. Péché et reniement ne pouvaient pas étouffer l’amour divin.
« Jusque-là, ils n’avaient pas compris les Ecritures qui montraient qu’Il se relèverait d’entre les morts. » (Jean XX 9)
Seule la très pure, celle qui est sans péché pouvait accueillir le très saint Fils de Dieu dans ce monde ; c’est pourquoi Marie l’immaculée l’a rencontré à la porte de terre dans la cité de Bethléem. Mais seule une pécheresse repentante, qui s’était elle-même relevée de la tombe du péché pour une vie nouvelle en Dieu, pouvait comprendre avec exactitude le triomphe sur le péché. C’est tout à l’honneur de la féminité que l’on puisse dire éternellement : C’est une femme qui était le plus près de la Croix le Vendredi Saint, et la première près du tombeau le matin de Pâques.
Il n’a d’ailleurs pas dit à Marie d’informer les apôtres qu’il était ressuscité, mais plutôt qu’il monterait au ciel. La résurrection était sous entendue dans l’Ascension qui devait avoir lieu quarante jours plus tard. Il ne voulait pas seulement mettre l’accent sur le fait que Lui qui était mort, était redevenu vivant, mais que c’était le début d’un Royaume spirituel qui deviendrait visible et unifié quand il enverrait Son Esprit.
Ce même dimanche de Pâques, Notre Seigneur béni a fait une autre apparition à deux de ses disciples qui étaient sur le chemin d’un village nommé Emmaüs, lequel n’était pas loin de Jérusalem. Il n’y avait pas si longtemps, leurs espoirs étaient tout flambants, mais les ténèbres du vendredi saint et la mise au tombeau leur avaient fait perdre toute leur joie. Aucun sujet n’occupait plus la pensée des hommes ce jour-là, si ce n’est la personne du Christ. Tandis qu’ils discutaient, le cœur triste et anxieux, des affreux évènements des deux derniers jours, un Etranger s’approcha d’eux.
Cependant leurs yeux étaient empêchés de reconnaître que c’était le Sauveur ressuscité ; ils ont cru qu’il s’agissait d’un voyageur ordinaire. Au déroulement de l’histoire, il apparaît clairement que ce qui les aveuglait, c’était leur manque de foi ; s’ils s’étaient attendus à le voir, ils l’auraient peut-être reconnu. Parce qu’ils s’intéressaient à Lui, Il leur a accordé sa Présence ; comme ils doutaient de sa résurrection, il leur a caché la joie de la reconnaître. Maintenant que Son Corps était glorifié, ce que les hommes voyaient de Lui dépendait de Sa volonté de Se révéler à eux, et aussi de leur disposition de cœur. Bien qu’ils n’aient pas reconnu Notre Seigneur, ils étaient prêts à entrer en conversation avec cet étranger à son sujet.
Ces hommes avaient espéré de grandes choses, mais Dieu, disaient-ils les avait déçus. L’homme établit un plan, et espère que Dieu, d’une façon ou d’une autre, l’approuvera sans discussion ; la déception est souvent due à la trivialité des espoirs humains. Il fallait maintenant déchirer le projet initial – non parce qu’il était trop grand, mais parce qu’aux yeux de Dieu, il était trop petit. La main qui a cassé la coupe de leurs désirs mesquins leur a offert un calice plus riche. Ils pensaient avoir trouvé le Rédempteur avant sa crucifixion, alors qu’ils ont découvert un Rédempteur crucifié.
Ils avaient espéré un Sauveur pour Israël, mais ne s’attendaient pas à ce qu’Il soit aussi le Sauveur des Gentils. Ils avaient dû l’entendre dire à de nombreuses reprises qu’il serait crucifié et qu’il se relèverait d’entre les morts, mais ils ne pouvaient pas faire correspondre leur idée d’un Maître et celle d’une catastrophe. Ils pouvaient croire en Lui comme Maître, comme Messie politique, comme réformateur éthique, comme sauveur du pays, qui les délivrerait des romains, mais ils ne pouvaient pas croire à la folie de la croix ; et ils n’avaient pas la foi du bon larron pendu à la croix. Du coup, ils refusaient de considérer le témoignage des femmes. Ils n’étaient même pas sûrs que les femmes aient vu les anges. Ce n’était peut-être qu’une apparition. De plus, c’était déjà le troisième jour qui était passé et on ne L’avait pas vu. Et pendant tout ce temps, ils marchaient et parlaient avec Lui.
Il semble qu’après sa Résurrection, Notre Sauveur avait une double raison d’apparaître, l’une était de montrer que Lui qui était mort, était revenu à la vie, l’autre, que bien qu’il ait toujours le même corps, c’était maintenant un corps glorieux qui n’était pas soumis aux restrictions physiques. Plus tard, il mangerait avec ses disciples pour prouver la première ; à présent, comme avec Marie Magdeleine à qui il interdisait de le toucher, il a mis l’accent sur son état de ressuscité.
Ces disciples, comme tous les apôtres, n’avaient aucune prédisposition à accepter la résurrection. Il fallait que l’évidence en fasse son chemin contre le doute et le refus le plus obstiné de la nature humaine. Ils étaient parmi les derniers au monde à accorder crédit à un tel conte ! On pourrait presque dire qu’ils étaient résolus à être misérables, et refusaient de se renseigner sur la possibilité que cette histoire soit vraie. Ils résistaient à la fois au témoignage des femmes et au fait que ceux qui avaient été vérifier cette histoire, la confirmaient, et leur dernier mot était : que Lui, ils ne l’avaient pas vu.
« Alors le Sauveur ressuscité leur dit : ô cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » (Luc XXIV 25 26)
Ils sont accusés d’être sans intelligence et lents à croire, car s’ils avaient pris le temps de s’asseoir et d’examiner ce que les prophètes avaient dit à propos du Messie – qu’il serait conduit à l’abattoir comme un agneau – ils auraient été confirmés dans leur foi. La crédulité envers les hommes et l’incrédulité envers Dieu est la marque des cœurs sans intelligence ; être prêt à croire des idées, et lent à croire des faits est le signe d’un cœur mou.
Et voilà les mots clé du voyage : Précédemment, Notre bon Sauveur avait dit qu’Il était le Bon Pasteur, qu’Il était venu pour donner Sa vie en rançon pour la multitude. ; maintenant dans Sa gloire, Il proclamait une loi morale selon laquelle en vertu de Ses souffrances, les hommes seraient élevés de l’état de pécheurs à l’état d’amis de Dieu. La croix était la condition de la gloire. Le Sauveur ressuscité a parlé d’une nécessité morale basée sur cette vérité : tout ce qui Lui était arrivé avait été annoncé. Ce qui leur paraissait une offense, un scandale, une défaite, un abandon à l’inévitable, était en fait un moment sombre prévu, planifié, et annoncé à l’avance. Même si la Croix leur paraissait incompatible avec Sa gloire, pour Lui, elle faisait partie du chemin qui y menait. Et s’ils avaient su ce que les Ecritures avaient dit du Messie, ils auraient cru à la Croix.
« Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. » (Luc XXIV 27.)
Il leur montra tous les modèles, tous les rites et tous les cérémoniels qui s’accomplissaient en Lui. Citant Isaïe, Il leur montra l’annonce de Sa mort et Sa crucifixion, et de Ses dernières paroles sur la croix ; d’après Daniel, comment il deviendrait la montagne qui emplit l’univers ; d’après la Genèse, comment la descendance d’une femme écraserait le serpent du mal dans le cœur humain ; d’après Moïse, comment il serait le serpent d’airain élevé de terre pour guérir les hommes du mal, et comment son côté serait le rocher d’amour d’où couleraient les eaux de la régénération ; d’après Isaïe, comment il naîtrait à Bethléem ; et d’après de nombreux autres écrits, il leur donna les clés du mystère de la vie de Dieu parmi les hommes et le but de Sa venue.
Archevêque Fulton J. Sheen
Traduction de « The earth’s most serious wound »
Icône de Théodore Papadoupoulos.
Mgr Fulton J. Sheen était l’enseignant catholique le plus aimé du XXe siècle, à travers ses nombreux livres et ses prédication à la radio et à la télévision. Il est considéré comme un vénérable serviteur de Dieu.
Pour aller plus loin :
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Jean-Paul Hyvernat
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu