Au moment du terrible attentat contre l’équipe de Charlie Hebdo, une opinion unanime s’est dressée en faveur de la liberté absolue d’expression. Nous étions tous Charlie ! Pour ma part, j’étais meurtri et bouleversé, mais la simple honnêteté m’obligeait à me distinguer de l’opinion commune. Il ne m’était pas possible de m’identifier à Charlie, même si j’avais de l’estime, voire de l’amitié, à l’égard de certains de ses collaborateurs. Il m’était impossible d’encaisser certaines provocations et j’étais rebelle à toute une rhétorique. Après tout, c’était ma liberté ! Comment me la refuser, alors qu’on en faisait le principe absolu. J’avais le droit strict d’affirmer que je trouvais certaines caricatures dégueulasses.
Pour autant, il ne me serait pas venu à l’idée de réclamer la censure ou l’interdiction au nom de mes convictions, même en cas de blasphème. Blasphème, une notion qu’il faudrait soigneusement décrypter. Le chrétien qui chaque jour prononce dans le Notre Père « Que votre nom soit sanctifié » ressent profondément la blessure de l’invective ou de l’insulte contre Dieu. Et pourtant, lorsque l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, intitule sa plaidoirie : « Le droit d’emmerder Dieu », je perçois que derrière le blasphème, il y a autre chose, une sorte d’interrogation violente, qui pourrait consister en un appel de Dieu à Dieu. Tout d’abord, parce qu’on ne saurait faire supporter à Dieu le poids du fanatisme et surtout du crime à prétexte religieux. Ensuite, parce qu’au cœur de chaque croyant il y a un face-à-face qui n’est pas toujours paisible.
Et enfin, parce que le Dieu, qui se révèle dans l’Évangile, est celui qui accepte d’être souffleté, frappé, montrant ainsi combien son secret profond défie tous les blasphèmes.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 septembre 2021.
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