Ce n’est pas encore un signe annonciateur de l’Apocalypse, mais Hollywood semble redécouvrir la Bible comme source d’inspiration pour ciné-épopées.
L’épopée biblique fut un temps un sujet de film. « Le Roi des Rois » film muet de Cecil B. DeMille (1927) — repris par Nicholas Ray en 1961 — « Les Dix Commandements » de Cecil B. DeMille 1956), « Ben-Hur » de William Wyler (1959); « La Plus Grande Histoire Jamais Contée » de George Stevens (1965) et le télé-film de Franco Zeffirelli « Jésus de Nazareth », (1977). Puis vint « La Passion du Christ » de Mel Gibson, une surprise en 2004.
Mais dix ans après « La Passion… » survient une réédition par Christopher Spencer de la petite série « La Bible » produite par Roma Downey et Mark Burnett, en salles maintenant sous le titre « Le Fils de Dieu » (une resucée biblique limitée au Nouveau Testament). En fin de ce mois sortira [aux USA] « Noé », de Darren Aronofsky, puis, en décembre, « Exodus » de Ridley Scott — mais pour ces deux films il faudra s’attendre à moins de Bible et davantage de diagnostic d’analyse statistique des troubles mentaux, ce qui convient aux superstars spéciaux Russel Crowe (Gladiator) dans le rôle de Noé, et Christian Bale (Batman) en Moïse.
Comme le choix de Crowe et Bale le montre, il n’est pas besoin pour un acteur d’être religieux pour tenir un rôle religieux. Il n’est pas donné à tous les acteurs tels que Jim Caviezel ou Eduardo Verástegui d’être solidement accrochés à leur foi catholique.
Et si des producteurs, tel M. Burnett, de séries télé comme « Survivor », et son épouse et collaboratrice Mme Downey, célèbre pour sa série « Touched by an Angel » (Touché par un ange) ne devaient employer que des saints (ou être eux-mêmes des saints) pour réaliser leurs téléfilms, ils ne feraient rien.
Les bons chrétiens ont aimé « La Passion du Christ » malgré les choix personnels de Mel Gibson; il ne devrait pas y avoir de raison de ne pas aimer « Le Fils de Dieu », sauf le film lui-même.
La série « The Bible » fut diffusée l’an dernier sur « The History Channel », et la revue « Variety », réputée référence du monde du cinéma, l’a affublée de l’épithète « énormément populaire ». En toute logique, si vous avez aimé la série télé vous êtes susceptible d’apprécier la nouvelle version sur grand écran. « Variety » décortique « Le Fils de Dieu » comme « un montage bâclé pour en tirer une version grand écran de cinq épisodes de « La Bible » afin d’en faire une machine à fric.»
Et, à propos d’argent, si vous pensiez emmener vos gamins voir « Le Fils de Dieu », réfléchissez un peu: aller au cinéma vous coûtera au bas mot 60 dollars [45 €], deux adultes, deux enfants, plus le pop-corn et le jus de fruit, alors que la série intégrale de « The Bible » est disponible en DVD pour moitié moins cher.
Pas besoin d’avertissements — on connaît tous l’histoire — mais je dois rabattre l’enthousiasme de quiconque déclarerait, sans analyser le film, qu’il faut le voir; je soupçonne que ce serait la conséquence de la pénurie actuelle de films bibliques récents, que je citais ci-dessus. Les chrétiens amateurs de cinéma, peuple assoiffé, réclament de l’eau dans le désert, et, en l’occurrence, attraperont une dysenterie.
« Le Fils de Dieu » est la pire histoire jamais racontée.
Le film est d’évidence fondé sur l’Évangile de Saint Jean, premier personnage que nous voyons accroupi dans sa grotte, commençant à narrer l’histoire de Jésus.
Pas la moindre petite trace d’une pâle étincelle du récit intensément théologique de Jean. « Le Fils de Dieu » doit davantage à « La Plus Grande Histoire Jamais Contée » de Stevens, mais n’en a pas l’ampleur ni le pouvoir de narration. « Le Fils de Dieu » est bien trop condensé pour avoir un côté épique.. Le film est bâti de séquences serrées — technique permettant de tirer le plus possible du budget de « The Bible ».
Première apparition de Jésus : il revient de son jeûne dans le désert et se dirige droit vers la mer de Galilée, où Simon-bar-Jonah, bredouille, plie ses filets et finit sa journée. Jésus l’appelle : « Pierre !» Simon lève la tête. Il semble reconnaître ce nom, alors que Jésus ne l’a effectivement appelé « Pierre » que plusieurs années après leur première rencontre. Chaque réalisateur use de raccourcis pour mettre rapidement les spectateurs dans le bain, mais il y a dans « Le Fils de Dieu » bon nombre de sauts incongrus et perturbants.
C’est un peu comme si le film s’adressait aux gens qui somnolent à la messe, ou qui apprendraient l’évangile en allant au cinéma. Mieux vaudrait qu’ils aillent s’endormir au cinéma en regardant « Le Fils de Dieu » et qu’ils soient bien éveillés à l’église. Diogo Morgado, l’acteur aux lourdes paupières qui tient le rôle de Jésus, semble presque tout le temps sur le point de piquer un petit somme.
À part Pierre et Jean, on voit Matthieu, on voit et entend Thomas (Matthew Gravelle, unique intervention intéressante dans le film) et, bien sûr, Judas, mais les sept autres apôtres n’apparaissent guère — sauf avec Marie Madeleine (Amber Rose Revah) presque toujours présente dans les séquences concernant les Douze. Dans une séquence où le groupe des frères part pour Jérusalem — une des rares séquences du film assez longues pour permettre de compter les participants — elle est là. Jésus et les Douze, si j’ai bien compté. Douzième? c’est Marie Madeleine!
Est-ce un indice de la sensibilité des nouveaux temps détectée par de nombreux critiques de la série télé « The Bible » ? Rappelons que M. Burnett, divorcé une fois et Mme Downey, divorcée deux fois, ont été mariés en 2007 (à la une des tabloïds: « le Créateur survivant épouse l’Ange déchu») par l’actrice Della Reese, co-star de Mme Downey dans le film « Touched ».
Mme Downey-Orser-Anspaugh-Burnett tient aussi le rôle de la Bienheureuse Vierge Marie.
MM. Aronofsky et Scott feront appel aux meilleurs techniciens de l’imagerie numérique pour le déluge, le passage de la mer rouge, et autres effets, mais, naturellement, le budget de « Noé » est de cent-trente millions de dollars et celui du film « Exodus » selon les termes de M. Scott, « sacrément gigantesque ». Les effets d’imagerie numérique dans « Le Fils de Dieu » ont un peu l’air d’œuvre d’un collégien doué avec pour moyens le reste de son argent de poche de la semaine dernière.
Boucler une série télé et un film avec tout juste vingt-deux millions de dollars est une preuve d’efficience, mais pas très efficace.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-bible-redux.html
Photo : Fils de Dieu et Imagerie Numérique