La beauté au service de la Foi

Les lecteurs de France Catholique connaissent bien Marie-Gabrielle Leblanc : historienne d’art, spécialiste de la peinture flamande du XV^e siècle et de l’art baroque européen, passionnée par l’art copte et l’art orthodoxe byzantin, Marie-Gabrielle tient  dans notre hebdomadaire la chronique de l’art chrétien, commentant chaque semaine avec esprit un tableau, parfois une sculpture, un vitrail glorifiant par sa beauté l’œuvre de notre Seigneur – et le travail de ses « artisans ». C’est le même souci de précision et d’attention au mot juste que l’on retrouve dans l’ouvrage qu’elle vient de publier aux éditions Pierre Téqui – le cinquième. Les précédents étaient consacrés au Christ dans l’art. Celui-ci traite de la Vierge Marie, depuis sa naissance jusqu’à la vie de la Sainte Famille, avant que ne débute le ministère du Christ. Un autre suivra, jusqu’à l’Assomption de la Vierge – le tout constituant une superbe encyclopédie visuelle. Grands maîtres et disciples L’intérêt de cet ouvrage est que l’on y redécouvre, sous l’œil caressant de Marie-Gabrielle, les plus grands maîtres : van Eyck, van der Weyden, Piero della Francesca, Ghirlandaio, Simon Vouet, Philippe de Champaigne… dont le génie et les siècles ont assis la réputation. Mais l’historienne donne à voir aussi des artistes contemporains qui, en disciples attentifs, ont retenu les leçons de leurs aînés. On admire ainsi l’Annonciation de Bruno Desrocheet la Nativité de la Suissesse Bradi Barth (1922-2007), peinte pour un couvent de Flandre-occidentale. Ou encore Le Repos en Égypte de Tatiana Claux, artiste russe orthodoxe, et la Présentation au Temple du Frère François Mes (1892-1983), de l’abbaye bénédictine de Wisques. Inspirée par l’Histoire Sainte Mais comment choisir, parmi tant de chefs-d’œuvre inspirés par l’Histoire sainte – et certains par l’Esprit Saint –, ceux que l’on proposera aux lecteurs ? « J’ai eu la chance d’hériter des photos de John Pole, avec qui j’ai travaillé pendant trente ans, explique Marie-Gabrielle : une mine presque inépuisable – des dizaines de milliers de clichés ! – où j’ai puisé la matière de ce livre et des précédents. » C’est là ce qui fait aussi le prix de l’ouvrage : ces photos ne proviennent pas de banques d’images. Elles ont une histoire. À chacune s’attachent un voyage, un lieu, presque une aventure. Certaines des œuvres photographiées sont exposées dans des musées, mais beaucoup sont issues de collections privées ou visibles seulement dans des monastères, plusieurs à l’étranger, qu’on n’atteint parfois qu’après des heures de marche, en Roumanie par exemple. Marie-Gabrielle Leblanc a vu toutes les œuvres qu’elle nous donne à voir. C’est sans doute pourquoi elle en parle si bien. Mais ce regard s’aiguise en s’éduquant. Marie-Gabrielle a la chance d’avoir été séduite par l’art – on pourrait dire ravie – « dès l’âge de 6 ou 7 ans : c’est une vocation personnelle », résume-t-elle, en incitant les parents à « éveiller leurs enfants à la beauté, d’autant plus qu’il n’y a pas en France d’enseignement de l’histoire de l’art à l’école, comme en Italie », souligne-t-elle, en regrettant aussi qu’on se contente dans la catéchèse aux enfants de médiocres dessins. Et que ni les catéchistes, ni les séminaristes d’ailleurs, ne soient formés à la transmission du beau, si nécessaire à la transmission du vrai. « Des âmes de feu » L’Église, justement, n’est-elle pas trop absente du domaine artistique ? « Il demeure des âmes de feu », s’enthousiasme Marie-Gabrielle, en citant Augustin Frison-Roche, François-Xavier de Boissoudy ou François Peltier, auteur de la magnifique Apocalypse du Cloître de la collégiale de Saint-Émilion. « Mais trop peu de mécènes… alors que l’argent existe ! Encore faut-il aller le chercher » dit-elle, en exhortant les clercs à faire cet effort. Pour renouer avec une tradition qui suscita tant de chefs-d’œuvre et fit goûter aux hommes, dès cette terre, un peu de la beauté du Ciel.
—  La vie de la Vierge Marie dans l’art, Marie-Gabrielle Leblanc, éd. Téqui, novembre 2023, 240 pages, 29 €.

 

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