L’affaire de la bague de Jeanne d’Arc fait des vagues. Si elle a rassemblé une foule de Vendéens au Puy-du-Fou, ravis d’honorer l’héroïne d’Orléans et la martyre de Rouen, elle a mis proprement en fureur un professeur de l’École des hautes études en sciences sociales qui dénonce « une histoire identitaire, un roman national héroïque et catholique ». Diable ! Mais d’abord, à l’usage de ceux qui n’auraient pas eu connaissance de ce qui est à l’origine de cette querelle, rappelons que Philippe de Villiers, lui-même auteur d’un livre à la gloire de Jeanne d’Arc, s’est employé, avec son fils Nicolas responsable du Puy-du-Fou, à racheter une bague attribuée à Jeanne et dont il est question dans son procès. Certains en contestent l’authenticité. Philippe de Villiers, de son côté, a fait expertiser l’objet et avance des arguments sérieux. C’est vrai qu’ils ne semblent pas convaincre ce grand spécialiste de Jeanne qu’est Philippe Contamine, même s’il n’a pas d’avis définitif. Pourtant, le gouvernement anglais s’est ému de la vente de la bague, qu’il voudrait récupérer comme faisant partie du patrimoine du Royaume-Uni !
Reste Jeanne d’Arc elle-même. Est-il insupportable, sinon criminel, d’être attaché à cette étonnante héroïne du XVe siècle ? Du seul point de vue de l’histoire, on peut s’étonner de cette agressivité. Philippe Contamine, déjà nommé, nous a fourni en 2012 une superbe somme, résumant toutes les recherches les plus pointues sur ce personnage qui n’a suscité sa légende qu’en vertu de son génie singulier (Jeanne d’arc, histoire et dictionnaire, Robert Laffont). Il suffit de lire les minutes du procès de Rouen, récemment rééditées aux Belles Lettres par Jacques Trémolet de Villers, pour s’en convaincre. Le procès, ce n’est pas du Walt Disney. C’est la vérité, noir sur blanc, qui nous remet au cœur d’une période tourmentée, qui se débat au sein de ses propres contradictions. Il ne faut pas oublier que sainte Jeanne d’Arc a été condamnée à la mort du bûcher par un tribunal ecclésiastique, jouissant de l’autorité de l’université de Paris. Une université qui avait la prétention de régir la chrétienté entière alors que celle-ci ne savait à quel pape se vouer, puisqu’il y en avait trois à se réclamer de la succession de saint Pierre. Non, Jeanne d’Arc ce n’est pas du folklore ! C’est un moment de notre histoire nationale, qui peut certes susciter de la ferveur, mais qui se charge de montrer aussi les conflits du spirituel et du temporel et ce que signifient la liberté de conscience et l’autonomie du politique.