L'utilité du regret - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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L’utilité du regret

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Rendre visite au dentiste est rarement un exercice d’invention métaphysique. Cependant, mon dentiste a peint le plafond de son cabinet avec divers aphorismes, sans aucun doute pour détourner notre attention, à nous pauvres patients allongés là, des rigueurs des tortures buccales.

Parmi les différents slogans que j’ai lu tout en tentant stoïquement de supporter le bruit grinçant, le forage et le détartrage liés à ma visite, il y avait celui-ci : « Vivez sans regret. »

Je crois cependant que chercher à vivre sa vie sans regret est à la fois impossible et non souhaitable.

Bien que Saint Paul nous enseigne que nous sommes sages « en oubliant ce qui se trouve en arrière et en tendant vers ce qu’il y a devant » (Philippiens 3:13) et que « un pieux chagrin produit une repentance salutaire et sans regret » (2 Corinthiens 7:10), on doit comprendre ces péricopes à la lumière de l’enseignement catholique traditionnel. Lorsque commence la messe, par exemple, nous sommes incités, durant la prière pénitentielle, à « reconnaître nos péchés et nous préparer ainsi à célébrer les mystères sacrés. »

Cela ne veut pas dire que je dois m’appesantir sur mes péchés (que Dieu peut pardonner par le ministère de Ses prêtres dans le sacrement de Réconciliation) mais plutôt que je comprends que « j’ai gravement péché, en pensée, en parole, par action et par omission, par ma faute, par ma très grande faute. »

Mon péché est véritable et personnel. J’ai manqué en pensée (voir le Catéchisme de l’Eglise Catholique 1327), en parole ou en acte à suivre la volonté de Dieu (voir Romains 12:2). Comme le saint sacrifice de la messe commence, je reconnais avec douleur que je suis un pécheur nécessitant la grâce et la miséricorde de Dieu. En d’autres mots, je regrette toutes les fois où je me suis éloigné du chemin de Dieu.

Regretter signifie « se sentir triste, repentant ou déçu » à propos de quelque chose.. L’Eglise enseigne que la tristesse – et la crainte du Seigneur – peut être filiale ou servile. Cette dernière (voir le Catéchisme de l’Eglise Catholique) produit une contrition basée sur l’inquiétude d’aller en Enfer (une crainte qui est toujours spirituellement sensible). La première contrition, bien préférable, procède d’un profond regret d’avoir ignoré ou trahi Notre Seigneur en pensée, en paroles ou en actes. D’où les mots du classique Acte de Contrition : « je déteste tous mes péchés parce que je crains la perte du Ciel et les peines de l’Enfer mais, plus que tout, parce que je t’ai offensé, Toi mon Dieu qui es toute bonté et mérite tout mon amour. »

Victor Hugo a un jour écrit que : « le chagrin est un fruit. Dieu ne lui permet pas de croître sur une branche trop faible pour le porter. » Nous ne pouvons pas avoir une vraie contrition de nos péchés tant que nous n’avons pas la force de nous repentir (voir Marc 1:4), de confesser nos péchés, d’avoir la ferme résolution de nous amender et d’essayer du mieux que nous pouvons (en actes et en prières) de donner satisfaction ou de réparer le dommage que nous avons causé.

Regret, remords et repentance sont synonymes pour « une réorientation radicale de notre vie entière, un retour, une conversion à Dieu avec tout notre cœur, une fin du péché, un détournement du mal, avec une répugnance pour les actions mauvaises que nous avons commises. » Un tel regret, dit le Catéchisme, est accompagné par une tristesse salutaire que les Pères ont appelée animi cruciati (affliction de l’esprit) et compunctio cordis (repentance du cœur)(#1431)

La crainte, la peine, le chagrin que je devrais ressentir d’avoir blessé le Christ sont dissous dans l’océan de Sa divine miséricorde. Le regret m’appelle à me souvenir de la forme de mon péché et de prendre la résolution, avec la grâce de Dieu, de ne pas le réitérer. (voir Isaïe 41:10 et Jacques 1:2-4). Et faire confiance à l’amour de Dieu me conduit à la conviction que Dieu pardonnera tous les péchés si nous nous tournons vers Lui et si nous nous détournons du mal (1 Jean 1:9)

« Vivre sa vie sans regret » est impossible car nous sommes imparfaits. Il y a des pensées, des paroles, des actes dont nous devons tous nous repentir. « Des regrets, j’en ai eu quelques-uns, mais trop peu pour que cela vaille la peine d’en parler » chantait Franck Sinatra dans le chant incroyablement prétentieux « My Way ». Dans le merveilleux vieux roman d’Edwin O’Connor « The Last Hurrah », le héros de l’histoire, le maire Frank Skeffington, gît mourant alors que ses amis se rassemblent autour de lui, et un vieux rival politique annonce que si Skeffington devait tout refaire à nouveau, il s’y prendrait très différemment. Nous avons envie d’applaudir quand Skeffington rassemble ses dernières forces pour dire : « du diable si je le ferais ! »

Quelle que soit notre admiration pour le panache de Franck Skeffington, nous devrions, si une deuxième voire troisième ou quatrième chance nous était accordée de corriger nos erreurs, le faire sans hésiter, ancrés dans la connaissance que la vertu procède souvent d’actions découlant de regrets. Les regrets – accompagnés de restitution et de remédiation – ne sont pas indésirables, mais ils sont au contraire la source d’une vie examinée de près, qui, en retour, nous conduit à connaître, aimer et servir Dieu.

En 1984, le pape Jean-Paul a écrit (dans « Réconciliation et pénitence ») : « la restauration d’un sens juste du péché est la première voie pour faire face à la grave crise spirituelle qui s’annonce pour l’homme aujourd’hui. Mais le sens du péché ne peut être restauré qu’à travers un rappel clair des principes inchangeables de la raison et de la foi que l’enseignement moral de l’Eglise a toujours soutenu. »

Avoir « un sens juste du péché » conduit au regret qui transforme les pécheurs en saints. Alors que nous approchons du moment où nous ferons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, nous devrions aussi garder à l’esprit qu’à travers Lui le regret peut être transfiguré en joie.


Le diacre James H. Toner est professeur émérite d’éthique et de formation des dirigeants à U.S Air War College.


Illustration : « Le remords de Judas » par Almeida Junior, 1880 [musée national des Beaux-Arts à Rio de Janeiro]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/25/the-uses-of-regret/