L'Université Marquette et l'affaire MacAdams - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

L’Université Marquette et l’affaire MacAdams

Copier le lien

Avec le plaidoyer en cours pour le mariage gay et l’attention obligatoire aux différentes sensibilités, les pressions sur la faculté et les universités pour éviter de faire ou de dire quoi que ce soit de « politiquement incorrect » se sont significativement accrues.

On en a eu un récent exemple, qui a fait les titres des journaux, quand une étudiante de troisième cycle en philosophie, Cheryl Abbate, chargée d’un cours d’éthique à Marquette University, a discuté le principe de « liberté égale » où John Rawls affirme la liberté individuelle sous réserve que les droits d’autrui ne soient pas contestés.

Quand Abbate demanda dans sa classe des exemples où ce principe pouvait être appliqué, un étudiant proposa comme exemple de non-application du principe l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe. Après la classe un étudiant enregistra sur son smartphone une conversation avec Abbate (chose légale dans le Wisconsin et dans trente-sept autres Etats). Il se plaignit à elle de ce que la discussion sur le mariage homosexuel avait été trop brutalement interrompue dans la classe, et présenta quelques arguments qu’il pensait raisonnables contre le mariage homosexuel.

Abbate répondit que la discussion de certains sujets serait « inopportune », dont les opinions « sexistes » ou « racistes ». Elle rappela à l’étudiant que s’il ne voulait pas éviter de soulever des sujets inopportuns, il pouvait quitter le cours. Ce qu’il fit, et il exprima au professeur titulaire de Science politique, John McAdams, son mécontentement d’avoir été aussi évidemment bâillonné. Celui-ci prit dans son blog conservateur et indépendant le parti de l’étudiant et critiqua la monitrice de philosophie pour avoir restreint sans nécessité la liberté de paroles de ses étudiants.

Des centaines de messages de soutien ou de blâme s’ensuivirent à l’adresse de McAdams et d’Abbate, venant non seulement de Marquette mais aussi d’autres parties du pays. Certains contenaient des insultes ou des invectives. Entre autres conséquences : McAdams a été suspendu avec traitement, ses cours pour le semestre de printemps ont été annulés, et il a été interdit par l’administration de mettre le pied au campus.

Il a cependant reçu un soutien légal de l’Institut pour le droit et la liberté du Wisconsin (WILL). Et Mrs Abbate a accepté avec reconnaissance de finir son doctorat à l’Université de Colorado, Boulder.

La suspension de McAdams était plutôt étrange pour une université catholique, spécialement une université où par exemple le professeur titulaire Daniel Maguire, nationalement connu pour ses opinions pro-avortements, enseigne régulièrement au département de théologie sans aucune limitation. Les statuts de la faculté permettent-ils une opposition flagrante aux enseignements de l’Eglise catholique, tout en refusant de protéger la liberté académique qu’ a un professeur titulaire d’exprimer une opinion sur ce qui peut être dit ou non dans des discussions pendant un cours ?

Mais à côté des problèmes légaux et des efforts du professeur McAdams pour obtenir réparation, j’aimerais ajouter les considérations suivantes (mais peut-être plus importantes) :

Marquette est une université catholique jésuite, mais comme la plupart des universités catholiques elle a été affectée depuis 1970 en ce qui concerne le recrutement par les lignes d’ « affirmative action ». Pendant les trente-cinq années que j’y ai enseigné, j’ai fait partie occasionnellement de comités chargés des entretiens avec les candidats pour des postes avec possibilités de titularisation dans notre département ; les membres du comité étaient auparavant avertis de ne pas poser de questions sur les croyances et les engagements des candidats. Aussi ne devrait-on pas y être surpris, après toutes ces années, de la large diversité des réactions, parmi les centaines de professeurs, aux valeurs traditionnelles catholiques. Mais il semble bizarre que dans une université catholique un étudiant puisse être interdit de présenter dans un cours un élément de la doctrine ou de la discipline catholique qui semble diverger de ce qu’un professeur persiste à affirmer. Au minimum c’est un problème de liberté de parole dans un cadre catholique. Il serait normal d’attendre une explication ou une clarification pour une question que pose légitimement un étudiant.

Cheryl Abbate, quand on lui demanda pourquoi elle affirmait que la discussion sur le mariage gay serait « inopportune » répondit qu’elle ne s’intéressait pas dans ce cours à la théorie de la loi naturelle mais à la théorie de l’ « Equal Liberty » – comme si la théorie de Rawls devait évidemment écarter les interdictions du mariage gay. Mais son interprétation de Rawls repose sur la supposition que le mariage ne devrait impliquer aucune restriction aux relations masculines-féminines, et ne pouvait pas être refusé aux couples de même sexe. Son interprétation implique aussi que les homosexuels sont « nés ainsi » – ce qui ferait du mariage gay un problème de droits civiques, bien qu’il n’y ait aucune évidence scientifique pour cette revendication.

Mais le plus important : une restriction dans la discussion sur des sujets comme le mariage gay ne devrait pas se produire dans une classe de philosophie. Depuis l’époque de Socrate, la tâche de la philosophie a été le réexamen des significations et des valeurs « reçues ». Socrate lui-même mena de façon brillante cette tâche pour ce qui concernait les idées qui prévalaient alors sur la justice, l’amitié, l’amour, la politique, la famille, l’homosexualité et d’autres sujets. La liberté de mener de tels réexamens est inhérente à la mission de la philosophie. Je me rappelle un cours sur l’éthique pratique que j’ai enseigné dans les années 1980. Le premier jour j’ai demandé aux étudiants de porter sur des fiches – anonymement – des questions éthiques. Ensuite j’ai classé les questions (plus de 10000 mots) en catégories, et j’ai passé le reste du semestre en discussion de classe sur toutes les questions, sans exception. J’ai fini le cours avec des tests et des épreuves qui devaient montrer la connaissance qu’avait l’étudiant des arguments pour et contre touchant les problèmes éthiques et les raisons de la position qu’il prenait. Il est intéressant de savoir, bien qu’il y eût de nombreuses questions sur le sexe – sexe avant mariage, sexe oral et anal, cohabitation etc. etc. qu’il n’y eut pas une seule question sur l’homosexualité bien qu’il n’y eût aucune restriction sur quelque sujet que ce soit. (C’était l’âge d’or avant le grand mouvement vers la « bizarrerie »). Le plus important : une des questions posées dans ma catégorie divers » était : « N’est-il pas moralement mal pour un étudiant de répondre à des questions d’examen et d’écrire des copies dans le sens qu’on pense être celui de l’enseignant alors qu’on est sincèrement opposé aux croyances de celui-ci ? Il me semble que c’est hypocrite. L’étudiant devrait plutôt répondre avec tout ce qu’il croit et ne pas se précoccuper du « niveau tout-puissant ».

Vraiment.

Pendant un bon moment le contrôle de la pensée a été un accident dans le milieu académique; mais maintenant avec l’arrivée du politiquement correct, il est devenu plus prononcé et explicite, et honteux, spécialement dans une université qui se dit catholique.

Photo : John MacAdams

— –

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/01/27/marquette-laffaire-mcadams/

*
Howard Hainz est professeur émérite de philosophie à Marquette University. Ses publications les plus récentes comprennent Natural Law : an Introduction and reexamination (2004) [La loi naturelle ; une introduction et un réexamen], Five Metaphysical Paradoxes (The 2006 Marquette Aquinas lecturer) [Cinq paradoxes métaphysiques], The Philosophy of Human Nature (2008) [la Philosophie de la nature humaine] et The Existence of God and the Faith-Instinct (2010)[L’existence de Dieu et l’Instinct de la foi]