Ce n’est pas la première fois, et sûrement pas la dernière, que la question du statut de l’islam en France est posée, et d’abord par le gouvernement. Nous avons eu l’occasion d’évoquer la façon dont Emmanuel Macron entend la traiter. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne soulève pas l’enthousiasme, et d’abord celui des principaux intéressés. Une double page dans Le Monde daté de mercredi rend compte d’un scepticisme assez bien exprimé dans une tribune de Rachid Benzine : « On peut avoir légitimement le sentiment que l’immense majorité des fidèles du Coran en France se montrent peu intéressés par la mise en place de structures censées les représenter. » Et par ailleurs, n’y a-t-il pas une étrange contradiction de la part d’un État, qui ne cesse de brandir la loi de séparation de 1905, à vouloir intervenir dans les affaires intérieures d’une religion ?
On aurait tort, toutefois, de reprocher à cet État de vouloir résoudre une difficulté qui met en cause l’équilibre même de la nation, sa paix intérieure. Alors que faire ? Dans les mêmes pages du Monde, un autre contributeur, Houari Bouissa, insiste sur l’enseignement du fait religieux à l’école, dans un but de meilleure reconnaissance des Français entre eux. L’intention est sans doute louable, mais l’auteur de l’article se charge lui-même d’en souligner la nature très particulière, plus propre à provoquer de nouvelles déchirures qu’à concilier. En effet, que signifie « repenser le fait religieux dans son historicité », c’est-à-dire « dans sa dimension critique » propre à la débarrasser de « son caractère mythique ». Une réduction rationaliste d’un phénomène religieux ne peut que provoquer un soulèvement général de la part des musulmans religieux.
Il faudra choisir d’autres voies, peut-être moins ambitieuses. Je retiendrais particulièrement celle indiquée par Pierre Manent dans un passionnant dialogue avec Rémi Brague publié dans le mensuel L’Incorrect. Un grand pas serait franchi si nos compatriotes musulmans acceptaient le principe de la liberté religieuse et donc la possibilité de se convertir à une autre religion. Ce serait le signe tangible qu’ils acceptent une règle de vie commune indispensable, pour participer, avec une pleine loyauté, à la vie de notre nation. Ce serait une concession sans doute lourde à accepter, mais sans elle il n’y a aucune possibilité de former une communauté unie et paisible.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 mars 2018.
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