Jean-Luc Mélenchon, qui se prépare à la candidature à la présidence de la République, met en garde Emmanuel Macron : « Nous avons eu trois siècles de guerres de Religion. Il ne faut pas mettre le doigt là-dedans, il ne faut pas ranimer ça, si peu que ce soit… » Qui n’acquiescerait à une déclaration de paix civile pour notre pays et qui ne désirerait que nos compatriotes musulmans s’intègrent dans le cadre commun, le plus fraternel possible ?
La difficulté, c’est que le danger « séparatiste » contre lequel une loi doit être élaborée, n’est pas un fantasme né dans la tête de quelques extrémistes. Ainsi que le déclarait Rémi Brague au Figaro du 18 septembre dernier : « La République a créé des “territoires perdus”, par négligence, mépris, cynisme, etc. Ce sont aujourd’hui des gens qui se réclament de l’islam qui veulent se les approprier pour y vivre selon des règles à eux. Ils recyclent à une minuscule échelle la vieille distinction entre “maison de l’islam” et “maison de guerre”, le monde païen appelé à se soumettre. »
Un défi considérable
Les politiques ne peuvent esquiver cette analyse émanant d’un universitaire, spécialiste reconnu de la pensée musulmane. Nous ne sommes pas dans la polémique, mais dans la connaissance d’un sujet qui requiert la compétence nécessaire. Par ailleurs, dire qu’il y a un problème particulier à l’islam, ce n’est pas condamner tous les musulmans à rester prisonniers dans une impasse théorique et pratique. Rémi Brague montre comment, à travers l’histoire, les politiques ont souvent pris le dessus sur la loi ciselée par des juristes religieux raffinés. C’est donc qu’il y aurait une difficulté majeure à appliquer ce qu’on appelle la charia sur le terrain. Il n’empêche qu’en période de surchauffe idéologique et de difficultés d’intégration sociale, l’État se trouve face à un défi considérable, dont on s’étonne que Jean-Luc Mélenchon ne veuille pas prendre conscience. Il ne s’agit, en aucun cas d’attiser on ne sait quelle guerre religieuse, comme au XVIe siècle. D’ailleurs le déchirement de la chrétienté d’alors ne correspond pas à une stricte querelle doctrinale. Elle est de nature politico-religieuse et elle ne pouvait trouver de solutions hors de la séparation du spirituel et du temporel.
Ambivalence de la laïcité
Une distinction que refuse catégoriquement l’islamisme. Et c’est en quoi consiste son propre séparatisme, non seulement rebelle, mais ennemi de la laïcité. Cette laïcité dont on se réclame à cor et à cri, ne saurait résoudre toutes les difficultés. Émile Poulat a montré qu’elle était avant tout de nature prudentielle et qu’il était périlleux de lui donner un contenu philosophique trop général, au risque d’en faire une autre religion. Reste à espérer que si le débat politique se concentre sur le danger de séparatisme, il s’éclaire des analyses les plus pertinentes et débouche sur un accord raisonnable.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX
- Vous avez dit « violence catholique » ?