La foi chrétienne se vit nécessairement au risque et au rythme de l’histoire, ce qui ne veut pas dire qu’elle en serait substantiellement toujours modifiée. C’est précisément son unité, sa rectitude, sa cohérence, expliquait le bienheureux cardinal Newman au XIXe siècle, qui lui permettent d’affronter victorieusement les épreuves sans cesse changeantes de l’histoire. L’Église est passée par différents régimes historiques, depuis sa fondation, le régime de chrétienté qui semblait constituer une sorte d’accomplissement plénier ne s’étant révélé qu’une étape parmi d’autres, précédant l’âge moderne qui a produit nombre d’ajustements, dont nous sommes loin encore d’avoir exploré toutes les dimensions. À chaque moment, c’est la substance de l’enseignement biblique et évangélique qui se trouve sollicitée pour répondre aux exigences nouvelles de l’intelligence critique et de l’insertion dans la civilisation.
La civilisation contemporaine se veut pluraliste, mais le pluralisme, même dans le contexte d’une société structurée étroitement par le droit, ne va pas sans affrontements. Sous couvert de laïcité, c’est souvent un rationalisme militant, parfois agressif, qui entend dominer les esprits, alors que par ailleurs une forte présence islamique tend à mettre en cause les principes d’une société sécularisée. Il n’est pas toujours évident, pour les catholiques et les chrétiens en général, d’inventer leur style d’insertion originale dans un dispositif qui risque de montrer de plus en plus ses faiblesses. Le réalisme nécessaire implique une défense d’un héritage spirituel, sans lequel notre pays n’aurait pas le visage qui est le sien et dont la destruction entraînerait des dommages qui concerneraient, au-delà des intérêts des communautés directement touchées, la nation elle-même. C’est l’intérêt commun le plus général qui intervient fondamentalement pour inspirer aux chrétiens un comportement politique et social, où tous peuvent reconnaître leur bien propre.
Au cœur de cet intérêt commun réside une exigence de liberté supérieure de l’esprit, qui oppose aux étroitesses intellectuelles et aux interdits idéologiques de quelque origine qu’ils soient, la primauté de ce qui s’ordonne à la recherche du Bien et du Vrai. Il ne suffit pas d’affirmer pareille exigence, il faut réfléchir ensemble à ses conditions concrètes d’existence.