L’INFLUENCE DES ASTRES (*) - France Catholique
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L’INFLUENCE DES ASTRES (*)

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Michel Gauquelin est un chercheur français, opiniâtre et courageux. Depuis vingt ans, dans une solitude complète, encouragé seulement par quelques savants étrangers, il étudie l’influence des astres. Grâce à lui le problème de l’astrologie est scientifiquement réglé. Je présenterai aujourd’hui quelques-unes de ses expériences.

Sur les astrologues et leurs horoscopes

On se souvient peut-être qu’en 1967 un des plus célèbres astrologues français annonça que désormais les thèmes astrologiques de ses clients seraient établis par ordinateur. Cette innovation fit du bruit dans la presse. Michel Gauquelin envoya un certain nombre de dates de naissance à cet astrologue. Il put constater que l’ordinateur était convenablement programmé en ce qui concerne la partie astronomique de l’horoscope : la position des planètes en fonction de la date était correcte. Restait à contrôler la valeur des indications données à partir de l’horoscope lui-même.

Pour la somme de 70 francs, l’« ordinoscope » donnait notamment :

‑ Un portrait psychologique et une analyse en profondeur de la personnalité.

‑ Le calendrier annuel de la vie du client.

‑ Les périodes fastes et néfastes des dix années à venir.

Ethérés, angéliques ces criminels

Michel Gauquelin sélectionna alors au Palais de Justice les noms de dix parmi les criminels les plus repoussants de ces trois dernières décennies, parmi lesquels le fameux docteur Petiot, qui avait exécuté une cinquantaine de ses clientes dans son cabinet transformé en chambre à gaz ; Albert Millet, le tueur d’Hyères ; Elisabeth Lamouly, qui avait empoisonné sa mère et son mari, etc. 1 Puis, il soumit les dix dates de naissance à l’ordinateur céleste.

Tous ces assassins obtinrent donc leur profil psychologique et leur prédiction. Le bon docteur Petiot était décrit comme « une nature bien insérée dans les normes du social, éprise des convenances et pourvue d’un sens moral confortable, bourgeois bien-pensant, digne citoyen… Etre vénusien baigné d’une sensibilité océanique en diffusion infinie, frissonnante d’amour universel… Sentiments plus ou moins teintés de romanesque…. de mysticité, mais qui débouchent généralement sur le don de soi désintéressé, l’amour salvateur ou le sacrifice rédempteur… ».
Condamné à mort et guillotiné depuis longtemps, Petiot n’était pas moins assuré par l’astrologue et son ordinateur d’une brillante destinée.
Les autres criminels furent tout aussi bien servis. Alfred B., assassin de sa femme, était décrit comme « un être de fine essence aérienne, qui tend à se dépouiller de sa vie instinctive ».

Mais, dira-t-on, cet astrologue était probablement un très mauvais astrologue ? S’il se trompait si grossièrement, sans doute dut-il perdre bien vite sa clientèle ? Pour le savoir, Michel Gauquelin fit une autre expérience. Il fit paraître dans un hebdomadaire un placard où l’on pouvait lire ceci :

Totalement gratuit !

Votre horoscope ultra-personnel.

Un document de dix pages.

Bénéficiez d’une expérience unique.

Envoyez-nous, adresse, date et lieu de naissance à ASTRAL-ELECTRONIC

(Suivait l’adresse de M. Gauquelin.)

Il reçut en quelques jours 150 demandes d’horoscope. A chacun de ses « clients », il envoya (gratuitement) un texte très détaillé, ainsi que le questionnaire suivant à remplir et à renvoyer :

a) Avez-vous reconnu au passage vos problèmes personnels ?

b) Ce jugement est-il partagé par votre famille et vos amis ?

c) Le rythme annuel de prévisions indique-t-il assez bien, en général, les bonnes et mauvaises périodes que vous traversez chaque année ?

Les réponses obtenues à chacune de ces questions s’établirent ainsi : première question, 94% de oui ; deuxième question, 90% de oui ; troisième question, 80% de oui. Beaucoup de « clients » en redemandaient.
Or, M. Gauquelin avait envoyé à tous ses clients le même horoscope, celui- là même que (pour 70 F) il avait obtenu de l’astrologie électronique pour le docteur Petiot !

Les résultats détaillés de cette double expérience furent publiés dans Science et Vie, d’août 1968, n° 611, page 80. Science et Vie est la revue de vulgarisation scientifique la plus diffusée en langue française. Je ne sache pas que cette démonstration accablante ait si peu que ce soit entamé le crédit des astrologues : l’excellent écrivain scientifique Gérald Messadié, qui la rapporte en détail dans son récent livre sur l’astrologie (a), nous apprend qu’il y aurait, en France, actuellement, un astrologue pour cent habitants, plus, si je ne me trompe que de médecins.

Sur l’influence réelle des planètes

L’influence de l’activité solaire sur les êtres vivants est maintenant un fait connu et de plus en plus étudié. Outre bien entendu, la lumière, le magnétisme terrestre est lié au soleil.

Tous les changements de l’astre du jour (taches, éruptions, variations du vent solaire, etc.) retentissent sut l’électricité et le magnétisme atmosphériques (b). Les cycles et rythmes biologiques de toutes sortes intéressent de plus en plus les savants, j’aurai l’occasion d’en reparler. Le plus évident de ces cycles est celui qu’on appelle circadien (du latin circa diem) : il règle notre vie quotidienne, notre veille, notre sommeil. Le cycle lunaire est lui aussi très actif, notamment dans la vie marine.
Or, il y a quelques années, un astronome de l’Observatoire de Nice, M. Michel Trellis, montrait que l’activité solaire est liée par gravitation à la position des planètes : en tournant autour du Soleil, les planètes provoquent dans sa masse les mêmes effets de marée que la Lune et le Soleil provoquent sur les océans et l’atmosphère terrestre. Seulement, ces marées sont plus compliquées, parce qu’il y a huit planètes (sans compter le lointain Pluton) qui tournent à des vitesses et à des distances différentes. Si donc la position variable des planètes règle au moins partiellement l’activité solaire et si l’activité solaire agit sur les être vivants, n’est-on pas conduit à conclure que la position des planètes a une influence sur la vie ?

Les travaux de M. Gauquelin montrent qu’il en est bien ainsi 2 . Sa découverte la plus frappante est ce qu’il a appelé l’hérédité planétaire (c) en répertoriant des dizaines de milliers de dates de naissance et en traitant par la statistique, il a montré que les positions planétaires sont une sorte de propriété héréditaire. Les enfants ont tendance à naître à une heure du jour telle que la position de certaines planètes à ce moment précis reproduit la position des mêmes planètes observée lors de la naissance des parents. Il a pu analyser et mesurer avec une extrême précision l’intensité de l’effet pour les différentes planètes, pour le père, pour la mère, établir des corrélations avec l’agitation magnétique, montrer que l’effet se renforce quand les positions planétaire des parents sont semblables, qu’elles se contrarient dans le cas contraire. Ces résultats ont, à première vue une certaine ressemblance avec les prétentions de l’astrologie. Mais il n’en est rien : alors que l’astrologie croit pouvoir prédire les cas particuliers, M. Gauquelin a montré que les cas particuliers sont bien au contraire aléatoires et imprédictibles. Les effets Gauquelin, si frappants que plusieurs astronomes français éminents s’y intéressent (quoiqu’il s’agisse de biologie), sont statistiques 3 . Leur caractère statistique, global, montre que les prétentions de l’astrologie sont illusoires et fallacieuses. Ce qui ne signifie d’ailleurs nullement que tous les astrologues soient malhonnêtes, ni même que l’on ne puisse, à partir d’une pseudo-science, obtenir des résultats réels et confirmés.

Sept et six égal… onze!

Mais dans ce cas, comme le montre très intelligemment Gérald Messadié, ces résultats ne sont pas à porter au crédit de l’horoscope : ils relèvent purement et simplement de la parapsychologie, et me rappellent l’histoire du concierge millionnaire que me racontait Cocteau. Le brave homme avait végété dans sa loge jusqu’à une certaine nuit où, visité par un rêve prophétique, il avait couru jusqu’au plus proche casino, joué et gagné.
− C’était du sûr et du couru d’avance, répondait-il, je savais qu’il fallait jouer le onze, puisque j’avais vu en rêve sept cierges et six lapins : sept et six, onze !

Aimé MICHEL

(*) Chronique n° 128 parue dans France Catholique-Ecclésia − N° 1364 − 2 février 1973.

(a) Gérald Messadié : Le Zodiaque a 24 signes (Stock, éditeur, Paris, 1973).

(b) Michel Gauquelin : les Horloges cosmiques (Denoël, Paris, 1970).

(c) Michel Gauquelin : l’Hérédité planétaire (Paris, 1966), avec une préface du Pr. G. Piccardi, directeur de l’Institut de chimie physique de l’Universite de Florence.

Les notes de 1 à 3 sont de Jean-Pierre Rospars

  1. Le Dr Marcel Petiot (1897-1946) attirait les personnes qui escomptaient son aide pour se soustraire aux poursuites de la Gestapo et passer en Argentine avec leurs biens. Il les assassinait et dissolvait leurs corps dans la chaux vive. Il fut condamné à mort pour 27 meurtres (il en revendiquait 63). Selon son ordinoscope : « Tendance à l’ordre, au contrôle, à la mesure… ». Albert Millet (né en 1929), gangster auteur de deux assassinats, condamné aux travaux forcés à perpétuité en 1954 : « Son caractère gai, agréable, chaleureux, plein d’entrain et de bonne humeur communicative ». Elisabeth Lamouly (1904-1941), veuve Ducourneau, dernière femme guillotinée (à Bordeaux) : « C’est le règne de l’être de raison, qui peut modeler un monde moral fait de réserve, de sobriété, d’économie, de discipline, de maîtrise, de scrupulosité, de respectabilité, de pureté, de perfection. ». L’abbé Guy D., curé d’Uruffe (né en 1920), assassin d’une jeune fille devenue sa maîtresse en 1956, condamné aux travaux forcés à perpétuité en 1958 : « Etre bon, humain…, son don de soi, son sacrifice réalisateur. »

    Dans une réplique parue dans Science & Vie n° 614, novembre 1968, l’astrologue incriminé ne fait que s’enfoncer davantage. Il rappelle notamment qu’un petit décalage dans l’heure de la naissance, dix minutes, quatre minutes seulement parfois, peuvent remettre en question la validité de l’étude ! Or, insiste-t-il, pour 9 criminels sur 10 on ne connaît que l’heure ronde de naissance. Mais c’est oublier, qu’à de rares exceptions, les Français ne connaissent l’heure de leur naissance qu’à dix minutes près et que leur horoscope est donc sans valeur !

  2. Michel Gauquelin (1928-1991) montra un intérêt pour l’astrologie dès son plus jeune âge. Après avoir étudié la psychologie et les statistiques à la Sorbonne, il consacra sa vie à tenter de démontrer la validité de certains fondements de l’astrologie, même s’il ne se considérait pas comme un astrologue et s’opposait à la pratique de l’astrologie. Il fit aussi partie des cinquante meilleurs joueurs de tennis de France. Avec sa première femme, Françoise Schneider-Gauquelin, il s’attacha à partir du début des années 50 à rechercher une corrélation entre la position des astres au jour de la naissance d’un individu et son caractère. En 1955, ils publièrent L’influence des astres. Etude critique et expérimentale. Ils y critiquèrent les travaux de leurs prédécesseurs en astrologie statistique mais présentèrent des corrélations significatives entre le ciel de naissance et la profession de personnalités connues : des positions statistiquement anormales des planètes Mars pour les sportifs de haut niveau, Jupiter pour les acteurs et les hommes politiques et Saturne pour les membres de l’Académie des Sciences. Par la suite ils écrivirent un grand nombre de livres et d’articles où ils développèrent leurs analyses. Ces travaux eurent un grand retentissement en France et à l’étranger, surtout aux Etats-Unis. Gauquelin interpréta ces corrélations, non par un effet direct des astres sur l’accouchement, mais par une conformité entre le tempérament héréditaire de l’enfant à naître et la position des planètes : « L’enfant naît à cet instant parce que son organisme serait apte à réagir aux perturbations provoquées par cette planète-horloge au moment de son passage à l’horizon. » (L’hérédité planétaire, Paris, 1966). Son article « Is there a Mars Effect ? » (Y a-t-il un effet Mars ?) dans le Journal of Scientific Exploration (2: 29-51, 1988 ; disponible en ligne) donne un compte rendu concis de ses travaux et des discussions qu’ils ont suscités. Michel Gauquelin se suicida le 20 mai 1991. Il n’aurait laissé aucune explication écrite mais aurait demandé qu’on détruise toutes ses données, ce qui fut fait (j’utilise le conditionnel parce que les commentateurs ne s’accordent pas sur ces faits).
  3. Les travaux de Gauquelin ont fait l’objet d’une grande attention et bien des spécialistes, statisticiens et astronomes, ont contribué aux discussions. En voici un résumé, évidemment très incomplet mais qui donne une idée des arguments échangés.

    Une première vérification est faite en 1960 par un groupe de scientifiques belges présidé par l’astronome Jean Dommanget, le Comité Para, dont les conclusions sont publiées en 1976 (www.comitepara.be). Il confirme la distribution de Gauquelin sur un échantillon nouveau de 535 sportifs nés entre 1872 et 1945. Cependant, le comité considère que les méthodes et formules utilisées par Gauquelin pour calculer la distribution témoin sont inexactes et rejette « l’effet Mars » (voir aussi le compte rendu ultérieur de Jean Dommanget dans JSE, 11: 275-295, 1997).

    En 1976, Marvin Zelen, directeur du Département de Biostatistique de l’université de Harvard, propose un nouveau test : si l’effet Mars est un artefact, les autres personnes nées le même jour et au même endroit que les champions sportifs devraient présenter le même effet. Gauquelin, en accord avec Zelen, Kurtz et Abell, rassemble un échantillon destiné à ce test qui confirme que sa méthode de calcul de la distribution témoin est correcte (1983).

    En 1978, Kurtz, Zelen et Abell rassemblent un échantillon de sportifs américains qui ne confirme pas l’effet Mars. Selon Gauquelin ce test ne prend pas bien en compte l’éminence des sportifs.

    En 1982, Michel Gauquelin et la revue Science & Vie se mettent d’accord sur un protocole expérimental. Le Comité français pour l’étude des phénomènes paranormaux prend en charge les frais de l’étude. Un nouvel échantillon est établi comptant 1066 sportifs français tirés de dictionnaires et nés avant 1950 pour éviter le biais des naissances provoqués. Plusieurs années sont nécessaires pour obtenir des mairies les dates et heures de naissance et les convertir en temps universel. Gauquelin suggère des additions et des retraits de noms pour se conformer au protocole qui stipule que les champions doivent être éminemment réputés. Le CFEPP rejette ses propositions. Au final la comparaison de l’échantillon test et de l’échantillon témoin (obtenu par permutations aléatoires du premier) montre un écart très faible et non significatif.

    En 1988, Suitbert Ertel de l’Institut de Psychologie de Göttingen (JSE, 2: 53-80), en se fondant sur un plus grand nombre de données fournies par les Gauquelin, indique l’existence d’un biais de sélection dans la constitution de l’échantillon de sportifs mais confirme que l’effet Mars s’accroît avec l’éminence des athlètes.

    En 1993, J.W. Nienhuys de l’université de technologie d’Eindhoven (JSE, 7: 271-281) estime que l’effet décrit par Ertel est trop faible pour qu’on puisse conclure à son existence. Pour lui, les données de Gauquelin souffrent bien d’un biais en raison d’une séparation insuffisante de la phase exploratoire de recherche (visant à proposer une hypothèse) et de la phase de vérification de l’hypothèse.

    En 1997, Kurtz, Nienhuys et Sandhu (JSE, 11: 19-39) font un pas de plus dans cette direction et concluent que Gauquelin, intentionnellement ou non, a biaisé ses échantillons dans le sens de son hypothèse en jouant sur la notion d’« éminence ». Dommanget n’accorde aucun crédit à cette explication (JSE, 11: 275-295). Il conclut de ces vingt ans de discussion que « Tous ceux qui croient au phénomène proposent des échantillons qui conduisent apparemment à l’existence d’un effet Mars. Tous ceux qui n’y croient pas proposent des échantillons qui conduisent apparemment à l’absence de tout effet Mars. »

    En 2000, S. Ertel (JSE, 14: 431-446) soutient que la critique de la distribution témoin formulée par Dommanget et le Comité Para est infondée, note qu’elle n’a d’ailleurs pas été suivie par les autres critiques et accuse Dommanget de ne pas avoir publié tous ses résultats. En collaboration avec Irving (JSE, 14: 421-430) il rejette également les arguments de Kurtz et coll. et conclut que l’effet Mars mérite une recherche approfondie à l’avenir.

    Dans La tentation de l’astrologie (trad. par N. Witkowski, Seuil, Paris, 2006), le mathématicien David Berlinski, consacre quelques pages distanciées à Michel Gauquelin et résume ainsi l’affaire : « La controverse continua, avec une intensité décroissante, jusqu’à ressembler au Canon de Pachelbel : au bout d’un certain temps, il apparaît évident que ce morceau, comme la controverse sur l’effet Mars, ne s’arrêtera jamais. Quel que soit le fin mot de l’histoire – je ne l’ai pas et je suppose que personne ne l’a –, il reste que l’effet Mars, s’il existe, représente un signal extrêmement faible émergeant à peine du bruit de fond. » (p. 222). Ainsi, un problème a priori aisément soluble par la méthode scientifique se noie dans les sables à cause des difficultés techniques liées à l’échantillonnage et à l’établissement de la courbe de référence, compliquées par des soupçons de mauvaise foi proférés par chaque camp à l’encontre de l’autre. Sans compter les arrière-plans métaphysiques qui affleurent ici et là et font écrire à Kurtz et coll. (1997) que l’effet Mars s’il était vérifié serait « une preuve ultime que la science telle que nous la connaissons doit être radicalement révisée » (op. cit. p. 34), assertion bien téméraire dont je me permettrais humblement de douter !