J’avais vingt ans quand je suis entré dans les Gardes suisses et comme mes camarades, j’étais au sommet de ma condition physique. Mais aussi en forme et plein d’énergie que nous étions, Jean Paul II pouvait encore courir plus vite que nous.
Cette course commençait chaque matin avant 6 heures quand nous nous levions, priions, nous habillions pour la journée, puis allions dans sa chapelle privée pour un temps supplémentaire de prière.
A 7 heures, des petits groupes de dignitaires en visite, de pèlerins catholiques ou du personnel du Vatican nous rejoignaient pour la messe.
Après la messe, des invités arrivaient pour le petit-déjeuner. Suivait une heure ou deux de travail de bureau.
Avant d’accueillir les visiteurs officiels à 11 heures, il rencontrait brièvement les linguistes pour revoir les points délicats dans n’importe quelle langue qu’il lui faudrait utiliser pour parler aux foules ou aux dignitaires en visite.
Les audiences pouvaient alors commencer.
Quelquefois, il parlait à des milliers de personnes, quelquefois seulement à un petit nombre. Ensuite venait le déjeuner au cours duquel il était rejoint par du personnel du Vatican, suivi par un autre temps de prière au cours duquel Jean-Paul II se dirigeait souvent vers les jardins du toit du Palais Pontifical pour marcher et prier avec Dieu.
Après cela, il y avait encore du travail de bureau et encore des audiences pouvant durer jusqu’au dîner à 20 heures quand des invités dînaient avec lui. Le repas terminé, il retournait lire et écrire et travailler jusque tard dans la nuit. Il s’endormait autour de minuit ou même plus tard. Au milieu de tout cela, il trouvait encore le temps de s’enquérir auprès d’un Garde Suisse de sa journée, de discuter avec une sœur qui avait cuisiné pour lui, et de rester en contact avec d’anciens amis.
C’était son emploi du temps romain. Comparé à celui quand il était en voyage, il était plutôt léger. J’ai souvent essayé de me souvenir de moments où j’aurais vu le pape dépassé par cet emploi du temps, je n’ai rien trouvé. Je me rappelle du nombre de fois où j’étais épuisé ; pas une fois je ne l’ai vu avec les yeux cernés. En fait, c’était tout le contraire. La raison pour laquelle il pouvait le faire, dans la joie et sans faillir, était qu’il savait que Dieu l’avait appelé pour cela. Il connaissait sa vocation.
Le terme « vocation » signifie bien plus que la définition classique du dictionnaire : « Destination naturelle de quelqu’un, d’un groupe ». C’est plus un « appel » qu’un « métier ». Selon Jean Paul II, votre vocation répond à la question : « Pourquoi suis-je sur Terre ? ». Il pensait de plus que c’est en vivant sa vocation à fond que l’on peut se réaliser pleinement dans cette vie.
Il y a trois niveaux différents de vocations :
La première des trois est la vocation universelle. Peu importe qui vous êtes ou où vous êtes ou quand vous vivez, vous avez la même vocation universelle que chaque être humain sur la planète : connaître, aimer et servir Dieu dans cette vie afin de connaître, aimer et servir Dieu dans la prochaine. Votre but est de recevoir la grâce maintenant afin de recevoir la gloire plus tard, ou même plus simplement d’en mettre pour coopérer avec Dieu dans sa tâche de sauver votre âme.
Après la vocation universelle, cela devient plus spécifique. Comment nous le vivons, le style de vie dans lequel nous aimons et servons Dieu et les autres est notre vocation première. Selon l’Eglise catholique, il y a trois vocations premières : le mariage, le sacerdoce et la vie consacrée (frères et sœurs vivant dans des communautés et célibataires consacrés vivant dans la société).
Chacune de ces vocations est un style de vie permanent et librement choisi.
Chacun entraîne aussi un don de soi. En choisissant une vocation première, vous faites de votre « je » inaliénable et non-transférable la propriété de quelqu’un d’autre. En d’autres mots, vous donnez la priorité dans votre vie soit à Dieu et à la vie consacrée, soit à votre conjoint et à votre famille.
Les notions modernes de la liberté peuvent nous troubler sur la valeur de ce genre de vocation. Trop souvent, nous voyons ce type de limitations à notre liberté qu’un engagement permanent apporte comme un obstacle à « être nous-mêmes ». Mais la liberté réelle n’est pas la liberté des restrictions extérieures. La liberté réelle est la liberté d’aimer et de nous donner pleinement. La liberté en fait existe pour l’amour. Elle est le moyen vers le but que nous désirons tous – la communion d’amour avec Dieu et avec les autres. C’est quand nous nous donnons le plus entièrement que nous sommes vraiment libres.
Le troisième niveau de vocation, votre vocation secondaire, est ce que vous faites sur cette voie. C’est comment vous utilisez vos dons et vos talents au service de Dieu et des autres tout en vivant vos vocations universelle et première. Pour la plupart d’entre nous, cela correspond à notre travail ou à notre profession. Cela peut cependant aussi s’appliquer à votre engagement civique ou paroissial, ou cela peut simplement consister à faire face aux diverses peines et épreuves que vous rencontrez dans la vie. C’est le plan d’action de votre vie.
Jean Paul II réalisait que par notre travail, nous ne faisons pas simplement plus : nous devenons plus. Le travail nous façonne, nous peaufine et nous pousse à découvrir et à aiguiser nos talents naturels. Il nous permet d’aimer, devenant un moyen par lequel nous pouvons servir notre famille, nos clients, nos voisins et nos paroisses. A travers cela, le travail devient un moyen de donner notre vie à Dieu.
Quand vous comprenez les trois niveaux de vocations et le degré d’importance de chacun, il devient beaucoup plus facile d’organiser votre vie et vos priorités, de rechercher les vertus dont vous avez le plus besoin, et de trouver un équilibre dans des rôles opposés sans compromission.
Jean Paul II était la preuve vivante de cela. Tout travail, pas seulement celui des prêtres et des religieux, peut être saint quand il est effectué comme un acte d’amour, de service et de sacrifice selon l’esprit de Dieu. C’est ce que l’Incarnation a rendu possible. C’est pourquoi saint Thomas d’Aquin pouvait dire avec tant de confiance : « Il ne peut y avoir de joie de vivre sans joie dans le travail ».
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Andreas Widmer, ancien garde suisse, est le cofondateur de SEVEN Fund, une organisation philanthropique dirigée par des entrepreneurs qui investissent dans la recherche et publient des livres, des films et des sites web pour encourager les entreprises à trouver des solutions originales contre la pauvreté.
Il est également l’auteur de The Pope & the CEO: John Paul II’s Leadership Lessons to a Young Swiss Guard (Emmaus Road Publishing). Le texte ci-dessus est un extrait de ce travail, reproduit avec la permission de l’auteur.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-importance-of-vocation.html