Pour les jeunes Tunisiens arrivés en France après la révolution de janvier dans leur pays, la désillusion est brutale. Venir chez nous, c’était un rêve pour eux. De notre pays, de notre mode de vie, la télévision ne leur offrait que des images de bonheur, d’aisance matérielle. Et puis il y avait l’exemple de leurs compatriotes déjà établis en France et revenant en vacances en Tunisie. N’avaient-ils pas suffisamment d’argent pour construire des maisons et faire la fête durant l’été ? Plusieurs rescapés de Lampedusa, qui ont réussi à gagner Paris, se sont confessés à un de nos confrère de Libération, pour dire leur tristesse et leur rancœur. A Paris, non seulement ils n’ont pas été accueillis, mais on les a laissés à la rue, affamés, livrés à leur détresse. Leur seule perspective : retourner d’où ils viennent. Là encore, c’est la désillusion. Normalement, l’office français de l’immigration donne une allocation de 2000 euros aux candidats au retour. Mais à la suite d’une note administrative, cette allocation s’est trouvée réduite à 300 euros. Ce qui désespère un peu plus nos jeunes gens qui ont dépensé tout ce qu’ils avaient pour gagner l’eldorado de tous leurs espoirs.
Que retenir de cette triste histoire ? Faut-il maudire la France, ce pays riche qui désormais mesure sa générosité et se révèle de moins en moins accessible à toutes les formes d’immigration ? C’est vrai que l’opinion publique a évolué et que le gouvernement actuel a pris acte de ce changement. Les diverses déclarations de Claude Guéant, ministre de l’intérieur, ont signifié de la façon la plus nette que désormais nos frontières seraient plus étroitement surveillées et que de nouvelles vagues venues de la Méditerranée n’étaient pas les bienvenues. Ce n’est d’ailleurs pas seulement en France que l’opinion publique est devenue méfiante ou hostile à l’égard de l’immigration. C’est un phénomène européen.
Les milliers de jeunes Tunisiens qui ont quitté leur pays ces derniers mois auraient dû pourtant être avertis qu’ils n’étaient pas attendus et qu’ils vivraient la condition éprouvante de clandestins. Des membres de leur gouvernement, issus de la révolution de Jasmin, leur ont même durement reproché leur fuite. Si les choses étaient rationnellement organisées, les mouvements de population seraient négociés de pays à pays. On n’en est pas là. Il faut bien constater que l’immigration est aujourd’hui une question presque insoluble. A quand une vraie politique méditerranéenne ?
Chronique du 15 juin 2011 sur Radio Notre-Dame
Pour aller plus loin :
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