L'immédiateté de Marc : « Les souvenirs de Saint Pierre », livre de Michael Pakaluk - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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L’immédiateté de Marc : « Les souvenirs de Saint Pierre », livre de Michael Pakaluk

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En 1981, un collègue de publication plus âgé m’a emmené au théâtre Playhouse de Manhattan pour voir l’acteur anglais Alec McCowen dans une reprise de son one-man-show L’évangile selon Saint Marc : McCowen en scène, ni accessoire ni décor à l’exception d’une table sur laquelle il a posé une copie écrite de l’Evangile (disant avec un clin d’oeil : « juste au cas où… » et en à peu près une heure quarante cinq, il a récité tous les 11 304 mots de la version anglaise. McCowen décrivait les écrits de Marc comme se déplaçant « avec une prodigieuse vitesse d’un événement à un autre », et parlant de Marc comme auteur, il disait qu’il « construisait son Evangile avec le talent d’un grand dramaturge. »

Michael Pakaluk, contributeur régulier de The Catholic Thing et professeur à l’Université Catholique d’Amérique, effectue quelque chose de similaire dans son nouveau livre « Les souvenirs de Saint Pierre : une nouvelle traduction de l’Evangile selon Marc ». Le professeur Pakaluk procure non seulement un rendu nouveau et palpitant du texte en grec ancien mais également un savoir plein de vie dans les commentaires qui suivent sa traduction des seize chapitres de Marc.

Les traducteurs précédents avaient tendance, par leurs lumières, à aplanir les formes verbales de la koinè grecque comme moyen de rendre l’Ecriture plus compréhensible. Puisque tout ce qui est rapporté dans la Bible a eu lieu dans le passé, presque tout ce que nous lisons devrait être à un temps passé. La Bible historique.

Mais ce n’est pas nécessairement la façon dont elle a été vraiment écrite. Il y a dans le grec biblique un temps grammatical, ni exactement passé ni exactement présent appelé aoriste, pour lequel il n’est pas d’équivalent ni en anglais ni en français, mais qui – ainsi que l’explique Pakaluk – peut, s’il est convenablement traduit, donner de l’immédiateté aux événements décrits. En grec, on « voit » une action présente qui se déroule dans le passé qui, si on la traduit dans un temps passé, pourra sembler sans vie. Pakaluk donne une exemple humoristique non biblique de l’aoriste en action :

« Donc, j’ai quitté mon allée de garage. Et j’ai tourné le coin. Et qu’est-ce que je vois ? Un homme avec un cochon. Et j’ai pensé, voilà qui est étrange. Alors je me suis arrêté et j’ai demandé à l’homme… » Quelqu’un parlant d’un souvenir de cette façon va changer de temps pour conserver l’attention de son auditeur mais principalement parce que, comme il parle « de mémoire », il trouve facile de retourner au moment évoqué « comme s’il y était ».

L’effet de cette traduction de Marc est électrisant et deux choses me sont venues à l’esprit tandis que je lisais : l’avertissement de Saint Benoît au début de sa Règle de « lire avec les oreilles du cœur » et un professeur que j’ai eu à l’université qui enseignait Shakespeare et qui me pressait de « voir la pièce dans le théâtre de mon esprit ».

Oui, ce que Marc décrit s’est passé AUTREFOIS mais dans la traduction de Pakaluk vous sentez cela arriver MAINTENANT. Cela se lit presque comme un roman, ce qui est juste. Il y a cette « suspension de l’incrédulité » qui dans un roman est essentiel pour l’immersion et le plaisir du lecteur et qui ici signifie que vous êtes captivé dans cette immédiateté de l’action à laquelle Pakaluk se réfère dans son introduction : « l’immédiateté des Evangiles, leur proximité dans le temps et l’espace avec les événements qu’ils narrent peuvent être une découverte bouleversante. »

Mais après mon discours sur le théâtre et les romans, je m’empresse de rendre clair ce que le professeur Pakaluk n’a pas fait : il n’a rien inventé. C’est l’Ecriture, mais présentée comme le récit fait à Marc, un certain temps après les événements décrits – des jours, des mois, des années – par Pierre, dont l’amour et la joie, la peine et la passion transparaissent plus vivement que cela n’a jamais été le cas dans une traduction de l’Evangile.

Pakaluk suit une ancienne tradition sur Marc : la garantie que nous avons d’Eusèbe de Césarée (mort en 340) via Papias de Hiérapolis (mort en 163) via « Jean le Presbytre » (mort en 100, qui était peut-être l’apôtre Jean) : « pourquoi Marc n’a-t-il pas fait d’erreur en écrivant les choses telles qu’il se les rappelait ? Parce qu’il prenait un soin tout particulier à ne rien oublier de ce qu’il avait entendu et de ne rien mettre d’imaginaire dans ses déclarations. »

Pakaluk tient pour acquis (et cite d’amples preuves pour soutenir ce point de vue) que Marc était le secrétaire de Pierre, ce qui fait alors de l’Evangile une sorte de satisfaisant témoignage rapporté : Marc rapportant les souvenirs de Pierre. Non pas que Marc n’ait pas été témoin direct de certains des événements qu’il décrit. Par exemple, la traduction de Marc 14:51-52 (le drame de Gethsémani) donne ceci :

Un certain jeune homme faisait partie de ceux qui Le suivaient [le Christ]. Il s’était habillé d’un vêtement de lin fin, drapé sur son corps nu. Alors ils [les gardes du Temple] le capturent. Mais il a abandonné de justesse son vêtement derrière lui et s’est sauvé tout nu !

Dans son commentaire de ce passage, Pakaluk souligne que ce vêtement était un sidon, une sorte de vêtement d’été, et que ce détail plein d’humour « si écrit par Marc, est de l’autodérision. » Mais c’est ce qui suit qui est vraiment fantastique et caractéristique du livre :

De même, Jésus s’est échappé alors que « capturé » par la mort, laissant son sidon derrière lui dans la tombe et « s’échappant » tout nu.

Dans ma bibliothèque familiale, j’ai sept éditions différentes de la Bible : la Bible du roi Jacques ancienne et nouvelle version, la version standard révisée, la nouvelle version internationale, la Bible de Jérusalem, la nouvelle Bible américaine et la version catholique standard révisée. Je reconnais ne pas avoir fait une analyse comparative complète de toutes les versions de Marc vis-à-vis de celle de Pakaluk (bien que j’ai étudié à fond l’Evangile de Marc dans la version catholique standard révisée) mais aucune des autres n’a la lisibilité de The Memoirs of St. Peter (Les souvenirs de Saint Pierre). Cela est dû à une combinaison d’érudition et de perspicacité – à une connaissance de toutes les nuances de la Koinè grecque et à une intuition concernant l’intimité des conversations entre Pierre et Marc.

La très belle illustration de couverture du livre de Michael est la peinture attribuée à Giuseppe Vermigilo, « Saint Marc écrivant sous la dictée de Saint Pierre », qui suggère tant l’intimité que l’immédiateté dans un moment de collaboration qui inclut maintenant Michael Pakaluk, et grâce à lui, nous tous.

Le livre sort officiellement demain. Et vous devriez l’acheter. (NDT: si on en trouve en français une traduction ne trahissant pas l’original.)


Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, membre de l’Institut Foi & Raison et secrétaire du bureau de l’Aide à l’Eglise en Détresse USA ; C’est un ancien rédacteur littéraire de National Review.

Illustration : la couverture du livre (explication en fin d’article)

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/04/the-immediacy-of-mark-pakaluks-memoirs-of-st-peter/