L'illustre regretté Père David Balas, O, cistercien - France Catholique
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L’illustre regretté Père David Balas, O, cistercien

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Parfois ce sont les petites gens qui font la différence. J’ai eu la grande chance durant ma première année d’études, en tant que catholique, de la théologie à la faculté de Dallas guidé par un étrange petit Hongrois doté d’une intelligence supérieure que tout le monde trouvait qu’il ressemblait à un écureuil : un prêtre cistercien nommé père David BALAS.

Le Père David entra en 1948 au séminaire de Zirc, situé à environ 120 kilomètres de Budapest. Du moins il essaya d’entrer à Zirc. Sa mère était surprise qu’il veuille devenir un moine cistercien alors qu’il aimait tant la bonne chère. Mais il était résolu aussi elle appuya sa décision. Cependant, quand il arriva au monastère, ils découvrirent qu’il n’avait pas la santé nécessaire, aussi il le renvoyèrent chez lui pour l’acquérir. Quand il revint à son domicile sa mère ouvrit la porte et s’écria : « est ce qu’ils t’ont renvoyé si vite? » pensant qu’il avait déjà montré qu’il était incapable d’embrasser la discipline cistercienne.

Après avoir passé un examen médical, le père David est retourné à Zirc. Il y resta jusqu’à ce que le régime communiste ferme officiellement l’abbaye dans l’été 1950. Une fois il fit la remarque suivante : « personne n’aimait les nazis; ils étaient durs. Mais les Russes étaient féroces….. Les Russes volaient tout, même le tissu que nous utilisions pour faire nos vêtements.  » et ils n’eurent aucun scrupule à jeter les moines complètement hors de leur abbaye.

Un mois avant d’avoir à quitter l’abbaye un groupe de cisterciens, dont le Père David, tentèrent une évasion risquée à travers la montagne et les gardes frontière vers l’Autriche. Un certain nombre d’entre eux furent rattrapés et renvoyés en Hongrie où ils furent emprisonnés. Heureusement, le père David n’était pas de ce nombre. Mais ceux d’entre nous qui vivons dans des temps meilleurs, et qui nous imaginons suprêmement opprimés par les autorités, devrions nous souvenir de ce petit novice cistercien hongrois à face d’écureuil, mesurant à peine plus d’un mètre cinquante, risquant sa vie avec plusieurs de ses Frères pour traverser la montagne au delà du Rideau de Fer, afin de pouvoir aller en liberté jusqu’à Rome pour étudier la philosophie et la théologie. Le Père David était de petite taille mais il n’était pas un adversaire facile.

En fait, le Père David avait la tendance hongroise des intellectuels de ne pas souffrir les imbéciles ni avec plaisir ni avec patience. Cela veut dire qu’il pouvait être spécialement dur avec les séminaristes, spécialement ceux qui s’intéressaient à  » la spiritualité » et aux « œuvres pastorales », et qui ne trouvaient pas de raison suffisante pour étudier des matières comme la philosophie abstraite ou la théologie. Cela les ennuyait. Mais cela n’amusait pas le Père David. Nous arrivions tous à imiter son accent hongrois (et son bredouillement) quand il rencontrait un étudiant pris au dépourvu ou qui donnait une réponse spécialement insipide à ses questions sans fin, il répondait : « Mais, mais, mais … ceci n’est vraiment pas ce que le texte dit ».

Frère David était très précis dans ses questions et il voulait une réponse très précise. A certains, cela semblait un peu excessif, peut-être un peu « constipé ». Et puis un jour il a dit quelque chose à l’un des séminaristes, qui m’est toujours resté :  » Vous ne répondez pas à la question que je vous pose  » dit-il avec un air frustré. Et alors il l’avertit : « Regardez, si un membre de votre paroisse vient vous voir et vous pose une question et que vous ne répondez pas à cette question mais à une autre, alors ils quitteront très vite l’Eglise ! Et ils partent ! »

Pareillement, un jour il remarqua un certain séminariste dormant dans la classe. Le père David le laissa faire son petit somme, puis resta dans la classe de cours jusqu’à ce que le jeune homme se réveille. Le séminariste, en se réveillant, vit le Père David assis à côté de lui, et la classe s’étant vidée, il était persuadé que ses études au séminaire étaient terminées. Mais le Père David lui dit seulement : « Moi aussi il m’arrivait de m’endormir pendant les cours ! » . Et maintenant ce séminariste est prêtre.

Ceux qui ont eu l’extrême chance d’étudier avec le Père David, ont eu le grand privilège de côtoyer un mentor qui était non seulement parfaitement versé dans la tradition théologique et philosophique de l’Eglise, aussi bien occidentales qu’orientales, mais également extrêmement équilibré et judicieux dans ses jugements. Il était tout à fait orthodoxe comme seulement les érudits qui ont étudié les Pères et les Docteurs de l’Eglise peuvent l’être. Cependant je peux me le rappeler me disant : » Randy, n’essayez pas d’être plus Pape que le Pape « . Par cela il voulait dire que si le Pape n’avait pas condamné un théologien, ce n’était pas à moi de le faire . C’était mon rôle de travailler dur, d’apprendre ce que je pouvais de toutes les sources fiables et de rester fidèle. L’Orthodoxie, il me l’a précisé, ne consistait pas à être conservateur ou libéral, mais à aller droit au but et à réfléchir selon la pensée et l’esprit de l’Eglise.

A la fin du chef d’œuvre d’ Alasdair MacIntyre, « Au-dessus de la vertu », l’auteur parle d’un vraiment tout autre – « St Benoit ». Quelque soit le sens que le professeur MacIntyre donnait à cette phrase énigmatique – et il ne manquait pas de gens qui pensaient qu’ils comprenaient, mais probablement ne comprenaient pas – nous ferions bien de nous souvenir comment, dans notre monde moderne, nous continuons à être bien servis par les fils et les filles de Saint Benoit qui, comme ils l’ont fait pendant de nombreux siècles, continuent à protéger l’héritage intellectuel de l’Occident à l’abri des murs de leur monastères, l’enseignant dans leurs écoles, le gardant intact jusqu’à ce qu’une société plus solide vienne à bout de toutes sortes de barbarie qui l’assaillent (que cela vienne des Ostrogoths, des Vandales, des philosophes des Lumières ou les théoriciens universitaires post-modernes ). Et pendant ce temps les étudiants peuvent bénéficier des riches trésors que la tradition maintient.

Parfois la grandeur vient dans des petits paquets, comme la sagesse est quelque fois trouvée dans les endroits les plus invraisemblables – et dans les plus étranges petits moines.

Merci Père David.


RANDALL B. SMITH enseigne à la Facultė de Saint Thomas, où il a été récemment nommé au « Scanlan Chair » de théologie.


http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-late-great-fr-david-balas-o-cist.html