Le concept d’identité est celui qui fait le plus discussion entre ces catholiques profondément divisés dont je parlais hier, à propos des livres d’Erwan Le Morhedec et de Laurent Dandrieu. Gare aux identitaires ! nous dit le premier. Pourquoi cette défiance ? rétorque le second. Pour Le Morhedec, l’identitaire est crispé sur une sorte de grimace de la foi, dont il ne retiendrait qu’un certain décorum, ou pour le pire une écorce vide de sève et de contenu. Pour Dandrieu, si l’identitaire se montre par trop attaché à l’extérieur des choses, « c’est à l’Église de purifier ses conceptions, en transformant sa démarche de l’intérieur ». Un exemple : les crèches publiques. C’est pour de mauvaises raisons que l’identitaire en défendrait le bien-fondé, puisqu’il est peu sensible au signe de l’enfant de Bethléem. Admettons, répond l’autre partie : « Mais pour qu’un signe communique ce qu’il a à communiquer, encore faut-il qu’on lui laisse la latitude de le faire (…). L’Église serait mieux inspirée de voir que cet attachement constitue un appel et aussi un signe d’un autre ordre (…) que l’âme chrétienne ne se résout pas tout à fait à mourir au sein des populations les plus déchristianisées. »
C’est vrai que dans le mot identitaire, il y a quelque chose de dur, d’agressif, dans le style de sectaire, de sicaire. Mais il y a peut-être quelque chose à retenir de cet attachement à une identité. Le libertaire lui aussi est un agressif à sa façon ; cela n’empêche pas la liberté d’être une belle et grande chose, surtout lorsqu’elle est vécue par d’authentiques hommes libres, détachés des modes et des préjugés du temps. Sans identité, il n’y a que du non-être, il n’y a qu’une existence de zombie. C’est vrai que l’identitaire souvent ne se définit ainsi que par une réaction butée qui s’exprime souvent dans la provocation, si ce n’est dans l’agression. N’empêche qu’il y a peut-être en lui un désir, même impur, de combler son propre vide. Et il vaut mieux l’aider dans un chemin de reconnaissance et d’approfondissement, plutôt que de le jeter dans la géhenne de la réaction, là où on lance des regards de mépris pour ces pauvres types à qui, fort heureusement, nous ne ressemblons pas. De pauvres publicains, en somme.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 janvier 2017.