L'homme dans le cosmos - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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L’homme dans le cosmos

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Introduction

Pascal disait : « L’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. » Voyons si notre analyse théologique de la place de l’homme dans la création, dans le cosmos, confirme cette phrase.

– I – Données scripturaires.

Si nous relisons le poème de la création de Genèse 1, nous pouvons constater qu’il y a une gradation des êtres créés et l’homme semble en être le sommet. Pourtant, il faut y ajouter une nuance, car le 6° jour où l’homme est créé est aussi celui où les animaux terrestres le sont aussi. Le domaine n’est donc pas aussi tranché, même s’il lui est demandé de commander à ces animaux. De plus, alors que la sexualité semble appartenir au monde animal, ce n’est qu’à l’homme qu’est appliquée cette dualité en homme et femme. Il y a surtout cette qualification d’ «image et ressemblance » qui va mettre définitivement l’être humain à une place à part. De même avec le commandement d’être le maître de tout ce qui vient d’être créé.
Le second poème de Genèse 2 va apporter des notes spécifiques à l’homme. Il doit « cultiver , (ou travailler) et garder » ce jardin dans lequel Dieu le place. Ces deux verbes ont une grande extension : cultiver ou travailler indique qu’il doit être actif dans la création, mais garder veut aussi bien dire protéger que sauvegarder. Il y a surtout cette scène de nommer les animaux. Quand on sait l’importance de nommer, qui est presque avoir prise sur l’objet ou la personne qu’on nomme, cela signifie la place privilégiée que l’être humain doit avoir dans le monde animal.
Le péché, en Genèse 3, va montrer que ce rapport va être bouleversé. Le monde créé va devenir hostile, le cultiver est pénible, à la sueur de ton visage.
Genèse 9, après le déluge, introduit une autre notation. Dieu redit d’abord le commandement d’être fécond et de se multiplier. Puis, alors qu’avant il n’avait donné à l’homme comme nourriture que les fruits de la terre (« l’herbe »), Dieu lui donne les animaux en nourriture, à l’exclusion du sang qui est « principe de vie » (v.4). Ce qui est suivi de l’interdiction de verser le sang humain : « car Dieu a fait l’homme à son image .»
Les psaumes ont des approches très contrastées de la place de l’homme vis-à-vis de Dieu et du monde. Il est à la fois : « un peu moins qu’un souffle (38,10) » Double allusion à la faiblesse et au souffle reçu de Dieu qui le fait vivre (voir aussi 61,10 ; 77,39 ; 102.16 et 144,4). Mais aussi, : « Qu’est-ce que l’homme que tu en prennes souci…..Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur (8,5-6) » La place de l’homme est précisée dans les versets suivants où toutes choses sont mises à ses pieds. Donc une certaine maîtrise sur la création. Petit devant Dieu, pourrait-on résumer, et grand dans la création.
Le livre de Job, dans son vaste panorama des animaux (chapitres 39 et 40) veut montrer que l’homme est un peu débordé par cette création. Job ne peut égaler ni comprendre cette richesse de la création et donc du créateur. Il est alors invité à l’humilité.

Dans les Évangiles, on voit Jésus admirer la création : « Les lis des champs…(Luc 12,27) » mais pour montrer que Dieu s’intéresse beaucoup plus à l’homme. Nous reverrons cela plus en détail lors de l’étude de la lettre Laudato si.

Le chapitre 8 de la Lettre aux Romains affirme :
J’estime, en effet, qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet, la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant (littéralement :à la vanité), non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livré à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. (18-23)
Il y a une profonde interpénétration entre la destinée humaine et celle du monde qui nous entoure. La soumission au néant, à la vanité comme on lisait naguère, est une allusion au bouleversement du rapport de l’homme au monde introduit par le péché. L’hostilité du cosmos est palpable par l’omniprésence du péché, mais aussi des catastrophes naturelles, comme nous dirions maintenant. Celles-ci, n’en doutons pas, ne sont pas étrangères au désir désordonné que l’homme a de régir le monde à sa guise. C’est ce que dit le pape François au début du chapitre 3 de Laudato si :
Il ne sert à rien de décrire les symptômes de la crise écologique, si nous n’en reconnaissons pas la racine humaine. Il y a une manière de comprendre la vie et l’activité humaine qui a dévié la réalité jusqu’à lui nuire. (§ 101)
Saint Paul, lui, passe directement à la destinée surnaturelle de l’homme, par l’adoption filiale dans l’Esprit Saint, mais souligne que cette transformation, cet enfantement, va atteindre tout notre environnement. Le sort de ce qui nous entoure, la transformation espérée, sont liés à notre propre transformation spirituelle. C’est ce que nous allons retrouver, avec un autre langage dans l’Apocalypse.

En parlant d’un ciel nouveau et d’une nouvelle terre, l’auteur de l’Apocalypse, nous avertit du changement radical qui doit se produire. Le langage imagé qu’il emploie marque les étapes de cette transformation : les éléments sont changés, la mer engloutie, le ciel roulé comme un livre qu’on referme (6,14). Par deux fois (11,19 et ch. 21) ces visions se terminent par l’apparition de la Jérusalem céleste : « Bienheureuse vison de paix » dans laquelle il n’y aura plus ni deuil ni douleur (21,4). Il est donc annoncé, non pas une conservation de notre monde, mais une profonde mutation qui permettra une parfaite communion entre les sauvés. Priorité donnée à la réalisation plénière de l’amour donné par Dieu par la mort de l’Agneau.

– II – Tradition et données contemporaines

* Le Moyen-âge vivait dans la conception ancienne d’un monde sublunaire soumis à la corruption alors que le monde des astres, plus ou moins habité et mu par les anges, était le monde incorruptible. Certains pensaient que cela voulait dire que l’homme était au centre de la création. Peut-être faut-il au contraire penser que cette conception soulignait la petitesse de l’homme, enfermé dans ce réseau de sphères célestes qui gouvernaient son destin. Le dernier avatar de cette conception survit dans l’astrologie chère à certains de nos contemporains.. Le géocentrisme est mort avec les découvertes astronomiques qui ont fait comprendre que les astres étaient de même composition que notre planète.

* Le Catéchisme de l’Église catholique consacre un peu plus de deux pages à la création entant que « monde visible » (§ 337 à 349)
Il n’existe rien qui ne doive son existence à Dieu créateur (§ 338)
Les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à leur façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu. C’est pour cela que l’homme doit respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses, qui méprise le Créateur et entraîne des conséquences néfastes pour les hommes et pour leur environnement. » (§ 339)
Les paragraphes suivants disent l’interdépendance des créatures et la beauté de l’univers.
L’homme est le sommet de l’œuvre de création. (§ 343)
Cinq paragraphes sont ensuite consacrés au Sabbat et au huitième jour.

* L’encyclique Laudato si intitule sa deuxième partie Évangile de la création (§ 62 à 100).
Le pape essaie de répondre à la question du sens du monde matériel par rapport à l’homme. Après avoir repris sommairement les récits bibliques, le § 67 répond à ceux qui accusent la Bible de favoriser l’exploitation sauvage de la nature, à cause du verbe « dominer » de Genèse 1,28. Le pape fait alors appel à une juste compréhension des mots bibliques :
(Les textes bibliques) nous invitent à « cultiver et à garder » le jardin du monde (Genèse 2,15). « Cultiver » signifie labourer, défricher ou travailler et « garder » signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner, surveiller. Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l’être humain et la nature. Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de sa fertilité pour les générations futures.
Le § 70, à partir de l’analyse de l’épisode de Caïn et d’Abel, souligne la chose suivante, extrêmement importante : les conflits humains retentissent sur le monde matériel.
La négligence dans la charge de garder et cultiver une relation adéquate avec le voisin, envers lequel j’ai un devoir d’attention et de protection, détruit ma relation intérieure avec moi-même, avec les autres, avec Dieu et avec la terre. Quand toutes ces relations sont négligées, quand la justice n’habite plus la terre, la Bible nous dit que toute la vie est en danger.
Le § 76 distingue nature et création pour introduire la certitude que celle-ci est un don de l’amour du Père. Il y a même derrière ces affirmations une pointe contre ceux qui survalorisent la nature. Elle n’est pas un absolu. Il n’y a que Dieu qui est absolu. Parler de création nous renvoie à Dieu.
Pour la tradition judéo-chrétienne, dire « création » c’est signifier plus que « nature », parce qu’il y a un rapport avec un projet de l’amour de Dieu dans lequel chaque créature a une valeur et une signification. La nature s’entend d’habitude comme un système qui s’analyse, se comprend et se gère, mais la création peut seulement être comprise comme un don qui surgit de la main ouverte du Père de tous, comme une réalité illuminée par l‘amour qui nous appelle à une communion universelle.
Le § 83 élargit la perspective en rappelant que le Christ ressuscité est «l’axe de la maturation universelle ». « La fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu. »

– III – Réflexions contemporaines (inspirées en partie d’un article du P. J-M Garrigues)

La création est-elle simplement la réalisation concrète d’un ensemble complexe et merveilleux, pour ne pas dire fabuleux ? C’est déjà vrai et cela nous pousse à l’admiration et même à l’adoration en remontant de la beauté de la créature à la splendeur du Créateur. Mais si nous en restons là, nous n’avons comme Dieu qu’un suprême artisan, ou le grand horloger de Voltaire. Il faut ajouter une affirmation essentielle : elle est un don. Qui dit don, dit relation personnelle. Le donateur est le Père tout-puissant, (premier article du credo). C’est comme Père, source de tout, qu’il fait exister autre chose que lui-même, et dans le cas de l’homme, faire surgir des libertés pour vivre en rapport aimant avec lui. Par exemple, cela s’oppose à tout refus d’une dépendance, plus ou moins scientiste, disant que le monde est une donnée. Mais qui dit donnée suppose un donateur. À qui est destiné de don : sans hésiter, nous répondons à la créature humaine . Celle-ci est en effet le plus haut point de la création, comme le souligne le premier poème de la Genèse. Mais ce don est à la fois à garder, voir plus haut, mais il est aussi un héritage. L’homme ne doit pas imiter le fils prodigue qui en voulant dès maintenant l’héritage va le perdre et se perdre ; il est donné dans un dialogue, une communion avec celui qui donne, pour que celui qui le garde puisse un jour entrer, non pas en possession égoïste et illimitée de celui-ci, mais dans une pleine communion avec celui qui lui a donné. Le temps de notre monde est celui de l’apprentissage, apprendre à être un fils aimant et non pas un fils égoïste et gaspilleur.
On peut ajouter que certaines réalités fragiles et fugitives, la beauté éphémère d’une fleur, l’éclat unique d’un coucher de soleil, sont presque un clin d’œil de celui qui nous les offre. Elles sont surtout là pour nous guider vers l’invisible et le définitif, pour nous empêcher d’oublier que ce monde passe en attendant le monde définitif. Le danger, quand on oublie cela, est de prendre le cosmos pour une donnée définitive. La contingence du créé nous renvoie vers le définitif du Dieu qui nous attend. Écho des phrase de saint Paul sur la création qui gémit en attente de sa réalisation définitive.
La notion d’héritage implique aussi celle de conservation et de transmission. D’où l’attention accrue portée actuellement au souci des générations futures : gaspiller l’héritage ou permettre à ceux qui viendront après nous d’en profiter à leur tour. Le pape François est particulièrement sensible à cet aspect.
En contrepoint, nous devons constater que les richesses naturelles du cosmos actuel semblent être en voie d’épuisement. Cette usure du monde créé doit être comprise non comme une imperfection, mais comme un rappel de son état transitoire. De quelle manière ce monde va-t-il se transformer dans le monde nouveau ? Ce n’est pas à nous de répondre. Certains pensent que nous devons vivre comme la chrysalide qui dévore son enveloppe pour devenir papillon. Mais notre foi nous dit plutôt que le monde nouveau sera un monde recréé. C’est pour un homme nouveau, délivré de la corruption et de la mort que Dieu fera la création nouvelle pour l’y introduire. Si nous croyons à la création comme acte initial de Dieu pour notre vie, nous devons également placer notre foi dans cette cité future qui ne sera pas notre produit, mais le don de Dieu. En Hébreux, chapitre 11 : le terre promise est à attendre de la re-création par Dieu.

Conclusion

Inventorions la création (science et technique), admirons-là (littérature, peinture et poésie) mais ne l’idolâtrons pas : don de Dieu fugitif en attendant le don définitif : « Comme un manteau tu rouleras le terre, comme un habit tu la remplaceras. » (Hébreux 1,12).